I

Un soupçon de clair
Vers la voûte distancée
Incision d’or sous la pénombre
Une veine fragile de safran qui bat
Et une rumeur large qui roule
Odeur forte Bleu marine
Et des stries de verres visibles noires
Les nuées alourdies d’un passé de pénombres
Comme une harde ancienne ondulent et s’étirent
Quelque chose aux aguets dans son halo se tend
Un miroir de l’espace où vient s’ancrer le jour
Peu après un échelonnement de lignes
Que soutiennent la distance de l’ombre et l’immensité de l’eau
Entre deux surfaces
Pâleur captive
La nuit rétractée dans son déclin
Abandonne à son propre sillage
Une courbe neuve
Suspendue à l’air vif
Vers le si vierge lointain comme un soupçon de feu se détache du ventre des nuages
L’idée de l’horizon revient à la surface
Et s’anime solitaire sous ses noces ardoisées
C’est là jeu complice de l’âme et de la mer
Celle-ci dérobant à celle-là
Son mouvement, son éclat, son lumineux étiage
Quand la nuit affaiblie si claire en son grand âge
Très lentement remonte

Puis
Telle sensible prière
Mirage ou existence
Un brillant bandeau d’améthyste s’étend
Au lointain bleu dont la période épouse et confond d’une même rumeur
L’espace en sa pleine mesure
La mer la mer la mer

Présage
La mer est ce cheval dont l’étoile est noyée
Le jour ainsi novice émergeant sous son voile
Transgresse en s’échappant la lisière de l’aube
Lumière enfant fragile au regard qu’émerveille
Cet indistinct soupçon qui rassure et qui veille
Heures exténuées heures sitôt tremblantes
Longtemps recluses sous de nuageux cocons
La brise un peu triste tranquille en ses embruns
Se mire dans la peau si blanche de l’espace
Quand un frisson bleuté  en saisit la surface
Son mouvement ailé enfle du petit-jour
La voile élusive dont la tache écrue gagne
Sans oser rien dire encore
Tandis que la nuit se consume
Au feu limpide du matin
Tandis que ses lignes poreuses s’échangent
A chaque flot chétives
Tandis qu’une arche reconnue se soulève au levant
L’émail du ciel marin est niellé
D’un réseau d’émeraudes
Au phosphore vainqueur sous la surface des flots noirs
Il avance
Lac de lumière

Voici la mer enfin reconnue
La mer la mer la mer

Matrice de l’horizon
Son matin une fois encore teinté de cendre pâle
En ces lieux froids du monde
Décante un suint d’argent
Son histoire renouvelée dans le glissement lancinant des flots vers le rivage si vert aux liquides cimiers
Et le soleil est bien bas sur le monde
Finalement
Quand le jour se lève
Blotti contre la mer
Il nous semble toujours plus proche et docile
Qu’au midi lorsque sous ses feux
La pierre  brute se fait plus dénudée
Parfois pesant parfois craintif
Souvent traversé de pompes familières
Il nous accompagne

Vivante matière en travail
Ne jamais négliger les fragilités avouées du levant
Pour saisir ce qui peut te fortifier dans cet instant connu
Que ceci est vivant

Doué de bien de patience
Finalement

II

                               A l’ouest ensuite
Sur l’ivoire invisible des falaises
L’astre débutant dépose
Une offrande grenat frappée d’or souple
Lovée dans son écrin où midi se terre
La mer se contemple enfin dans l’icône des falaises

Miroir de la brume
Où se tient captif un reflet qu’éternise la terre
Tout change tellement avec si peu de soleil
Une crique bouillonnante
Blesse le rivage
Poudroiement d’oiseaux de neige
Les à-pics aveuglants
Veillent au bonheur des goélands
Choral accoutumé des ressacs
Et l’air est alors un ami plus fidèle
Danseuse en extase traversée de sauvages mousselines
Telle première page d’un livre d’écume

De mille fleurs invisibles sous une armée de plumes
La vague prolonge bien au delà du rivage
Sa chevelure anxieuse et son soupir armé de flocons bleus
Honneurs portés par milliards
Vers le sol dominant
Et sa puissance

A présent que le jour est tissé d’une manne de lilas
Se distinguent
Derrière les falaises
Pas plus d’un jet de pierre
Dominant les pentes herbeuses
Quatre mégalithes à la gauche du levant
A leur flanc mystérieux
Un reflet d’or se consume
Et s’évanouit avant que d’avoir osé vivre
Le vent en sifflant les contourne
Le minéral caresse l’air
Comme deux corps qui se refusent
Entre les colonnes massives
Les ondées si souvent ont capté la lumière
Et l’ardeur assouvie des tempêtes anciennes
Si souvent a frayé cette peau noire
Où toujours ingénu n’ose parler le soleil
Leur faisant face
Vision de la lande
Où palpite la bruyère
Tant de promesses dans ces vibrations du monde
Tant d’évènements dans ces frayeurs ascendantes
Et tant de silences dans cette bruine de mer
Voici
Sombre épiphanie de la matière
La terre si douce étendue où la rosée se meurt
Si familière
De la lande la houle légendaire
Proclame un azur végétal
Un élan           Vaste élan court vers la mer
Le vent existe immobile rumeur à l’horizon rivé
Tel un royal voyageur incline vers le sol
Sa figure alourdie de joyaux sacrifiés

Voici que la vision s’anime
Les frondaisons rouges reprennent la cadence
Les fougères en foule étoilée recommencent
C’est un paysage de la terre qui danse
Triomphe des plaines
Les couleurs de la terre qui s’apaise
Changent les couleurs du ciel qui s’évente
Là bas ce sont des lignes et des collines honorées d’ères pluviales
La noce des rivières rameute ses ruisseaux
Pour une mer enfantée de mille souffles d’enfants
Sur ces contrées où si souvent transhument les pluies froides
L’eau et l’herbe et la terre
Ont échangé leurs contours
Pour un monde meilleur
Protégé des prédateurs
Un monde sans saisons ni frontière
Comme une âme brouillée de bruine
S’efface et navigue au frémissement du ciel

Le matin fragile
Respire et puis ment à la fois
Un souffle nocturne exilé dans sa peine
Croît encore Centre assiégé de tant de mondes
En vain des regards s’éclairent
En vain des prières s’éteignent
Quel ange vaincu bat contre notre âme
Vent qui ne cesse de heurter au ventail de notre corps
Tout ce en quoi le jour imite l’or des songes
Passe vivant verger de peu d’émeraude
Et cet instant nôtre à force de faiblir
Une fois franchie la nuit libère une rose peu sanglante
Toujours ainsi l’arbre cache un azur empourpré
La distance souligne ce peu de flamme qui fait de vivre
Un soupçon d’adoration mauve et furtif
Tant de vagues éventées, tant de nuées complices
Des plaines fertiles cachées dans l’ombre des vallées
La côte encore embrumée tisse un souvenir
Plus vivant qu’une constellation d’oiseaux de mer
L’instant est ce palais si rare où les songes ressourcent
Un filet d’azur et notre enfance
Que chaque flot ait un sens où chercher le combat
Du doux mal de vivre

Etendue de craie verticale
Aux bras grands ouverts aux marées
Les mots cisèlent en écume un chant de gratitude
Que le désordre de parler emporte la mer
Et le monde avec qui se refuse à s’oublier
Sur le bord des falaises un peuple de myosotis
Clame ce soir la fin des recommencements
Et si ce soir avec l’automne tout s’achève avant que d’avoir blanchi
Que tombe enfin le voile sombre du plaisir
Il n’y a pas d’autre monde que celui qui meurt

Tandis que le soleil du nord
Se hisse à ses remparts
Ce sont des bois et des champs
Des houles de bleuets espacent les labours

Des toits et des clochers
Où la lumière avive de brillants étendards
Un jour il sera midi
Ce mystère qui vibre sous sa ligne d’ombre
Le perçois-tu ?

 

III

Terre de peu de trouble où le brouillard s’invite
Les rêves s’en sont allé
Par cette porte d’altitude
En nous laissant
Du sel du sable et ce désir fou de stupeur
Plus loin encore
Par delà cette nouvelle ligne
Se devine la forêt et son profil
Sous les arbres
Des entrailles se nouent
Cette obscurité de nos forêts engendre des songes verts
Et des désirs anciens
Des couleurs bien à nous
Et des histoires pour faire passer l’hiver
Mais dont le sens gît derrière le cœur et son mystère
Nous ne voulons pas voir
Alors que pouvons-nous savoir
Le monde il serait doux de ne le comprendre que naissant
Toujours à l’origine
De son baiser d’or pur
A son avenir jamais
Nous avons bien de la peine à survivre
Et cette sphère décomposée
Nous est chère à force de blessures
Tout est si pâle au jour levant
Bien des siècles finiront
De la sorte à peine nés
Tant de choses inaccomplies
Si douces comme un été
Comme un flot dans les flots
Se perd tout est vanité
Et pourtant tout est recommencé
Et nous
Simples oiseaux aptères
Que pouvons-nous donc faire
Contre nos frères les écueils à la peau noire
Que nous honorons de lettres blanches
Moi tournant le dos à la terre
Je contemple la mer
A son front calme un liseré de brume
A ses flancs souples une ombre de sienne
J’attends ce temps que j’ai si peu connu
Au loin sur les flots blancs
Glisse une barque fragile
Personne à son bord
Les nuages descendent sur la vague
Et le lointain dévore
La barque
Son mouvement
Son rythme et sa portée
Et la mer la-dessus recompose
Sa solitude étoilée
D’où viennent ces filets de lumière qui enserrent les flots

Distances Distances
Dévoilez-moi vos clefs
Donnez-moi de ce souffle qui bat
Pourquoi donc ainsi ne pas vivre en vrai
Dans les pins refroidis qu’est ce qui siffle
Contre les falaises antiques qu’est ce qui luit
Sous les fleurs sauvages qu’est ce qui monte
Si loin dans les labours une pesanteur dénonce
Une fin approchée et cent fois évitée
Toujours souveraine
A droite des collines
Terrée dans un ressaut d’argile un bois de pins
Domine avec amour une masure en ruine
Qui donc a vécu là
Brille encore un carreau brisé
Que rien jamais n’aura réparé
Le cœur est alourdi d’un sentiment secret
Et vers le sud                                          la mer la mer la mer
Soulève un manteau de marbre changeant
Les flots ses fils rebelles sont un chœur rémanent
Dont l’accord gronde encor quand son chant s’est perdu
Et d’un dieu fatigué
Les angoisses mortelles
Sont ainsi renouvelées
Souffle d’âme vive
Es-tu là ou ailleurs
Dieu ! Qu’avons nous fait de nos rivages
Un chant de tristesse
Mais au nord où dorment des collines mauves
Quelque chose qui reste
Lointain et proche des falaises

Des bosquets et des rochers
Quelque chose n’a pas bougé
depuis que le jour a tremblé
Et ce qui dort tel un ruisseau nouveau
Exhale une quiétude cherchée depuis douze heures
Depuis que l’ombre est l’ombre
Et que l’homme est cet homme
Qui sort de l’ombre sans savoir où est l’or
Mais les paysages sont de grandes histoires
Et leurs pentes affinées tant de mots si peu prononcés
A l’écoute des saisons ils essaiment de silencieuses mémoires
Et l’éclat d’un cristal inachevé
Viendra ce temps utile que les ombres s’effacent
Et les hivers fertiles            Et les rivières antiques
Viendront les heures que les miroirs se troublent
Et ce que le monde en cette vue nous donne
Perdure
Soleil au ras des flots
Quelque chose qui ne change pas
Alors dans la tendre torpeur du jour qui rêve
La lumière change son angle
Le vent change sa voix
Demain devient un jour possible
Lumière qui avance
Chimère qui renonce
Vous autres songes en souffrance
Dites nous seulement
Cette consolation tardive
Dans la vision de la mer Vois tu

Il y a toujours comme un balancement
Et c’est ce doute qui pour nous
Si humains et si fatigués
Nous donne la bonne nouvelle
Car rien n’est jamais su
Qui ne soit à réapprendre tôt ou tard
Et cet esprit fugace dont je te parle
Sera désormais le frère fidèle
Que nous n’avons su te donner
Prends-lui la main
Ne le perds pas
Il te retrouvera
Toujours

L’horizon
Il est la ligne qui convient
Le partage et sa distance
Il est stupeur argentée
Et le signe où le désir s’oriente

Nomme à présent cinq horizons distincts dans ta mémoire
Puis aligne-les dans l’ombre de ta vie
En lignes serrées
N’oublie pas la combinaison précise des teintes et des regrets
Qui es-tu
Réponds réponds à cet éclat tranquille
Fière de ta torpeur minérale
Belle de ta parure de lichens
Dans la pose du renonçant
Bienheureuse
Qui donc es-tu
Petite tombe qui dure ?

 

 

Première leçon. exercice I. 

L’horizon

                 L’horizon cette ligne barbare cette pulsion incolore est propice à se recomposer

Se positionner sur la jetée loin des bruits des hommes et de leur odeur triste

Fixer l’horizon longtemps et longtemps et encore et encore et enfoncer le trait dans la rétine et fixer encore jusqu’à ce qu’il vous saute au visage Puis ne pas reculer mais devant la pénombre de lumière rouge des paupières fermées redessiner d’un trait unique sans lever de crayon une trame
verticale/ vous changerez la couleur de fonds à trois reprises pour approprier cette nouvelle forme Enfin, vous enflammerez d’un seul battement de cil cette nouvelle dimension de l’horizon désormais sans objet.

Revenir ensuite à la ligne initiale.

Et les hommes alors effarés regardaient cette distance évidée qui ne séparait plus le ciel de la mer

 

 

 

©hervéhulin2024

Si on fait le partage, dans une conversation de société, de tous les propos soutenus, pour mettre d’un côté tout ce qui procède de l’inutilité, de la puérilité, de la conspiration, de l’ignorance, de la futilité, du superficiel, du déjà-dit, de la banalité, de l’animosité, et enfin de la vanité, et de l’autre côté, ce qui procède de la forme la plus simple de sagesse en quelques mots, alors l’immense et éternelle rumeur des paroles sur la terre cesserait d’envahir la vie des hommes , pour le bien-être de tous: dans ces beaux instants de silence, il y aurait sans doute plus d’espace pour un chant d’oiseau, ou un moment de musique.

Qui sommes-nous ?

L’adresse de notre site Web est : https://www.lescahiersdalceste.fr.

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La poésie, c’est un mystère ; elle occupe rarement les devantures des librairies, et moins encore les émissions littéraires survivantes. Et pourtant, elle est partout, comme infusée dans le vacarme des mots et des images qui polluent notre espace. Des syllabes monophoniques de sociétés primitives, au concours de haïkus dans les entreprises japonaises, et n’oublions pas les expérimentations sémantiques d’avant-garde que plus personne ne comprend, elle est toujours là ; portée sans doute par un réseau de gnomes souterrains, qui entretiennent la flamme, on ne peut s’en passer, alors qu’elle est si peu lue. Une chose est sûre, il n’y en aura jamais trop, et du jour que le dernier poème écrit aura été oublié, distancé dans les âges, ou perdu sous le flot des téléphones portables, il nous manquera sévèrement et on aura du mal à respirer. Donc, en voici encore, de cette matière brumeuse et ininflammable. Une tentative de saisir des choses rares et d’y mettre des mots, sans plus.

HH.

La critique littéraire est un métier, et même, quelque fois, une institution. Ici, il ne s’agit pas d’imiter ce métier et d’en prendre les détours. On se contentera de partager quelque opinion qu’il est possible de retirer d’une lecture qu’on a appréciée – ou pas, d’ailleurs. Car si on est frappé de la multiplication des blogs consacrés aux commentaires et critiques de livres – dont certains d’une rare qualité – force est de constater que s’y joue toujours le même rôle. On aime un livre, on en parle et on écrit pourquoi on l’aime et recommande sa lecture. Puis des internautes pseudoisés réagissent, et expliquent à leur tour pourquoi ils ont aussi adoré, et voilà. Bon, il faut vraiment que ça existe, cela fait vivre l’univers des livres, et cela montre que malgré toutes les complaintes, on lit encore beaucoup, suffisamment en tout cas pour qu’il y ait plein d’écrivains qui vivent de ce qu’ils écrivent.

Ceci étant dit, on trouvera ici des commentaires, sans formalisme, de simples opinions tout à fait personnelles et non universitaires ni référencées, sur des livres peut-être peu connus et pas assez lus – qu’on a jugés tels, en tout cas, peut-être à tort, ou oubliés, ou trop reconnus aussi. Des œuvres qui ont imprimé un moment agréable de lecture, ou marquant, et qu’il est plaisant de retracer. On y verra aussi, quelquefois, des retours sur des livres qu’il est possible de juger moins intéressants que ce que la vox populi a établi.

J’ajoute que le but de cette chronique étant de donner simplement une opinion, et non de faire vendre un livre ou même d’accroître son lectorat, on n’hésitera pas, chaque fois que nécessaire, à spolier ce qui doit l’être, surtout si l’œuvre est dispensable. C’est le sens d’une opinion, et sa différence avec une critique.

HH.

« Si on ne goûte point ces Caractères, je m’en étonne; et si on les goûte, je m’en étonne de même ».
Jean de la Bruyère, Caractères, (50, I).

Lorsqu’on parle des caractères dans l’univers littéraire, la figure qui s’impose naturellement est celle de Jean de La Bruyère. Il a marqué définitivement ce registre, pour peu qu’il s’agisse d’un genre littéraire. Sur ce dernier terme, si on veut bien le retenir pour caractériser les caractères, on s’étonnera que personne n’en a assuré la continuité. Pourtant, si on retient la cause et l’effet, on pourra penser que notre temps s’y prête bien plus encore que le compassé XVII è siècle. La Bruyère s’en serait bien régalé. Ou il se serait suicidé devant ce siècle malade de la pensée défaite, saturé de complotisme, de trumpisme, de gilet-jaunisme, de libéralisme, d’individualisme, et gavé d’internet et d’iPhone et de réseaux antisociaux, devant cette faible idée que chacun produit sa propre morale, contre celle des autres. Et c’est alors toute une époque qui chavire.

La Bruyère fut toute sa vie un honnête homme. Écrivain exigeant avec lui-même et son style, aristocrate mais pauvre, chrétien mais pieux, pourfendeur de l’esprit dévot, à l’affût des travers des autres, mais en toute circonstance humble avec lui-même, respectueux des institutions de son temps, mais sans concession pour le goût du pouvoir, il fut avant l’heure un moraliste photographe. Il aura saisi plus que nul autre, sauf Molière, ces faiblesses du cœur des hommes qui les rendent si insupportables en société. Ces personnages, qui s’agitent devant nous comme au cinéma, ses aphorismes qui dénudent n’importe quelle vérité cachée, nous parlent d’un siècle classique révolu, et pourtant, et pourtant, on les retrouve bien, c’est notre voisin, notre collègue, notre copain, c’est tout ce monde qui parle et vibre et qu’on reconnaît sans connaître, qui nous entoure, et nous emmène, c’est eux et c’est nous, ils sont là, Ménalque, Alcippe, Zélie, Gnathon et Ergaste, devant notre palier, à la télé, à la machine à café, en réunion, dans le métro, en voyage. Ils sont toujours là et ont si peu changé après trois siècles et demi. Qu’ont-ils appris ? Et nous, qu’avons-nous appris ?

La leçon des caractères, est qu’un regard acéré mais juste sur l’autre, nourrit en modeste proportion, notre propre humanité, et nous permet de tailler et tailler encore, modestement, affectueusement, cette pierre rebelle qui reste si rugueuse en nous.

HH.

Alceste est un personnage convergent pour toute sorte d’opinions et de considérations. Molière en a fait, ainsi que les siècles qui ont suivi, le modèle de la misanthropie. Ce blog en récupère comme un reflet; point de dévastation du genre humain dans son ensemble, qui ne mérite quand même pas cela. Mais une forme de défiance, accentuée par les comportements (on ne parle plus de moeurs, de nos jours) de nos contemporains. Et une tendance à la dérision ou, plus rarement, à la compassion mais seulement lorsqu’elle est méritée.

Pauvre Alceste! lui, le sectaire, l’intransigeant, mais aussi le rebelle, que fustigerait-il dans l’écheveau abrutissant des ambitions et carriérismes, des jalousies modernes et des archaïsmes réinventés, des obsessions de complots et des réseaux sociaux, de ces médiocrités détonantes contre tant de promesses et de progrès qui éclairaient l’orée de ce siècle!  Alceste se retire dans son désert, c’est sa marque de fabrique. .Et que va-t-il y faire d’ailleurs, sinon ressasser tout ce qui ne lui convient pas de ce monde raté?  Mais de nos jours, il ne reste plus de désert,  dans le fatras des fessebouc et des millions de sites de para-information qui nous saturent chaque jour.

Il faut en prendre son parti. On ne peut faire confiance au genre humain pour  réformer l’humanité, et voilà tout. Et pourtant, et pourtant…Il reste dans l’homme, malgré tout, une belle dimension d’indulgence.

Hervé Hulin est né dans le matin des années soixante. Il est parisien de naissance, de cœur, et de profession. Haut fonctionnaire dans une célèbre collectivité locale, il est par nature absolument contemplatif, et maîtrise la félicité du zen aux confins des codir. Il ne fait pas trop confiance au genre humain ni aux choses qui vont trop vite. Il n’a pas le permis de conduire mais a franchi des parsecs de littérature par le simple travail de la patience. Il n’aime pas la haine et la violence, il apprécie d’écouter les autres, même lorsqu’ils n’en valent pas la peine dans un siècle ou tout le monde parle en même temps avant même d’être sûr d’avoir un mot, un seul, à vraiment dire. Ne serait-ce que pour en écrire quelques mots à son tour, et en garder les travers. Il sait que l’avenir est le propre de ceux qui savent palper le temps qui vient. Son horizon personnel est plutôt peuplé de silhouettes d’éléphants arpentant les rivages, de souvenirs papillonnants, discrètement éclairés de nostalgie, et de symphonies lancinantes. Ce sont les mots, et leurs connivences, qui viennent le chercher, et non l’inverse. Et il n’a jamais rien publié, à cause de son obsession du dernier mot juste. Mais il est marié, et il a un fils, et voilà tout. Aucune autre certitude établie à son actif.

Xavier Rugiens est d’essence tourangeote, mais a vécu dans le marais poitevin où il a longtemps observé les oiseaux de tous poils. Il pratique régulièrement zazen, et observe le monde et ses gens d’un oeil acidulé. Pour les besoins de son roman, il a disséqué certaines personnes de son entourage. Ami des abeilles, il aime cultiver son jardin et faire lui-même ses confitures. En littérature, il fut adepte occasionnel de la secte de l’Oulipo. Il a été lauréat de plusieurs concours de nouvelles noires (Lamballe, Noires de Pau, Noeux les Mines). Tout en  appréciant les textes à la trivialité décalée, il défend l’idée que l’écriture doit être jubilatoire, pour que la lecture soit joyeuse. Parfois, aux moment de spleen, il sait se transformer en un philatéliste attentif. Mais il lui arrive plus souvent de rire tout seul devant son écran.

beh

On l’a retrouvée ! Barrack avait échappé à la vigilance du Chien et s’était carapatée de son alpage australien. Après deux ans de cavale, elle avait 35 kilos de laine sur le dos, soit environ une cinquantaine de pulls à tricoter. C’est Athanase qui va être content !
 
 

The Hill We Climb

When day comes we ask ourselves
Where can we find light in this never-ending shade?
The loss we carry,
A sea we must wade.
We braved the belly of the beast;
We’ve learned that quiet isn’t always peace.
And the norms and notions of what just is
Isn’t always justice.
And yet the dawn is ours before we knew it.
Somehow we do it;
Somehow we’ve weathered and witnessed
A nation that isn’t broken but simply unfinished.
We, the successors of a country and a time
Where a skinny black girl descended from slaves
And raised by a single mother can dream of becoming president,
Only to find herself reciting for one.
And yes we are far from polished, far from pristine,
But that doesn’t mean we aren’t striving to form a union that is perfect.
We are striving to forge a union with purpose,
To compose a country committed to all cultures, colors, characters and conditions of man.
And so we lift our gaze not to what stands between us,
But what stands before us.
We close the divide, because we know to put our future first,
We must first put our differences aside.
We lay down our arms
So we can reach out our arms to one another.
We seek harm to none and harmony for all.
Let the globe, if nothing else, say this is true:
That even as we grieved, we grew,
That even as we hurt, we hoped,
That even as we tired, we tried,
That we’ll forever be tied together, victorious—
Not because we will never again know defeat
But because we will never again sow division.
Scripture tells us to envision
That everyone shall sit under their own vine and fig tree,
And no one shall make them afraid.
If we’re to live up to our own time,
then victory won’t lie in the blade but in all the bridges we’ve made.
That is the promised glade,
The hill we climb if only we dare it.
Because being American is more than a pride we inherit,
It’s the past we step into and how we repair it.
We’ve seen a force that would shatter our nation rather than share it,
Would destroy our country if it meant delaying democracy.
And this effort very nearly succeeded,
But while democracy can be periodically delayed
It can never be permanently defeated.
In this truth, in this faith we trust,
For while we have our eyes on the future, history has its eyes on us.
This is the era of just redemption.
We feared at its inception.
We did not feel prepared to be the heirs of such a terrifying hour,
But within it we found the power
To author a new chapter,
To offer hope and laughter,
To ourselves sow. While once we asked:
How could we possibly prevail over catastrophe?
Now we assert: How could catastrophe possibly prevail over us?
We will not march back to what was,
But move to what shall be,
A country that is bruised but whole,
Benevolent but bold,
Fierce and free.
We will not be turned around or interrupted by intimidation
Because we know our inaction and inertia will be the inheritance of the next generation.
Our blunders become their burdens
But one thing is certain:
If we merge mercy with might and might with right,
Then love becomes our legacy
And change our children’s birthright.
So let us leave behind a country better than the one we were left.
With every breath of my bronze pounded chest,
We will raise this wounded world into a wondrous one.
We will rise from the golden hills of the West.
We will rise from the windswept Northeast where our forefathers first realized revolution.
We will rise from the lakeland cities of the Midwestern states.
We will rise from the sunbaked South.
We will rebuild, reconcile and recover
In every known nook of our nation,
In every corner called our country,
Our people, diverse and beautiful,
Will emerge battered and beautiful.
When day comes we step out of the shade,
Aflame and unafraid.
The new dawn blooms as we free it.
For there is always light if only we’re brave enough to see it,
If only we’re brave enough to be it.

 

 Traduction I (X. Rugiens). La colline que nous escaladons

Quand le jour vient on se demande
Où pouvons-nous trouver de la lumière dans cette ombre sans fin?
La perte que nous portons,
Une mer où il faut patauger.
Nous avons bravé le ventre de la bête;
Nous avons appris que le calme n’est pas toujours la paix.
Et les normes et notions de ce qui est juste
Ne sont pas toujours la justice.
Et pourtant, l’aube est à nous avant que nous ne le sachions.
D’une manière ou d’une autre, nous le faisons;
D’une manière ou d’une autre, nous avons résisté et été témoin
D’une nation qui n’est pas brisée mais simplement inachevée.
Nous, les successeurs d’un pays et d’un temps
Où une fille noire maigre descendant d’esclaves
Elevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir président,
Seulement pour se retrouver à dire un poème pour l’un d’eux.
Et oui nous sommes loin d’être polis, loin d’être parfaits,
Mais cela ne veut pas dire que nous ne cherchons pas à former une union parfaite.
Nous nous efforçons de forger une union avec un but,
Pour composer un pays engagé vis-à-vis de toutes les cultures, couleurs, caractères et conditions de l’homme.
Et ainsi nous levons notre regard non vers ce qui se tient entre nous,
Mais vers ce qui se tient devant nous.
Nous comblons le fossé, car nous savons que notre avenir doit passer en premier,
Nous devons d’abord mettre nos différences de côté.
Nous déposons nos armes
Pour pouvoir tendre les bras les uns aux autres.
Nous ne voulons de mal à personne et l’harmonie pour tous.
Laissons la terre, à tout le moins, dire que c’est vrai :
Que même endeuillé, nous avons grandi,
Que même si nous souffrions, nous espérions,
Que même lorsque nous étions fatigués, nous avons essayé,
Que nous serons à jamais liés ensemble, victorieux –
Non parce que nous ne connaîtrons plus jamais la défaite
Mais parce que nous ne sémerons plus jamais la division.
L’Écriture nous dit d’imaginer
Que chacun s’assoit sous sa vigne et son figuier,
Et personne ne leur fera peur.
Si nous devons vivre à la hauteur de notre temps,
Alors la victoire ne résidera pas dans l’épée mais dans tous les ponts que nous avons construits.
C’est la clairière promise,
La colline que nous gravissons si seulement nous l’osons.
Parce qu’être américain est plus qu’une fierté dont nous héritons,
C’est le passé dans lequel nous entrons et comment nous le réparons.
Nous avons vu une force qui briserait notre nation plutôt que de la partager,
Détruirait notre pays si cela signifiait retarder la démocratie.
Et cet effort a vraiment failli réussir,
Mais alors que la démocratie peut être périodiquement menacée
Elle ne sera jamais vaincue définitivement.
Dans cette vérité, dans cette foi, nous croyons,
Car si nous avons les yeux tournés vers l’avenir, l’histoire elle nous regarde.
C’est l’ère de la juste rédemption.
Nous avons craint à son origine.
Nous ne nous sommes pas sentis prêts à être les héritiers d’une heure aussi terrifiante,
Mais en elle nous avons trouvé le pouvoir
Pour rédiger un nouveau chapitre,
Pour offrir espoir et rire,
Pour nous ensemencer nous-mêmes. Alors qu’une fois, nous avons demandé :
Comment pourrions-nous vaincre la catastrophe ?
Maintenant, nous affirmons : comment la catastrophe pourrait-elle l’emporter sur nous?
Nous ne reviendrons pas vers ce qui était,
Mais nous marchons vers ce qui sera,
Un pays meurtri mais entier,
Bienveillant mais audacieux,
Féroce et libre.
Nous ne serons pas retournés ou interrompus par l’intimidation
Parce que nous ne voulons pas que notre inaction et notre inertie soient l’héritage de la prochaine génération,
Que nos maladresses deviennent leurs fardeaux.
Mais une chose est certaine :
Si nous fusionnons la miséricorde avec la puissance et la puissance avec le droit,
Alors l’amour deviendra notre legs
Et changera le droit d’aînesse de nos enfants.
Alors laissons derrière nous un pays meilleur que celui qui nous a été donné.
A chaque souffle de ma poitrine de bronze qui bat,
Nous élèverons ce monde blessé en un monde merveilleux.
Nous nous lèverons des collines dorées de l’Ouest.
Nous nous lèverons du nord-est balayé par les vents où nos ancêtres ont réalisé la première révolution.
Nous sortirons des villes des lacs des États du Midwest.
Nous nous léverons du sud cuit de soleil.
Nous reconstruirons, réconcilierons et récupérerons
Dans chaque coin connu de notre nation,
Dans chaque recoin qu’on appelle notre pays,
Notre peuple, si divers et si beau,
Sortira usé et beau.
Quand le jour vient nous quittons l’ombre,
Flamboyants et sans peur.
La nouvelle aube fleurit alors que nous la libérons.
Car il y a toujours de la lumière
Si seulement nous sommes assez courageux pour la voir,
Si seulement nous sommes assez courageux pour être cette lumière.

 

 Traduction II (H.Hulin) .
La colline que nous escaladons

Voici le jour qui vient Nous nous interrogeons
Où trouver la lumière en cette ombre sans fin,
Dans la mer cet abîme où nous disparaissons
Nous avons combattu le ventre de la bête
Et compris que la paix recouvre la tempête

L’idée d’une règle ne fait pas la Justice
L’aube nous appartient sans que nous le sachions
Peu importe le sens quand nous l‘accomplissons
Mais nous avons tenu et restons les témoins
D’une nation pliée mais toujours en chemin

Nous pâles héritiers d’un siècle à peine ancien
Quand une ombre noire fille maigre d’esclaves
Aimée par sa mère sans connaître son père
Osera rêver nue d’être un jour président
Puis éveille un poème offert au Président.

Pour se trouver seule face à son poème
Nous pierres ni polies ni même immaculées
Nous cherchons simplement la clé et son énigme
D’une union imparfaite et pourtant accomplie

Acharnés dans la forge à vouloir ciseler
Un message à l’essor pour écrire la page
D’une nation dédiée à tous les étendards
Dévouée par son cœur à toute idée de couleur

Le regard s’élève de sa condition d’homme
Vers ce qui est devant et non derrière nous
Mais vers ce qui se tient devant nous.
Nous comblons le fossé et nous reconnaissons
Dans son pli l’urgence d’un avenir majeur

Déposons les armes Effaçons les écarts
Tendons les bras vers ceux qui nous embrasseront
Plus de maux plus de peine et l’harmonie de tous
Écoutons la planète offrir sa vérité
Nous sommes adultes mais à peine endeuillés

Perdus dans la souffrance et saufs dans l’espérance
Nous sommes épuisés pourtant nous essayons
A jamais victorieux A jamais solidaires
Nous ne connaîtrons plus les larmes ni la guerre
Jamais ne sèmerons l’or de la division

Le Livre imagine que chacun s’agenouille
Sous la vigne et la figue où nul n’aura plus peur
Si nous devons vivre comme exige notre heure
Sans jamais de victoire enfoncée par l’épée
Mais sous les arcades que nous avons levées

Promesse éclairée Humble trouée du feuillage
Derrière la colline où nous osons marcher
Car être américain est un fier héritage

Plus que tous les passés que nous reconstruisons
Nous avons vu l’ombre qui renonce aux nations
Cette force qui brise et déchire nos liens
Porterait la ruine de la démocratie

Et la tombe tardive au fond de ce pays
Cet orage fut près de tous nous emporter
Mais la démocratie toujours recommencée
Cette démocratie fragile et menacée
Ne sombrera jamais sans se multiplier

En cette vérité cette foi nous croyons
Comme nous contemplons l’avenir et sa trame
L’histoire nous contemple et contemple nos âmes
Voici venu un temps de juste rédemption

Quand le commencement minait la création
Âmes immatures Héritage effrayant
Mais dans cette heure où dort l’avenir d’un chapitre
Pour offrir l’espérance et notre semaison
Labourer notre âme et récolter le rire

Interrogeant l’augure où tremble le naufrage
Alors comment vaincre la courbe du désastre
Nos pas sont sans retour vers ce qui n’existe plus
Mais nous emportent vers ce qui est blanc et nu
Une terre accablée mais toujours souriante

A l’audace féroce et au front bienveillant
Nous ne craignons rien de la peur et son chantage
Nous ne craignons pas la fièvre et son inertie
Et nous protègerons les enfants à venir
De notre ignorance et leurs propres fardeaux

Nous les protègerons de l’ombre et ses fléaux
Mais survivra toujours l’ultime certitude
Si la miséricorde épouse la puissance
Et si la puissance enfante la justice
Alors notre héritage épousera l’amour

Et l’amour changera le droit de nos enfants
Laissons derrière nous un sillon plus fertile.
De mon cœur alourdi d’un bronze qui souffle
Puis nous respirerons et nous élèverons
Sur ce monde blessé un monde adolescent

Des collines cuivrées de l’Ouest Du nord venteux
Dans l’astre des anciennes révolutions
Nous nous lèverons et nous dresserons toujours
Des villes et des lacs du centre et de l’Orient
Du sud brûlé comme le pain sous le soleil

Nous nous lèverons et nous dresserons encore
Nous récolterons puis nous réconcilierons
Nous reconnaitrons et nous accueillerons
Sous chaque angle connu de la vieille nation
Notre peuple si différent si magnifique
Se dressera fourbu mais toujours magnifique

Voici le jour qui vient Voici qu’il nous invite
Nous quittons la pénombre et flamboyons sans peur
Nous libérons l’aurore et l’aurore fleurit
Toujours resplendira cet éclat vif du jour

Si nous sommes assez braves
Pour contempler le jour

Si nous sommes assez braves
Pour oser être ce jour

Montaigne écrivait que le « goûst des livres » lui était venu enfant à la lecture des métamorphoses d ‘Ovide. On aura beau dire, alors que dans sa forme traditionnelle, il disparait comme le chat du Cheshire de Lewis Carroll (rappelons que le chat de Lewis Carroll à la fâcheuse manie de disparaître quand il veut, mais en laissant flotter son sourire dans l’espace…), le Livre reste la plus belle invention de l’humanité. Point barre, comme disent ceux qui n’aiment pas le débat et dont nous faisons partie.

Peindre sur un corps nu avec des livres en faux-semblant, ne voilà donc pas une trouvaille visuelle majeure?  Assurément, non. On ne saura pas si l’auteur de cette image d’une remarquable vulgarité, aura voulu rendre hommage au livre, en le sublimant au travers d’un corps de femme, ou s’il a seulement souhaité – une fois de plus – montrer un cul derrière l’alibi de la culture. Le peu de confiance viscérale que nous avons dans le genre humain nous fera pencher vers la seconde solution.

 

Echelle conoscopique: 7/10.

Il n’est pas acquis que 2021 soit une année joyeuse, mais nous ferons comme si. Essentiel est d’y croire, et croire est un vecteur puissant de bonheur. Quand les nuées cendreuses se dissiperont sur nos vies, sans doute le paysage habituel aura changé autour de nous. Peut-être que nous nous éveillerons et nos atmosphères auront perdu un peu de leur condensation de gaz à effet de serre. Les années vont passer. Peut-être, nous constaterons, tout ébaubis, qu’on n’avait pas besoin, au final, d’un restaurant tous les vingt mètres à Paris; peut-être que les visages inconnus croisés dans la rue resteront à jamais inconnus et coupés en deux sous le masque; que les boutiques de fringues ne servent pas à grand chose; et que le temps des théâtres et des cinémas est révolu, pour toujours; alors, peut-être nous raconterons à nos petits enfants nourris d’images de synthèse et de sensations numériques  qu’il y avait jadis des maisons où on se regroupaient pour regarder des films ou manger des plats.  Ou, peut-être – sait on jamais- un vaccin universel effacera tout cela et le renverra aux mauvais moments de l’histoire. Peut-être le genre humain deviendra enfin – après  six mille ans de civilisation, moins imbécile et plus raisonnable. Mais il y aura toujours ce frémissement de cri, pour notre génération usée. Rock ‘ n roll même pas mort !

Notre monde se guérit de sa douleur grâce aux images qu’elle produit. Comme jadis Mithridate neutralisait ses venins par une accoutumance mesurée, les consciences ont secrété une puissante immunité. Saturés du poids des représentations, les sentiments peu à peu s’affadissent. La nuée des informations, qu’anime un mouvement en essor perpétuel, assaille nos esprits inquiets. Et nous contemplons. Le monde, et ses déviances criminelles, l’humanité dans ses détours assassins. Nous contemplons, nous nous habituons, nous nous éloignons des drames si proches qui sont le commun de la vie ordinaire des hommes. Et plus nous contemplons, moins nous compatissons. A force de fixer nos écrans et nos vingt-heures sans les regarder, que souffrons-nous encore des signaux du malheur ?

Que dans le juste cadrage de notre écran plat, ou celui qu’on peut tenir dans le creux de la main, une guerre ravage une contrée à moins de deux heures de vol, qu’elle déploie devant nous, sur de robustes créneaux horaires, sa fureur, ses massacres et ses pillages, ses génocides et ses viols de masse, et encore ses villes en ruine, ses enfants en pleurs pour la vie et ses mémoires à jamais meurtries, ce n’est là qu’une séquence de la journée qui s’achève. Qu’une épidémie d’un mal inconnu traverse la planète, ébranle les cités et les systèmes, dévaste les classes d’âge et les familles, désespère le meilleur de la médecine et nos savants les plus affûtés, ruine les progrès que la science proclame, tout cela laisse en écho une narration distancée, puis une sorte de surprise verticale quand la nouvelle survient que le voisin du cinquième est mort.

Des maux de ce monde en sang, les âmes modernes ont trouvé la guérison. Nous avons appris à vivre ainsi, avec le constant accablement du siècle en parallèle, tel un vieux couple trop habitué qui ne se regarde plus ; et des tourments de notre race, qui s’agitent sous les tropiques, ou du côté des pôles ou devant la porte, nous percevons les formes lointaines comme celle d’une guerre lunaire au travers du télescope entre nations sélénites.

 

©hervehulin2021