Une bonne centaine (et sans doute bien plus…) de livres à lire pour vivre plutôt heureux (II). Les médiévaux.

CHAPITRE SECOND : LES MEDIEVAUX.

Le moyen-âge, malgré son étendue historique, n’aura pas été l’âge où la littérature foisonne- du moins chez nous, en “occident”. Normal, quant à son début, plus personne ne sait, lire sauf les prêtres, c’est qu’on est tombé bien pas. Mais le concept de moyen-âge est d’abord une idée occidentale qui signifie très peu pour les esprits orientaux ; aussi, n’allons pas chercher pourquoi tant de monuments ailleurs que chez nous.

Le langage est encore informe en Europe- mais déjà si évolué ailleurs, au Japon ou en Chine par exemple. C’est cela qui est intéressant. L’Occident est en retrait dans sa performance créative. Il faut attendre la fin du XIIe siècle pour que ça commence à bouger (Huit cents ans après Saint Augustin ou Ammien !).

Et pourtant, bien de belles choses qui font sillon dans cette passion des hommes à écrire. Car en ce temps si long et compliqué, on se soucie d’écrire moins pour être lu -pas encore d’imprimerie, plus de lectures publiques, et on ne sait pas lire ou si peu- que pour inventer. Et si ce n’est pas la période la plus brillante de la littérature, c’est en tout cas dans ce vaste espace de temporalité que vont se construire et s’agencer irréversiblement, bien des traits qui vont marquer définitivement la suite. C’est au terme de cette longue transition, qui commence par une quasi-disparition de la littérature et déroule un sens du merveilleux qu’on ne retrouvera plus jamais, que l’homme se placera au centre, tandis que le divin s’efface pour une place secondaire.  Cette médiévalité si longue d’un millénaire fut bien un moment médian où les lettres sont devenues une passion partagée de l’humanité.

Allons-y, donc.

  1. Sei Shonagon. Notes de chevet. 1002. Un des plus beaux et captivant livre de mon Panthéon. Ne cherchez pas d’histoire ou de trame : ces notes ne sont que des récits des jours (et des nuits) d’une grande dame à la cour de Heian. Elle observe les saisons, la nature, et les mœurs. Tout y est noté en subtilité et raffinement, jusque dans la moindre émotion. On y trouve des anecdotes, des souvenirs, mais aussi – curieuse marque de fabrique de ce livre, et de son époque – des listes : de choses agréables, de souvenirs, de sensations, d’oiseaux, de visages etc. L’ennui y alterne avec les joies, les rêveries avec les instants de convivialité, et au détour d’un soir ou d’une nuit, voici des instants d’amour ou de nostalgie. Le style y est toujours d’un équilibre parfait. Parfois, au cours de la lecture, on se surprend à envier d’avoir vécu dans cet univers-là, subtil et lointain. A noter: les femmes écrivent au Japon, en ces temps distants, bien plus qu’en Europe ou ailleurs.
  2. Murasaki Shikibu – le dit du Genji (Genji Monogatari) – 1010: récit prétendu véridique d’un prince impérial qui ne peut cependant pas prétendre au trône. Contemporain du précédent livre, cette œuvre japonaise serait le premier roman psychologique du monde. Critique incisive des mœurs raffinées de la cour de Heian et de ses intrigues constantes pour se faire une place au soleil, c’est à dire en vue de l’empereur. Mais il y a beaucoup de nostalgie, d’amours et de contemplation. C’est vraiment japonais. Le Genji est un ouvrage dont la lecture est exigeante : les personnages (plus de quatre cents) y sont désignés par leurs titres, lesquels titres changent au gré des aléa des carrières, dans le flot de ce roman de deux milles pages. Bon courage, mais ça vaut la peine de s’y acharner, quitte à ne pas tout lire, en se disant qu’on y reviendra un jour. A noter que la seule édition/traduction française à ce jour (sauf erreur) dépourvue de notes et de références pour le lecteur, n’est pas à la hauteur de la subtilité réputée du texte.
  3. Somadeva- Océan des rivières des rivières de contes (Kathâsaritsâgara) XIe siècle.Comme le dit le titre, c’est un océan dont les vagues, qui viennent sans cesser se chevaucher et se renouveler, sont des histoires. Le recueil est composé de 18 livres de 124 chapitres, en tout plus de 22 000 vers en alternance avec des sections en prose (traduction en prose évidemment, dans la seule édition de la Pléiade). Il y a des mortels, des princes et des servantes, des divinités, moqueuses ou merveilleuses, des animaux enchantés et toute sorte de créature. La trame principale relate les aventures de Naravahanadatta (imprononçable, peu importe). On se perdra dans les digressions et les tiroirs incessants. Des nuées de contes sont insérés dans le récit principal, et chaque histoire se ressource dans le conte originel du volume (attention, il faut suivre) : pour respecter une promesse faite à un mendiant, un roi doit aller chercher dans un cimetière, de nuit, un cadavre pendu à un arbre. Pendant qu’il le ramène sur son épaule, le cadavre, qui est possédé par un « vampire », (non pas un affreux suceur de sang, mais plutôt une sorte de zombie apathique) lui raconte une histoire, conclue par une énigme de portée morale. Chaque fois (sauf la dernière), le roi résout l’énigme, et le cadavre disparaît : il est à nouveau pendu dans l’arbre et le roi est obligé de revenir le chercher. Et c’est un nouveau conte…Mais on n’est pas obligé d’avaler cette masse si savante et organisée. On peut se promener dans ce volume, se perdre et y revenir, trébucher et se relever. La dernière énigme, à laquelle le roi ne peut apporter de réponse, est celle-ci : un père et son fils épousent respectivement, le premier une fille, le second la mère de celle-ci. Des enfants naissent de part et d’autre : qui sont-ils les uns pour les autres ?
  4. Béroul.Tristan. 1170. J’avais jadis, à la Sorbonne, un professeur qui nous enseignant le Tristan, de Béroul, troubadour normand du XIII è siècle, avait une théorie originale de la littérature. Pour lui, celle du moyen-âge (européen) n’était pas le balbutiement mais l’apogée. Pour cela, il argumentait qu’elle ne procédait pas d’un langage fini, mais en construction permanente : l’auteur devait sculpter la langue autant au fur et à mesure de son propos. Raisonnement à contre-courant mais ça se tient. Et cette version de Tristan et Iseut en était pour lui, une illustration. Il existe des dizaines de version de ce mythe d’une puissance symbolique et émotionnelle hors du commun. On peut en choisir une autre. D’ailleurs, celle-ci est plus centrée sur le personnage de Tristan, héroïque mais mélancolique, que sur le couple maudit. Mais elle garde une fraîcheur païenne délicate, nourrie de symboles et références celtiques, et pleine d’émotion nouvelle.
  5. Sagas Islandaises. XIè au XIIIè siècle : Les Sagas islandaises en prose, se situent aux frontières de l’histoire et de la légende. Une saga, au sens originel, n’est pas une épopée, mais l’histoire d’une famille. Les Vikings, sous l’image qu’on en garde, étaient moins des guerriers que des juristes. Au coeur des ces histoires, il y a toujours un contentieux. Elles rapportent dans un style très narratif parfois avec un esprit de thriller, les aventures des colonisateurs de l’Islande et de leurs descendants. Sans lyrisme aucun, oscillant entre la banalité du quotidien et la démesure de l’exceptionnel, les auteurs, presque tous anonymes, ont su traduire une grandiose conception de la condition humaine : véritables artisans de leur destin, les personnages préservent, par la vengeance ou la justice, la réputation qui les sauvera de l’oubli et les fera triompher de la mort. La plus aventureuse :la saga d’Erik le rouge, qui découvre l’Amérique ; la plus terrible, à lire absolument : la saga de Njall le brûlé, un thriller avant l’heure, du meurtre, de la vengeance, de la famille et de la rédemption.
  6. Chrétien de Troyes – Perceval le Gallois ou le roman du Graal.1180. C’est un des plus fascinants roman courtois, genre populaire du Moyen-Âge, bien qu’écrit en vers (octosyllabiques, la norme d’écriture littéraire de cette époque). De belles transcriptions existent et en rendent la lecture accessible, et même plaisante. C’est une histoire de pudeur et d’amour, mais aussi un des premiers récits initiatiques français. Perceval est « chaste » et « fol », c’est-à-dire d’une ingénuité qui le rend supérieurement pur et toujours sensible à la beauté ; meilleur chevalier du monde, il domine toutes les situations périlleuses qu’il traverse, sans en percevoir le plus souvent le péril. Et c’est aussi pourquoi c’est lui qui le trouvera. Quoi ? Le Graal, bien sûr.
  7. Multiples auteurs – le Roman de Renard – 1200 : c’est un récit disparate, touffu et rebondissant, qui met en scène des animaux, bien avant La Fontaine, pour évoquer les défauts des hommes en société. Il y a des gentils et des méchants, selon la représentation qu’on a des animaux au cœur du moyen-âge, dans une dimension pittoresque, voire même satirique.  Et c’est traité avec du réalisme, de la morale et de l’humour. Bref, une somme de fables et contes, de tradition orale, qui se ramifient et se démultiplient, rassemblés peu à peu dans une vulgate. Chez renard, si souvent malmené mais qui s’en sort tout le temps, on relit un peu en filigrane, Ulysse. Il prend tout en pleine face, mais survit, à chaque fois plus intelligent.
  8. Kamo no Chomei. Notes de ma cabane de moine. 1212. C’est un manuel de solitude. Les auteurs japonais ont sans égal l’art de fixer les sensations en quelques mots. Déçu de ne pas avoir obtenu une position de poète officiel près de l’Empereur, Chomei se retire définitivement dans la montagne, dans une minuscule cabane dont il fera un havre de belle conscience. De l’art de la contemplation – intérieure et extérieure – et de la vie simple, celle que nous avons perdue de vue, qui regarde en reflet la vanité des entreprises humaines. En fait, c’est comme une sorte de manuel de cette liberté qu’offre la vie érémitique. Texte très court (trente pages dans son unique édition) qui vous permettra donc d’y revenir souvent.
  9. Anonymes – Carmina Burana. 1225 à 1250. Ce n’est pas un seul texte mais une foule de poèmes qui construit bel et bien un corpus cohérent. Ce recueil – dont on doit le titre tardif à un linguiste allemand du XIXe siècle- est une compilation de chansons, notées en neumes médiévaux, d’auteurs divers mais anonymes pour la plupart. Composer des chants à boire et inviter à l’amour physique – pas celui du Christ, nous sommes d’accord- menait alors droit à l’excommunication. C’est de la littérature lettrée, pour oser un pléonasme, mais d’essence goliardique (terme oublié : des moines errants qui concilient leur renoncement chrétien avec la joie de vivre païenne) ; on y clame les désirs contraints de la jeunesse, la pesanteur de la religion, et des traits acerbes de critiques sociale : même si l’ordre établi de l’église n’est pas souvent attaqué, la chevalerie, étonnamment, y est plutôt malmenée et montrée comme une affaire de brutes. Cela dit, le thème principal, et récurrent de ces chants, est bien l’alchimie heureuse que donnent le printemps, le vin, les fleurs, la jeunesse, bref : une célébration de la vie brève qui ne se prend pas au sérieux. Donc, c’est moderne…
  10. Jean de Meung -Guillaume de Lorris. Le roman de la rose. 1235 à 1270. Imaginez un roman commençant sur un mode courtois, qui vous conte l’aventure d’un homme cherchant à se faire aimer de sa belle ; c’est alors très allégorique et empreint de merveilleux. Puis ce registre s’interrompt. Le texte est repris quarante après par un second auteur, lui aussi génial. Mais ce premier aspect l’intéresse moins, et ça évolue alors vers une réflexion philosophique sur l’amour et ses interactions sociales ; parfois, pointent aussi une forme d’autodérision de l’auteur sur ses propres sentiments, ainsi que des digressions satiriques (sur les ordres monastiques ou la noblesse… 22000 vers octosyllabes, et c’est bien un roman. Dans l’ensemble, un monument, qui fut un des livres les plus lus et les plus fameux du moyen-âge. L’introduction, peut-être, de la psychologie dans la littérature de langue française.
  11. Anonyme – Lancelot Graal- entre 1200 et 1250. Dans ce tout premier roman en prose, pas d’unité entre les cinq livres qui le composent, sauf celle du héros. Lancelot, c’est vraiment le modèle médiéval du type bien.Il a tout pour lui : élevé loin du monde par les fées (ah… La dame du Lac…), il est vaillant, prude (c’est-à-dire sage, à cette époque-là) il est noble, droit, généreux, clément etc. Mais voilà : il reste homme, avec de la chair et des émotions – contrairement à son fils, l’archangélique Galaad -et le voilà empêtré dans son destin. Voulant rendre service, il se ridiculise sur une charrette, car un chevalier ne monte pas avec un paysan dans une charrette de foin. Ce faux pas le suivra partout. Et le voilà qui commet l’irréparable : lui, si fidèle et dévoué à son roi (Arthur, évidemment) il s’éprend de sa reine, et sa reine s’éprend de lui. Alors tout s’effondre. Le roman est plein de personnages de la table ronde, de fées et de paladins, d’énigmes et d’épreuves. Moins intérieur que Perceval le Gallois, plus narratif, il trace bien le cheminement d’un destin et en cela, se fait résolument moderne. Plus pessimiste aussi sur la nature humaine : le meilleur des hommes est vulnérable, parce que tout sublime paladin qu’il est, il reste un homme.
  12. La Comédie (Divina Comoedia) – 1320. Un des sommets- non, disons-le- LE sommet de la vision poétique médiévale, et une œuvre universelle absolument, qui domine toutes les autres de son temps. Ce poème immense est si marquant qu’il a a généré un adjectif absolu : dantesque. C’est au souffle et à l’incandescence jamais égalés de ce chef-d’œuvre que le terme fait référence. De la « Comédie » on ne retient souvent que « l’Enfer », première partie hallucinée, tellement adulée et réinventée par les romantiques, et particulièrement les musiciens (Listz ou Tchaikovski.) Le “Purgatoire” et le “Paradis” s’en trouvent un peu négligés, sans doute car leur long cheminement vers l’épure céleste est de plus en plus spirituel et de moins en moins tourmenté. La lecture de ces deux autres volets donnera aussi de grands moments de richesse, passé un peu d’ascèse, car Dante ne se lit pas comme Tintin. Mais c’est aussi un langage poétique très sophistiqué, où certaines constructions peuvent échelonner jusqu’à cinq interprétations différentes. Et n’oublions pas que derrière cette immensité de la tragédie humaine face à la religion, il y a un amour éternel du poète pour sa chère Béatrice : toute l’œuvre, d’ailleurs, n’est qu’un prétexte pour la retrouver, parmi les âmes sublimes  et rares qui contemplent dieu en face- pour l’éternité.
  13. Boccace – le Décameron – 1350 : ce recueil de cent nouvelles (« livre des dix journées») est un des plus anciens ouvrages en prose.  Alors que la peste noire ravage Florence, dix jeunes gens se retirent à la campagne en espérant échapper au fléau, et chacun raconte chaque jour une histoire sur un thème imposé par le roi ou la reine de la journée (chacun des dix à son tour). Le tout nous donne un paysage constamment réinventé, et très vivant, de la fin du moyen âge. Il y a beaucoup d’histoires d’amours dans ces récits – normal, ce sont des gens qui s’ennuient-, de tromperie, de rêves contrariés. Mais on peut penser qu’après notre expérience du confinement, le Décameron sonne dans notre conscience, de façon très moderne, comme une réinvention du monde par la littérature, cette sublime et constante échappée…
  14. Shin Nai An/Luo Guan Zong. Au bord de l’eau. Milieu du XIVe siècle. On ne sait trop qui a écrit ce monument, du moins si c’est vraiment Shi Nai an (pour peu que celui-ci ait existé…) ou son éditeur Luo Guan Zong, ou si les deux se sont complétés. Et ça n’a aucune incidence sur la qualité époustouflante de ce gigantesque roman (2000 pages dans son édition Pléiade). L’intrigue est assez simple : comment 108 brigands, en révolte contre la société et contre un mauvais empereur (au début il a été maudit par les dieux), se rejoignent les uns après les autres dans un vaste marais, puis défient les autorités malfaisantes, avant de rentrer dans les rangs pour servir l’ordre et la justice… C’est donc une vaste confrérie de cent-huit brigands-justiciers : la première partie déroule le rassemblement progressif de cette cohorte, en décrivant chaque fois la destinée particulière des personnages, histoire de faire connaissance : tous sont accusés d’un crime, qu’ils ont commis ou pas, justifié le plus souvent par l’iniquité de l’ordre corrompu des mandarins, jusqu’à ce qu’ils intègrent la bande les uns après les autres. La seconde traite des aventures de cette formidable table ronde, sans la table, au service de la justice et de l’empereur. On a souvent comparé Au Bord de l’eau avec les trois mousquetaires, mais avec cent-huit au lieu de trois…. C’est éblouissant d’actions et de narrations mêlées, assez addictif malgré le volume. Surtout, on découvre la Chine des Song, foisonnante et secrète, mais toujours subtile. Le style est fluide jusque dans la traduction. Il faut savoir aussi que ce long texte, comme souvent les romans classiques chinois, sera continué et enrichi par des conteurs anonymes jusqu’au XVIIe siècle. C’est une des œuvres les plus fameuses du patrimoine littéraire chinois.
  15. Thomas Mallory- Le Morte d’Arthur. (« La mort d’Arthur »). 1469. Écrit en prison, ce cycle rassemble une nouvelle fois, dans une version qui essaie d’être exhaustive, l’épopée d’Arthur et de la table ronde. Le récit déroule de la jeunesse première d’Arthur – l’épisode de l’extraction d’Excalibur- et le parrainage de Merlin, jusqu’à l’effondrement et la fin de la chevalerie qui suit la quête du Graal. A noter que si la quête est montrée comme le sommet de la chevalerie, le récit est clairement – et mystérieusement – daté en 474, soit un âge auquel la chevalerie est bien loin d’exister encore, tout en étant composé à la toute fin du Moyen-âge, quand la même chevalerie disparaît. C’est un texte tragique, comme l’indique le titre qui scelle toute la trajectoire d’Arthur, alors que le roman commence par son enfance. Cette lecture laisse une certitude. La quête du Graal, parfois galvaudée mais si souvent réinventée, reste le plus grand mythe de l’Occident.
  16. Sebastian Brant. La Nef des fous. 1494. Bien avant La Bruyère, Brant a eu l’idée de décrire de façon chirurgicale le détail des travers des hommes en société. Il imagine celle-ci comme une nef chargée de fous, abandonnée à elle-même et sans cap tracé, qui vogue vers sa perte. Le thème du bateau ivre s’efface d’ailleurs assez vite, pour laisser la place à une énumération des défauts humains, et de ce qu’on appellerait de nos jours, des névroses. Cent-treize chapitre défilent ainsi, jusqu’aux deux derniers (« apologie du poète» et « le sage ») un peu plus optimistes sur la nature humaine. C’est amusant, mais à ne pas lire sans doute dans l’ordre et d’une traite, sous peine de se lasser. Tout le monde en prend pour son grade, les hommes, les femmes, les riches, les pauvres, les clercs, les nobles, les marchands etc et tous leurs défauts sont méticuleusement scannés, dans les contorsions qu’impose la société : l’ambition, l’hypocrisie, la dévotion, la flatterie, la cupidité et patati patata. Mais dans cette attention assez nouvelle à la psychologie sociale, il y a quelque chose d’inédit qui monte et se dévoile : l’humanisme. Désormais, l’homme est au centre de la littérature, et sa relation avec Dieu passe-enfin – au second plan. Le moyen-âge est terminé.

 

(à suivre)

 

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