Des pluies sœurs de lune peuplent le ciel d’écume
Ce sont là de vastes fontaines en voyage
Des vastes navires en marche sur le monde
Des pluies couleurs de neige au bas du ciel d’écume
Voguent échevelées voguent et sonnent l’âge

Ainsi venu le temps, ainsi venu l’hiver,
Les neiges frileuses soulevèrent le nord
Un élancement de sable au salut blanc de l’aube
Elles quittaient la terre, en fumée, sans remords
Ces ondées nouvelles, ces tiédeurs soudaines
De mémoire d’homme, qui donc vit l’hiver en vol ?

Et ce furent des pluies, des pluies envers le songe
Sablier de brume pour accueillir la terre
Elle revenait, l’eau, sans mesure et première
C’est un noble retour dans le cœur vieux des hommes

Il tombe sur la ville un applaudissement
Des vents. N’était que ce bruit frêle comme est l’âme
Aux instants de pâleur, l’homme enfin confiant
Recueillerait demain aux formes découvertes
La tiédeur de l’effort comme l’or d’une flamme
Et chantent les pluies O sources génitives
Des pluies de mémoire, des pluies fauves et noires.

Au souffle des reflux celui de la défaite
La mer est en voyage et son courant se perd– Âme !
Tu n’es plus le miroir traversé de saisons
Où le rire des nuages fut l’orgueil du jour – Homme !
Où donc est ton silence ? Où donc est ta foi, où donc ta raison ?
Dans le train chagrin des âmes trahies
C’est un puissant désastre et que les pluies t’emportent !

Les augures du soir étaient beaux et menteurs
(Ils montrèrent l’astre promis
Le juste de l’honneur, l’orgueil des cités vertes
Un présage assuré dans l’éclat des fontaines)
Mais tout l’or du monde désespérait les songes
Comme femme en son voile l’aube restait promesse
Pluies fortes, pluies trompeuses ! Où est votre promesse ?

Sous la pourpre trempée des princes un mensonge
Toujours revint. Des pluies moqueuses, des pluies rouges
Marchaient comme un tambour au front d’armées sauvages
Rires dissolus des vainqueurs ! – Armes avivées d’éclairs !
Tout n’était que violence aux hommes sans mesures
Et le désert rendait cruels les chevaux mêmes

« Mais que reste-t-il donc du rire des fontaines ? »
Sauf l’antique blancheur des neiges si pures
Des cités éventrées, des peuples éclatées
Des arcs de pierre à genoux puis des vallées closes.
Là-bas comme un miroir d’hiver lègue à la terre
L’argent blanchi de ses névés
La lisière des eaux sur la pâleur des roses

Et mon rire n’est plus cette armure enneigée
Où je croyais enclos tous les vaisseaux du monde ;
La tristesse hume les embruns de sa présence
Je ne sais plus si l’âme est une aurore blonde
Où rien que ce guerrier qui compte les années
Qu’est devenue la grâce du silence souhaité ?
Et la pudeur de l’ombre au front des cités vertes ?
Mon cœur quelle est donc cette grâce qui trahit sa douceur ?

Au matin mûri d’attente
Voici que dessus la ville et le déclin des pierres
Dessus le jour, dessus l’orgueil des astres promis
Comme s’ouvre l’envol d’un millier de colombes
La nuée des anciennes promesses quitte le monde
Il pleut devant l’horizon des brumes
Des pluies sœurs de lune peuplent le ciel d’écume
Et c’est déjà l’heure qu’il faut choisir un monde
Y vivre et s’y soumettre et n’y rien regretter
Des neiges tant aimées du ciel O mon coeur
Sous la rumeur changeante que font les pluies du soir
D’où vient donc cette ondée qui éclaire un espoir?

 

 

©hervehulin2021