Où vont tous ces instants souvent si intensément partagés et dont il ne reste aucun résultat quelques temps après qu’ils sont éteints, sauf cette impression de cendre tenace ? Au lieu de se demander pendant dix mille ans si la vie a un sens et si la mort en est quelque chose de plus qu’une vaste biodégradation, les foules contemporaines auraient plus de sagesse à rechercher comment faire que pas un seul instant vécu ne le soit sans laisser quelque chose de durable aux siècles conséquents ou plus simplement dans la semaine qui suit, voilà qui remplirait sinon des pages, mais bien quelques vies de bonheur, quelques vies de certitude accomplies. Tous ces gouffres de désespoir parce qu’on ne croit jamais assez vivre. D’ailleurs, combien de philosophes se tourmentent depuis des millénaires dans la recherche de ce qu’est la mort en regard de ce qu’est la vie, comme d’une bonne équation qui résorbe dans sa formule finale toutes les considérations possibles ?  Ces choses que sont le regret, le chagrin, l’absence, nous ne les connaissons que dans nos émotions. Plutôt que d’interroger où va l’âme d’un être cher, ce qui nous accable dans sa perte n’est-ce pas d’abord la contemplation de ces innombrables instants enfuis, qui restent celés à jamais dans tous ces objets désormais vains ?