Clitandre est réputé d’un faible caractère. Il ne s’oppose point en toute circonstance à ceux qui parlent fort et condamnent les personnalités de la vie publique en trois ou quatre mots pas plus ; il n’aime pas les conflits et parle souvent d’un ton modéré ; il semble apprécier la mesure, et le compromis. La polémique le lasse, il préfère écouter les propos que les briser. Il est attentif au sort des autres, et leur point de vue toujours l’intéresse. Il ne riposte pas à ceux qui le contredisent abruptement. Les excès mêmes de quelques disputes l’ont fait parfois sourire, il a été vu se comporter ainsi ; il est indulgent devant l’animosité de ses pairs, et ne répond pas toujours. Lorsque certain l’agresse d’un propos tranchant, et le somme de prendre une position du même mordant, et le pourchasse jusqu’au retranchement d’un cinglant : « et toi, Clitandre, soutiens-tu donc cela, qui est innommable, cette loi assassine et infecte, vas-tu nous dire ce que tu crois, oui ou non ? », il argumente, met en balance et face au ton qui monte, souvent il esquive. Les congrégations de voix fortes et de mots assassins ne le font pas reculer. Il fait des phrases affirmatives, et conclut toujours sur une issue positive. En vérité, la position des autres, même primaire, l’intéresse toujours plus qu’elle ne le hérisse. Pour toute ces causes, dans ce siècle qui brûle à son essor, où les opinions se déchirent avant même d’être saisies, Clitandre est réputé d’un faible caractère.

 

©hervehulin2021

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