I

La torpeur de midi épuisait le sous-bois.
Combien de rayons blancs sous l’ombrage des cèdres
S’emmêlaient aux herbes de la dalle funèbre ?
Et comme dans l’été l’hiver sait transparaître,
Tant de désir contraire a déchiré la croix.

Tandis que du pouvoir se fatiguait la courbe
D’un peuple magicien tout entier dissipé,
Dans ses replis le jour a délaissé sa pourpre,
Sous le signe vainqueur dont l’Auguste a rêvé
Que seul savait nommer le cercle refermé

 

Ils sont partis n’ont rien laissé
         sauf de nos oraisons
         les chalands sans haleurs
Trois pétales in-cueillis
Fragment de narcisse crucifiés.
Sous l’onde claire,

Tout si facilement consume
        L’amour et l’empire
Du feu et de la nuit
       Les perdants ne gardent que la cendre
Mais perdent tout de la nuit

Moi César à l’Occident de l’Empire
Je m’ennuie
Dans cette fièvre stérile
Qui consume le désir
Que sais-je de l’étendard
De mon père l’invaincu
Et son triste signe en croix

Las j’écoute s’assombrir
L’écho des frontières fragiles
De cet empire qui m’aura tout pris
De tout ce que j’adore à tout ce que suis

II

Trop nombreux ces mondes possibles sous le sable
Ces torrents d’hommes fous que seul l’ombre gouverne
La montée du soleil Les aubes innombrables
Ces confins délaissés qui font les lois si vaines
Que d’un battement d’aile un seul oiseau accable

Irradiant l’azur blanc deux droites parallèles
Traversent l’insomnie et la chair de César
C’est un diamant caché que l’Empire écartèle
L’une est blanche aveuglante et l’autre un fleuve noir
Et rien ne peut noyer cette ardeur parallèle

Rattrapé dans l’église au flanc des monts neigeux
Lui, le pieux et l’impie, s’éteint loin du diadème
Mourir sans avoir su choisir l’angle du jeu
La règle ou sa fracture La loi ou le poème
En fuyant le soleil Constant ferma ses yeux

Trésor pâle d’une vie
Cadence de la nuit
La paille de l’espoir oublié d’un jardin
La tendresse et le respect pour toute mesure
Et tout ce qu’on vit
Et tout ce que l’on donne
Cet éclat qui palpite au fond du souffle
Tout est passé
Le regret que l’on vit
Les secrets que l’on donne

Et l’empire comme le désir
Confié au jardinier supérieur
L’unique étincelle des vainqueurs
Et plus rien qu’une nuit éternelle

Sans combat s’est perdu l’Auguste triomphant.
Pourquoi cet horizon soudain jeté aux chiens ?
Le velours des amants ? Le pas des prétoriens ?
L’évêque triste et laid face aux astres d’airain ?

Mais César cuirassé fut toujours un enfant.
Toujours l’enfer des choix incendie le sommeil
Dans ce jour qui décline à l’orée des bruyères
Comme un rayon attise en brûlant son soleil

Fallait-il vivre à l’ombre ou prier la lumière ?
Et pour ultime extase un marbre funéraire?

III

Ces éclats reliés d’un tissage invisible
Si brève pulsion d’espoir
Se dispersent soudain comme un trait de cascade
Quand le rêve impartit à la flèche sa cible
Tout ce qui reste à voir

Un soupçon de veille que le songe dissuade
Alors que dans la Ville avance l’abandon,
Les voix et les absents fusionnent. L’œil unique
A lâché le miroir pour l’écran numérique.
Solitude et silence. En vain, nous attendons
Des astres évanouis l’inaudible supplique…

 

 

©hervéhulin2025