Voyez comme Démocède est habité de son personnage, comme il est habile à exprimer des sentiments rares et délicats. Il arpente la scène, en exploite l’espace pour animer pleinement son rôle. Il est grand professionnel depuis toujours. Vous avez noté : son geste est sûr, jamais trop ample, sa voix reste vive mais sans affect ; il sait bien la rouler, la rendre comique et la contrefaire pour changer de ton lorsqu’on ne s’y attend pas. Il roule, sur les planches, se déplace sans cesse, et alimente ses postures de mimiques de son cru, qui soulèvent la joie et le rire sur commande ; car Démocède, par son talent, fait de notre humeur ce qu’il veut. Quel que soit son texte, il le connaît comme s’il l’avait fait lui-même. Il sait varier le ton et le discours, on riait à l’instant, et nous voici les yeux soudain embués, le gosier serré sous l’émotion qu’il exhale. Et puis le revoici drôle, ainsi qu’il est le meilleur. Il accélère le débit et le mouvement, accroit le volume et change l’argument, en levant les mains, les yeux, tournant la tête partout où le regard peut se poser: l’effet est là, les rires de toute part se pressent. Ah vraiment, dirons-nous, voilà qui est jouer son rôle avec la tripe et la technique coulées dans un même tempérament. Mais qu’exerce donc Démocède ? Ne vous trompez point sur son métier. Il n’est pas acteur et nous ne sommes pas au théâtre, il est ministre et le voici candidat à nos suffrages.

 

©hervehulin