Poèmes courts (tankas) suite N° 2.

1.

Aux voûtes du ciel
Un autour plane et s’efface
Le nuage en face
Rougi brûle un suint de miel
Tout passe et reste éternel

2.
On le voit la vie
Ne sert qu’à peu de choses
Si trop tôt ravie
On en égare l’ardeur
Sauf s’il reste l’or des roses

3.
Juché sur sa dune
Céleste un lutin de lune
Observe le vide
En questionnant l’or des runes
« Le monde est-il évident ? »

4.
Le lutin lumière
Chevauche sa libellule
Sa trainée derrière
Essaime un trésor de bulles
Pour éblouir la rivière

5.

Je sais le feu pâle
Tremblant sous les acacias
Mais je ne sais pas
Ce qui rend si nuageux
Le soleil sous les lilas

6.

Regret des empires
Dans le siècle et son étreinte
C’est quoi ce délire
La chandelle à peine éteinte
Avait bien des mots à dire

7.

Au vide élevé
Du ciel sous les dunes
Un arbre crevé
De ses bois nielle la lune
Quand donc revivra la lune ?

8.

Tiens Le ciel s’est peint
Tout d’hiver et de céruse
Et sous les sapins
Comme une vieille cerise
L’idée du soleil rassise

9.

Les arbres déjà
Gavés de fleurs L’or du soir
De retour- pourquoi ?
Emmêlé dans son miroir
Il a peur d’être en retard

10.

Je rêve d’hivers
Changeants Multiples Vivaces
Ces divers hivers
Ronflent dans ma tête lasse
De blancs hivers vus en face

11.
L’an nouveau s’en vient
Comme un air dans les branchages
Toujours nus et bruns
Nous apporte-t-il naufrage
Ou enfin un bel ombrage

12.

Soleil dérisoire
Sur la mer il se pavane
Voici la nuit noire
Sur l’or du monde elle ahane
Qui des deux pouvons-nous croire ?

13.

Rouge comme fraise
L’œillet plié au vent hante
L’orbe des cerises
Où les buissons d’amarante
Reflètent leur moue négligente

14.

La pluie se dessine
Dessus le ciel tout en blanc
Septembre rumine
D’un bruissement si touchant
Que la pluie pleure en tombant

15.

Les feuilles sous l’eau
Dorment et s’oublient atones
Un reflet nouveau
Rougit l’onde monotone
Dites-moi si c’est l’automne

16.

Le long des bouleaux
Se glissent et s’évanouissent
Les vols des vanneaux
Mais de l’aube qui se glisse
Reste-t-il un seul caprice ?

17.

Le bruit de l’hiver
Et des frimas et des neiges
Sous le ciel amer
Lâche ses tristes arpèges
Je chavire…O sortilèges

18.

L’envol du dragon
Est comme celui du merle
Plus lourd plus profond
Il se confond puis s’emmêle
Aux rougeurs du soir qui perlent

19.

L’hirondelle va
Et reviennent les senteurs
Quand le mimosa
Blêmit pour toute pudeur
L’automne est l’adieu aux fleurs

20.

Des brumes lointaines
Volent les voix des rameurs
Et leur chant se baigne
Parmi l’ombre des pleureurs
Derrière le vent qui meurt

21.

Rêve de la lune
Au creux de la montagne
Et l’ombre nocturne
Se plisse et puis soudain saigne
C’est l’aube : les loups se plaignent.

22.

Frisson des fleurs
Sous le frisson de septembre
O…Quelle pâleur
Sur l’eau se laisse descendre
Et des fleurs caresse l’ambre

23.

Quand fleurit l’aveu
Le monde oublie sa pudeur
Quand viendra la nuit
Murmure tardif des fleurs
L’aveu t’offrira sa fleur

24.

Le givre scintille
Sur le rameau du poirier
Cet argent qui brille
Me dit que tout est passé
L’amour et l’aube et l’été.

25.

Le mauve de l’âme
Se glisse dans la brume
L’automne se pâme
Dans un souvenir d’écume
Où le mauve se consume.

 

©hervéhulin