La société perd sa vitalité intellectuelle pour remplir l’espace dégagé de rancœurs et de soupçons. Tout œuvre est cause de procès, de condamnation, ou pire encore, d’exclusion à titre préventif. Cette prophylaxie de l’esprit dévaste tout. Chacun est libre de condamner et jeter à la fosse ce qu’il entend comme contraire au bien.

Aux Etats unis, l’association PEN American qui défend la liberté des écrivains, a recensé plus de 2500 cas de censures prises par des institutions scolaires, afin de  retirer ou interdire des livres et auteurs de leur circonscription. Dans tous les états conservateurs, c’est l’hystérie. Partout, on fouine, on dénonce, on éradique pour protéger… Protéger quoi, au juste ?

Au total, 1650 livres sont déjà interdits et éradiqués des programmes ou des bibliothèques scolaires.  Sont écartés de toute accès à la lecture Mark Twain, Toni Morrison, John Steinbeck, Philip Roth, Shakespeare. Et même Anne Franck en BD. Interdite au Texas en raison de références insidieuses à la sexualité.

Ce n’est qu’un début. Tout ce qui évoque, suggère, aborde, les questions du racisme, de l’esclavage, des minorités, du genre, de la sexualité, est exclu du savoir.

N’allons pas croire que de ce côté-ci de l’Atlantique, dans notre république, la situation est sauve. Récemment, une pétition – des étudiant (e )s- de plusieurs écoles d’art  revendiquait l’exclusion  des programmes de plusieurs cinéastes, dont l’immense Jean-Luc Godard. Sa façon de filmer le corps féminin différemment du corps masculin a révolté certaines consciences. C’est sûr – ainsi nous le dit « Le Mépris » -que le corps de Brigitte Bardot n’est pas celui de Michel Piccoli.  CQFD. Plus besoin de grand-prêtre MAGA. C’est une partie de la jeunesse ici qui fait le travail de purification.

L’inquisition reste une valeur moderne. Et aujourd’hui, tout le monde peut en profiter.

 

©hervéhulin2023