
Artémon et Artémise ont réalisé de grands efforts pour acquérir leur propriété ; c’est le rêve d’une maison à soi qui à guidé les pas de leur couple si aimant depuis des années. Avec un jardin autour. Quoi de plus légitime, disaient-ils, que de donner ainsi un sens à son travail ? Regardant autour d’eux, ils virent bien qu’ils n’étaient pas les seuls à remuer ce rêve. Sans être riches pourtant. Mais qu’ils étaient bien plus résolus que d’autres à ce dessein.
Alors ils ont beaucoup travaillé, cumulant les heures sans compter de l’aube à la tombée de la nuit ; ils se sont privés de vacances. Et de loisirs. Ils ont accumulé un petit tas d’argent, jour après jour, pendant des années. Ils ont fait des emprunts ambitieux, sans peur des intérêts. A rembourser pour des siècles d’intérêts. Ils se sont épuisés pour la bonne cause dans des temps de transports intersidéraux chaque matin pour aller au travail et chaque soir pour en revenir; car sans fortune, n’achète-t-on pas que loin des villes où on travaille? Et il n’y a pas de jardin dans les concentrations urbaines. Ils ont bien vite renoncé à toute sorte de progéniture, trop coûteuse au vu des intérêts dus.
Puis, un jour, enfin, ils ont pu acheter leur bien, modeste certes, mais tant désiré et à eux pour de vrai. Le notaire les a félicité. Ainsi, chaque matin dans leur vie de labeur, Artémon et Artémise purent se dirent avec joie « Nous sommes propriétaires » ; et bien des gens disaient d’eux : « Ce sont des propriétaires ». Mais après tant d’effort et d’ardeur, quand tous les fruits en ont pu être cueillis, n’ayant point d’héritier à cette noble cause, il fut grand temps, comme l’âge ne les avait pas attendus selon leur caprice et qu’il faut, propriétaire ou non, mourir un jour, de céder leur patrimoine à la République.
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