Koala pressing (La vie des français III)

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Le pressing de la rue Oberkampf est tenu par trois jeunes employées. Elles sont d’origine africaine ou antillaise (ceci pour caractériser qu’elles ont la peau noire, c’est déterminant pour la suite). Elles travaillent revêtues d’une blouse blanche. Il y a un homme sur le côté, qui semble très attentionné sur un registre, sur lequel il semble noter des choses ; il est en chemise (blanche) avec une cravate. C’est un homme blanc.

Un client s’attarde devant le comptoir de dépôt des vêtements. Il fait un éloge (bruyant) de ces employées, tourné exclusivement vers l’homme en cravate.

« Ah, elles sont bien vos filles… Elles sont super…Ah…Elles sont formidables… Elles sont sympas, elles sont efficaces…elles sont efficaces, vraiment, et ça bosse super bien » … Etc. Etc.

Et il sort.

Éclat de rire des employées. De l’homme en cravate aussi. On rigole.

Mais pourquoi donc ? Parce que cet homme en chemise cravate, il n’a jamais été question qu’il fût leur patron. C’est un employé de la chaîne de pressing qui vient relever les conditions de sécurité des machines.

C’est amusant. Un simple coup d’oeil, homme blanc+ cravate/ deux jeunes femmes, employées, +peau noire= c’est l’homme blanc leur chef.  Fabuleuse équation. Ce client qui en faisait des tonnes sur l’éloge des trois travailleuses n’a pas pu penser, par une forme d’instinct ethnocentrique, que cet homme blanc-chemise-cravate ne fût pas en situation de supériorité professionnelle. Il est blanc et mâle, donc patron des femmes noires. On saura gré que la remarque de ce brave homme procédait d’une bonne intention, celle de saluer le travail de ces jeunes femmes, et c’est bien.

Mais qu’aurait-t-il dit si elles avaient la peau blanche ?

Bien autre chose, ou rien du tout d’ailleurs… A vouloir donner ce qu’on n’a pas, on se retrouve nu sans avoir rien donné.

Telle est ainsi, parfois, la vie des français.

 

 

©hervéhulin