Atys montre peu de sentiments quant aux évènements et aux bouleversements du monde. Et des affaires humaines, qu’elles lui soient proches ou lointaines, aucune ne semble l’effleurer. De la carrière et du métier, de ceux qui s’activent dans le travail, il ne retient qu’un bourdonnement indistinct ; ces machineries-là le touchent bien peu, elles lui semblent trop grises. Lui dit-on que Céphise a perdu son emploi, qu’elle en est brisée, il n’en dit rien et tourne ses pas. Et des mouvements de l’amitié, direz-vous, il ne peut sans doute en rester très éloigné, car ce genre de liens secrète un peu les teintes vives de la vie. Mais de ceux-ci, dont il ne perçoit qu’une sorte d’encombrement de ses journées, il n’entend pas plus : l’absence furieuse d’Alcippe, qui ne lui fait plus signe depuis huit semaines, croyez-bien qu’il ne l’a pas remarquée. Certes, mais aux élans du cœur, et de l’amour, derrière l’attitude si blanche qu’il se donne, pensera-t-on, il ne peut résister complètement ; car il y a bien dans le regard qu’impriment parfois vers lui certaines femmes, un rayon troublant qui surpasse toute affectation ; Césonie le sait bien, qui le fixe de ses yeux si verts. De ces choses-là tout autant que des autres, comme de ces yeux dont il ne saurait dire la couleur, Atys est très distancé. Mais alors, si rien ne le touche dans les sentiments des personnes, il sera certainement ébranlé des tourments du monde qui déroulent comme autant de furieuses spirales les guerres, les cataclysmes, les misères et toutes ces sortes d’effondrement ; d’ailleurs, de ce vieil homme accablé qui dort par terre sous ses haillons, ultime sanction des malheurs de toutes nos sociétés, le cœur d’Atys entend-t-il bien l’écho ?

Atys est indifférent, vous dit-on, et rien ne l’atteint ni ne traverse le cristal de son âme. Rien ne l’effleure, et tout passe au-delà de sa hauteur. De sorte qu’il ne sait plus comme le monde se meut, tournoie dans le cosmos et conclut son tour sans l’attendre : voici qu’Atys décline, et vieillit, et un jour, disparaît. Alors tout reste indifférent à son absence, le monde, les hommes, les idées, les actions et leur souvenir, comme du vent la rumeur immobile à la cime d’un pin. Le sort d’Atys indiffère le monde, lui naguère indifférent au monde.

 

 

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