Saint Thomas commença à croire seulement quand il reconnut Jésus à ses plaies, pour les avoir touchées. Les autres apôtres n’ont pas eu cette exigence. Sans avoir vu, lui, n’aurait pas cru et l’histoire entière aurait pris un autre tour.

Il y a toujours ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, et ceux qui ne croient que ce qu’ils ne voient jamais. Pour les uns, la vérité naît de tout ce que les sens peuvent amener à la raison ; pour les autres, la preuve de ce qui est vient de ce qu’on n’en connaît rien. La preuve que Dieu existe, nous aura-t-on souvent affirmé, est qu’on ne le voit pas. Ainsi, il est partout, et cette ubiquité est la preuve de sa divine essence.

Jadis, les plutoniens disputaient avec les neptuniens du contenu intérieur de notre Terre. Pour ces derniers, elle était pleine d’eau, et l’immensité des mers, la circulation des fleuves et des rivières, et le fourmillement des lacs et des étangs dont le spectacle fascine tous nos sens, et plus particulièrement le bon, en étaient la preuve. Pour les premiers, les volcans sculptaient les volumes de la terre, tandis que le feu remplissait notre globe, en préservait le secret dans ses profondeurs ; seuls les alchimistes, initiés grâce à des enseignements eux-mêmes invisibles, en connaissaient les clés, et la théorie, et la puissance que parfois trahissaient la colère des volcans.

Nos âges modernes, où chacun peut inventer ses propres vérités selon ses passions ou son intérêt, en ont retenu l’enseignement. Un projet de loi sera d’autant plus contesté que ses dispositions estimées les plus dangereuses pour la cité et nos libertés, n’y sont point inscrites. Dans ce discours du ministre, les intentions énoncées n’avaient pour seul objet que de détourner de celles qui ne l’ont pas été. Ce traité, qui va changer l’Europe sitôt ratifié, est d’autant plus à craindre que ses clauses funestes n’y figurent pas : n’est-ce pas là cette preuve que ses concepteurs ont bien des vérités à nous cacher ? Qu’un ministre, un expert, un journaliste, un professeur, quiconque qui sera assimilé à l’Etat, à une forme d’autorité, ou aux affaires publiques, affirme qu’il fait jour à midi. Sa seule position suffira à faire douter de ce fait, et il paraîtra possible de juger que le jour affirmé n’est pas si clair que cela.

Ainsi va le monde des considérations depuis bien longtemps. Et voilà l’horizon qui désormais s’impose. Tout ce que nous voyons de nos yeux, de la République et de l’État de droit n’est que fantôme insignifiant, et ce qui nous en est dissimulé est par nature, vérité.  Prenez garde : plus personne ne mettra jamais les doigts dans les plaies de ce qui vient sauver le monde. Ce sont les bruits des bottes à l’approche et l’ordre des camps,  qu’on ne voit jamais venir.

 

©hervéhulin2022