Oronte a la passion du pouvoir, c’est un homme de forte ambition. Il a toujours su se faire un chemin sans détour dans les aléas des gouvernements. Il a fondé et dirigé sans faiblir bien des partis et des mouvements, construit des alliances et défait des rivalités. Maire, député, ministre, président un jour, Oronte avance. Il sait manœuvrer les lignes et écarter les adversités. Il évacue avec talent ceux qui lui feraient obstacle, avant même qu’ils en aient conscience. Tout l’emmène et lui réussit dans son avancée vers le sommet. Il a pour cette marche les qualités indispensables.

Car on dit de de lui qu’il a du flair et de l’instinct. Il est habile aussi, tel un renard. Qu’il travaille plus que l’ordinaire, et avec grande patience, c’est une fourmi. Qu’il voie bien les choses qui viennent, et c’est un aigle.Pour les uns, qui l’admirent, c’est le courage d’un lion qui l’habite; mais pour d’autres qui le détestent, c’est la fourberie du serpent.

C’est un chasseur, disent certains ; la majorité de l’opinion convient aisément qu’il est un animal politique, une bête de pouvoir. Il se souvient de tout, c’est une mémoire d’éléphant. Sait-il être impitoyable avec ceux qui lui font défaut? O
n ajoute « c’est un carnassier ». Il est constamment à l’affût des opportunités et des fautes de ses adversaires, il les suit à la trace, et saura quand il faut mordre. Ne voit-on pas dans cette arène un univers de grands fauves ? Il ne lâche pas ses proies. Et bien d’autres traits encore sont salués ou maudits.

Mais pourquoi faut-il donc que le métier de la politique, dont le seul objet devrait être de faire mieux vivre les hommes en société, se croient obligés d’emprunter pour se faire valoir, a bien des féroces qualités des animaux dans la nature, qui en font de si parfaites créatures pour certains, mais sitôt transportées dans la nature humaine, deviennent d’épouvantables vices?

 

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