Le blog de littérature amateure, contemplative, et misanthropique d’Hervé Hulin.

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« J’ai renoncé à croire que les années soient nouvelles et puissent apporter un bonheur qui est désormais derrière moi. Mais cela ne me fait pas désirer moins vivement que soient heureux ceux que j’aime. On ne connaît pas son bonheur.On n’est jamais aussi malheureux qu’on croit ».

Marcel Proust. Correspondance (lettre à Lionel Hauser 31 décembre 1917)

Et voici (encore) une nouvelle année dont la perspective s’ouvre au regard. Les Romains dédiaient le premier jour de l’année à Janus, dieu païen des portes et des commencements, qui avait deux visages : l’un vers l’avant, l’autre vers l’arrière. En cela, ami et amant de Bellone, divinité de la guerre et de la diplomatie. Le mois de janvier lui doit son nom.

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Janvier est un mois étrange, en effet à deux têtes. Il est chargé de nostalgie de l’année qui vient de mourir. Et il porte, dans son froid et ses nuits encore précoces, des espérances pour ce qui vient. 2024 sera difficile, nous dit la planète. Finalement, chaque année ressemble bien à celle qui la précédait, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive, vieillissant et regrettant, et comme soudain elle apparait ancienne, qu’on la juge, bien d’autres années après, délicieuse.

Meilleurs vœux à Janus, donc et à nous-mêmes sous son regard. Souhaitons-nous de ne pas être tristes ou déçus ou désenchanté au cours des douze mois qui viennent ; ce sera déjà une grande force d’accomplir ce simple vœu. Un peu de sagesse et de beauté, et juste ce qu’il faut de force pour préserver la petite flamme au bout du temple. Bon courage à tous.

  1. Bien lire pour bien vivre : une ou deux centaines de livres pour vivre mieux et devenir moins idiot etc : L’Intégrale, enfinOn sera d’accord, ou on passera son chemin de ce blog : vivre sans lire est d’un ennui mortel, et les livres sont les meilleurs amis du genre humain. Il y a quelques mois, une précédente « Lettre » d’Alceste vous gratifiait d’un florilège de plus de « cent livres à lire pour être heureux ». Vous avez été nombreux (enfin, relativement, à l’échelle de la fréquentation élitiste de ce blog, c’est-à-dire une poignée) à en consulter les rubriques. Bonne nouvelle : j’y ai porté une légitime mise à jour car trop de lectures décisives y manquaient. Donc, plusieurs introduction d’auteurs et ouvrages. Sophocle, Flavius Josèfe, Gan Bao, Dumas et Tolstoï (ces deux derniers, lus pour la première fois de ma vie cet été…), Jünger, Oé, Attali, trois grands esprits du XXe siècle Une curiosité : Mazo de la Roche, pour les amateurs de lecture d’endurance (seize volume, quand même). Et en plus, le XXI siècle, une quinzaine de livres marquants. Allez-y. Vous ne serez pas forcément d’accord avec tous mes choix. Mais je le répète, ce ne sont pas des sélections discrétionnaires. Ce ne sont que quelques rencontres que j’ai faites, que j’ai lues et qui m’auront un peu façonné.
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Et selon la règle, un seul ouvrage par auteur cité. Le titre initial était quelque chose comme « Cent livres environ pour essayer d’être plus heureux etc ». Ce titre, somme toute, n’est pas judicieux. D’abord parce qu’il y a plus de cent livres déclinés. Ensuite, parce que certains de ces livres (la plupart même) parlent de bien d’autres choses que de ce bonheur qui nous assoiffe. Mais la lecture même de ce qui est tragique rend meilleur quelque chose en nous. L’essentiel est de se sentir un peu moins idiot aujourd’hui que la veille.

  1. Le centième caractère publié, et moi, et moi… Mais pas le centième écrit…Il y a quelques temps, un centième caractèrea été publié sur les Cahiers.On est certes loin des sept-cent-soixante-cinq de La Bruyère, mais ce n’est pas fini. J’ai encore certains de ces apologues en réserve, sans doute pas encore assez affinés, mais on aura remarqué que la cadence de publication s’est atténuée. On pourrait croire que l’inspiration ralentit, mais en fait c’est le manque de temps. J’ai été assez mobilisé depuis quelques semaines par le travail d’un atelier d’écriture animé par Philippe Villain : le sujet ? « S’écrire », tout un programme. On peut juger inutile –autant que certains le jugent de la psychanalyse – de creuser en soi pour y trouver le gisement qu’on ignorait. Toujours est-il que la recherche de soi-même par l’écriture constitue une belle école de style. Car on s’aperçoit vite que l’exercice majeur est plutôt dans les mots qu’il faut ajuster à soi, que dans le contenu de ce qu’on va dire. On pouvait aussi penser qu’écrire sans relâche le caractère des autres, observés avec l’attention obsessionnelle d’un entomologiste, sans avoir écrit son propre caractère, interrogeait. D’ailleurs, pour ceux qui le souhaitent, il y a déjà, dans un des caractères publiés, mon portrait. Si, si…Mais lequel donc ? Cherche et creuse, ami lecteur, mais je me réserve la solution.
  2. René de Ceccatty et un millénaire. J’ai eu l’occasion récemment de retrouver du fonds de la bibliothèque, un ancien ouvrage qui a eu de l’influence (positive) sur moi. Il s’agit de « Mille ans de littérature japonaise », co-signée naguère (en 1982 je crois) par René de Ceccatty et Ryoji Nakamura. Anthologie de contes, récits, poèmes…Acheté jadis chez un bouquiniste, ce livre m’a éclairé et donné le goût de la littérature japonaise, que mes chroniques de lecture vous restituent de temps à autres. Un ami commun nous ayant mis en relation (qu’il en soit ici remercié), R. De Ceccatty, auteur raffiné et subtil traducteur des auteurs japonais et italiens entre autres (Soseki, Pasolini…) m’a fait la gentillesse d’une dédicace. En remettant ce livre à la surface des émotions de lecture passées, j’ai ainsi, dans le cœur de son auteur, « fait revivre après quarante ans ce livre qui a tant compté» …

C’est très juste, cette émouvante formulation, toute en intériorité et en transparence : les livres revivent chaque fois qu’on les lit, et nous font revivre instantanément les émotions qu’ils nous ont données et qui dormaient en nous, jusqu’à ce qu’on rouvre la page. C’est sans doute un peu de cela que j’avais pressenti en engageant le travail de mon vaste florilège des deux cents livres-ou-je-ne-sais-plus-combien-peu-importe (voir ci-dessus), pour vivre moins idiot etc (l’intitulé change à chaque fois, vous aurez remarqué…).

Retrouver dans les phrases, les mots et l’invention des autres, ce temps qui n’est jamais absolument perdu. A ceux qui, pauvres de jugement, vous demanderont à quoi ça sert d’écrire des livres et plus encore de les lire, dans un monde d’abrutis, nous sauront ainsi quoi répondre. Je pensai à ces offrandes fleuries dans les lieux les plus communs à Bali, qui ont pour objet de faire le lien de bienvenue entre les gens. C’est rien, quelques fleurs, une douceur, mais c’est là, sur une pierre ou un pas de porte. Il en est ainsi des livres anciens, des offrandes dont le souvenir nourrit l’esprit et à chaque page tournée, souhaite la bienvenue.

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  1. Jean Sénac. « Un Cri que le soleil dévore ». Cet entretien avec R. De Ceccatty fut aussi l’objet d’un échange sur un auteur que je ne connaissais pas, Jean Sénac. Un poète français mais se revendiquant algérien, croyant (chrétien) mais libertaire, communiste mais modérément révolutionnaire, indépendantiste contre la France, homosexuel et mort assassiné. Belle édition au Seuil qui regroupe sous ce titre magnifique (ci-dessus) des notes et des poèmes. La poésie de Sénac est peu cérébrale, plutôt narrative, d’un formalisme pragmatique qui en facilite la lecture. C’est souvent chantant comme Aragon. Passionné par Verlaine, Sénac s’en fait l’écho et sait en reprendre ce ton musical et aérien. Ceci nous donne une bien agréable poésie.

« A travers nous le temps se nie
Le froid du cœur nous a séduit
Plus rien de ce soleil
Ne peut mordre la pluie
Ce sont des paroles sans sel
Que je répète à bout de peur
L’éternité sur ton sourire est brève
Et l’amour sans l’amour
Est un vide bruyant » 

Voilà, ce n’est pas Mallarmé mais ça coule doucement comme une eau de fontaine. Et ça se lit enchâssé dans son journal, entre des considérations sur la vie, la guerre, les repas entre amis, et ce métier d’enseigner qu’il aimait tant. Étrange parti pris, cependant, de l’éditeur de nous donner les textes (journal et poèmes) avec les ratures. Mais ce n’est pas grave.

5. Fascination du désastre. On n’a pas tellement ici l’habitude de reprendre les propos d’un Président de la République, en l’occurrence l’actuel. Mais j’ai trouvé pertinente sa formulation, lors d’une récente conférence de presse sur la montée irrépressible de l’extrême-droite un peu partout. Il a évoqué une forme de « fascination du désastre», et pour une fois depuis bien longtemps, je serais d’accord. Les sociétés politiques s’affolent et se ruent vers l’animosité et la répression (qui viendra vite, ne nous leurrons pas). On s’apprête à (ré)élire aux États-Unis, plus ancienne démocratie complète du monde, un homme probablement fou. Et cela fera école ailleurs…Les humiliés, les négligés, les offensés, y voient une forme de revanche, avec la certitude infantile d’être le moment venu, forcément, du bon côté du manche. La rupture sera violente, très différente de ce qu’ils imaginaient ; ces malfaisants seront au pouvoir d’ici peu, puisque c’est ce que veut le peuple. Mais ce sont les faibles, ceux-là même qui l’auront voulu, qui seront les moins immunisés et les plus ébranlés. Tout réapprendre du désastre, parmi ce qu’ils auront ruiné, sera leur expiation.

« Car à l’instant même du désastre il faut d’abord apprendre le nouveau visage de ceux qu’on aimait. Il faut en image fermer ces yeux Qui regardaient si bien en face, Croiser ces bras Qui distribuaient De si beaux gestes, Clore ces lèvres dont les paroles Savaient si bien Nous réchauffer. Et le visage nouveau Nous blesse durement au cœur.»

                                  Antoine de Saint-Exupéry. Terre des hommes.

Arrêtons ici la politique, c’en est assez pour aujourd’hui.

  1. Annonces sur les Cahiers d’Alceste. 

Donc, très bientôt, amis lecteurs, sur les Cahiers, un florilège des livres à lire et que j’ai lus et que je vous propose de lire si ce n’est déjà fait, élargi au XXIe siècle et enrichis sur les siècles déjà en ligne. Allez chercher les mises à jour sur leste si cela vous dit. Je vous ferai découvrir sur les Chroniques, une trilogie d’autrices (?) africaines (Ghana-Afrique du Sud- Éthiopie); et d’autres Caractères encore, que m’inspirent aisément la folie ambiante et le déclin des rationalités autour de nous. Et peut-être un long poème, si ma paresse accepte de décliner un peu…Mais qui donc aspire au repos devant la fièvre des mots ?

Meilleurs voeux encore une fois pour 2024. Pour commencer l’année, contemplons des fleurs et la mer, oublions quelques temps nos semblables humains.

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Allez, ne faiblissons pas, et croyons fervemment à la littérature amateure.

En attendant, les cahiers d’Alceste, c’est toujours par ici et ci-dessous.  Je rappelle d’ailleurs que ce “ci-dessous” (titre en bleu = les Cahiers d’Alceste, donc…) est le lien vers le site du blog, où vous trouverez un tas de choses jolies et intéressantes, puisque certains ne l’avaient pas saisi ainsi.

Les Cahiers d’Alceste,

A bientôt. Et n’oubliez pas vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

A bientôt.

©hervehulin

 

Au sommaire de cette treizième lettre (eh oui, déjà…): de l’hiver et de l’automne, Pascal Quignard, Voyage en Algérie, le Fou (d’amour) Majnoun et son flot de centaines de poèmes monothématiques, Louise Glück et Couperin…Aragon, un peu.

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.

Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes

                                                                     Guy de Maupassant. Des vers.

Maupassant n’est pas un poète notoire, là n’est pas son génie premier, on le sait. Mais là, ce texte -trouvé en naviguant – bien qu’un peu académique, pourtant très maîtrisé, fait mouche; mature comme du Vigny. L’hiver est là.

Le retard. Cela faisait déjà un moment que je ne vous avais pas livré ma lettre, je l’avoue (depuis fin août). Désolé pour le retard. Mais ceux qui lisent ces « cahiers » savent bien qu’Alceste n’est pas entré en léthargie pendant ce temps. Ah… la théorie du retard…Ce n’est qu’un jeu de mortel, voilà tout, et la vanité d’un peu de temps dépassé. L’hiver est là, et il faut attendre que ça s’en aille. Bientôt les jours s’allongeront aux premières heures des soirées. Mais alors, il faudra bien se dire que du temps a passé, et des jours sont consumés qui ne reviendront plus.

A propos du temps qui va. En lisant ses « heures heureuses », et sans doute effet de l’âge, j’ai perçu soudain  comment Pascal Quignard m’accompagne depuis longtemps. Depuis le début des années 80, Apronenia et ses notes de buis. Le temps va, donc, et les lectures restent. Que nous dit-il, l’austère Pascal?

« Si le temps stricto sensu est défini par ce retard que prend, du soleil à la terre, la lumière qui éclaire son chemin après qu’elle l’a effectué, ce laps de temps si mystérieux qui se creuse dans l’espace et qui se décolore, ce pli qui s’efface, cet étrange délai qu’accuse toujours plus mystérieusement la poussée qui la porte (…) c’est aussi que le point de distension du temps est son seul référent, et non pas l’instant ou maintenant se maintiendrait. Le temps est l’irrattrapable de ce retard. » 

Pascal Quignard. Les heures heureuses. XXIV. 

Rien ne sert de courir…Le temps est son propre retard… Quignard, c’est toujours intelligent, parfois précieux, mais toujours intelligent. La phrase épouse parfaitement son contenu, elle est bâtie comme du Bossuet.

Mais s’il nous parle si bien du temps, que n nous dit-il de l’espace, alors?

“L’espace, c’est là où s’étend le temps après son implosion.(…) C’est du temps effondré dans la nuit que traverse une lueur (…) qu’on recherche du bout des yeux comme le font les fleurs”.

                                    In “les heures heureuses”, XL

Belle acuité. Le temps qui s’effondre, comme un vieux sable, nous ouvre l’espace. Seul un esprit solitaire peut ainsi voir les choses, en les contemplant derrière les lignes.

Écrire dans le style de. Dans le jeu des ateliers d’écriture, c’est un passage classique d’écrire « dans le style de ». Ce fut ainsi qu’il fallut écrire comme Christine Angot, que je n’avais jamais lu. Pourquoi pas. C’est actuel, et personnalisé. Un passage vite fait à la bibliothèque, et hop, emprunté deux titres, un peu au hasard.  (« Quitter la ville « et « Partie du cœur »). Pendant ce temps, j’avais commencé la lecture des « heures heureuses » de Quignard. La comparaison, qui vient magnétiquement à l’esprit du lecteur, est cruelle (cf. supra, le temps etc.). Chez Angot, on est vite lassé -enfin, « on » c’est moi en tout cas – de cette écriture bousculée, hachée, pleine d’animosité, au vocabulaire pauvre, à la syntaxe inutilment malmenée, lassé de cette écriture si névrosée. On se réfugie alors dans la phrase si délicatement apprêtée, de Quignard. La différence d’altitude vous donne un délicieux vertige.

Novembre. A propos de Quignard (encore…), je me suis découvert une détestation partagée avec lui, de novembre. Novembre est le mois le plus laid, celui qui n’a rien à dire que sa médiocrité, il commence avec la hantise des morts, et s’achève dans l’indifférence de sa nuit.

« Je déteste, novembre. Novembre et veule, pourrissant, pesant, glissant. Presque aveugle. Il est sombre. Il est assombrissant. Aussi grisâtre que le bec des freux. Il est aussi âpre que le cri qu’ils poussent dans les labours noirs. Il n’existe pas de mots assez sales pour nommer novembre. »

In « Les heures heureuses » XXXI

Un voyage en Algérie. Un peu de soleil, donc, en plein novembre derrière la Méditerranée, et l’orée du grand désert. On en parlait depuis longtemps, on l’a fait. Pays étonnant de secret, dont les autorités cherchent à conserver leur chasse gardée. Le résultat : une vaste contrée, lumineuse et rayonnante dont le délabrement matériel ne peut dissimuler les beautés, et, par-dessus tout, l’incroyable bonté de ses habitants. Les couches de l’histoire et ses civilisations s’entremêlent avec une aisance déconcertante : berbère, romaine puis byzantine, arabe, ottomane, européenne …

Une sorte de mélancolie traverse les ruines romaines de Timgad comme les architectures – fatiguées- Art-Déco d’Oran. Partout un foisonnement généreux d’humanité. Bien sûr, on restera désolé devant ces paysages et ces vestiges majestueux mais transformés en poubelles. Et peu de touristes. Certains diront que c’est tant mieux. Je ne le pense pas. Le tourisme est avant tout partage et recherche de l’autre. Il est dommage que des mondes si émerveillant en soient privés, par l’obstruction de leurs dirigeants, et contre l’impatience de leur jeunesse. Et quelle jeunesse, qui de toute part, peuple les rues et les paysages. Enfin, ce peuple si disert et expansif est francophile. Un jeune homme rieur à Constantine nous a adressé un joyeux et péremptoire « Allah est français ! ». Si vous le dites… Ce sont nos vilains « identitaires » (on ne dit plus « xénophobes », vous l’avez remarqué…) qui vont être étonnés. (Ah, imaginons la tête d’Eric Z… saisi de cette la révélation !). Vive les Algériens !

Poésie. El Majnoun : « le Fou ». Alors ça, amis de la poésie, c’est à lire et plus vite que ça.

Sous ce nom (le Fou, ou le Fou de Laylâ : Majnûn Laylâ) se cache un jeune homme dont on ne sait pas grand-chose (évidemment). L’histoire nous dit qu’au désert d’Arabie, dans la seconde moitié du VIIe siècle, (donc, avant l’islam) circulent des poèmes chantant un amour parfait et impossible.

Il y a bien longtemps, le beau Qaïs, fils d’une illustre famille de Bédouins, tombe éperdument amoureux de sa cousine Leïla. Le jeune homme est poète et ne peut s’empêcher de chanter son amour pour Layla à tous les vents .Mais chez les Bédouins, seuls les pères règlent les mariages. Le désir crié par Qaïs est une ombre sur leur autorité, et cette union est refusée. Dès lors, tout s’enchaîne : le mariage forcé de Laylâ, son départ au loin, très loin, le désespoir de l’amant poète…Alors la légende enflamme l’histoire, et nous parle d’un jeune homme qui chante encore son amour, des années durant ; il désespère, sombre dans la folie, va vivre avec les bêtes du désert, puis meurt, d’épuisement et de douleur.

Consolons nous d’aimer, âme trop généreuse
surmontons cette soif, ce mal qu’elle nous fait
Pleure sur ta douleur, pleure, puis reconnais
d’un long éloignement les suites bienheureuses

                                 (230)

Sa souffrance devient si célèbre que d’autres poètes se substituent à lui, et continue de chanter l’amour de Layla, tant et si bien qu’on ne sait plus lesquels des plus de trois cents poèmes sont ceux de Majnoun, le fou, ou de ses disciples ; leurs auteurs, sous divers noms, se veulent, d’une tribu à l’autre, les meilleurs dans le genre pour avoir vécu cet amour.

Dieu me guérisse de Layla, ou si je l’aime
De la louer, de rester pris en ses filets
Que savent si bien. tendre au coeur tous ses attraits
Et de ce mal qui dure autant qu’amour lui-même

                            (219)

Aragon y fait largement référence, dont l’exergue du fou d’Elsa est un extrait (réécrit) de Majnoun.

J’ai partagé le melon de ma vie
et comme au sourd le bruit et le silence
les deux moitié en ont même semblance
prends la sagesse ou choisis la folie”

Mais qui fut Majnoun ? Homme de chair et de sang, ou personnage inventé, il fixe au poème un unique sujet : l’amour dans toutes les variations possibles. On songe à Pétrarque, évidemment. Ou à Aragon.

C’est un recueil fabuleux, dans lequel on erre, s’émerveille, et dont on sait qu’on y reviendra souvent. Il convient de saluer la traduction royale d’André Miquel, rimée et versifiée s’il vous plaît.

Adieu Louise Glück. C’est lassant, ces poètes qui s’éteignent, comme ça, sans prévenir. Un(e) poète qui meurt, c’est toujours une éternité qui s’interrompt. C’est de moi et ça vaut ce que ça vaut. J’aime bien Louise Glück, que j’avais découverte comme beaucoup d’autre. à l’annonce de son Nobel. Les oeuvres exclusivement poétiques nobélisées sont rares. C’est une poésie “neutre” sans émotion, très descriptive et narrative, qui vous laisse flotter sitôt le livre refermé, une idée de noir et blanc savant.

Mais attendre pour toujours est-il toujours la réponse ?
Rien n’est toujours la réponse
La réponse
Dépend de l’histoire
Quelle erreur de vouloir la clarté
Plus que tout Qu’est-ce qu’une simple nuit
Spécialement une comme celle-ci,
Maintenant si près de s’achever ?
De l’autre côté il pourrait y avoir 
n’importe quoi
Toute la joie du monde, les étoiles pâlissantes
le lampadaire devenant un arrêt de bus

                                ( Nuit sans lune)

C’est cette étrange mixage de distanciation et d‘ironie qui embrasse le monde en sa totalité dérisoire qui fait la force calme de cette poésie, essentiellement américaine.

Un vol d’oiseaux quittant le flanc de la montagne
Noir sur fonds de soirée printanière
Bronze au début de l’été
Se levant sur la vierge surface du lac

                               (Parabole du vol)

&

Au-revoir, Louise Glück.

Le centième caractère publié. Mais pas le centième écrit…Il y a quelques temps, un centième caractère a été publié sur les Cahiers. J’en ai encore en réserve, sans doute pas encore assez affinés. C’est étonnant comme ces petites fantaisies vous occupent et vous inspirent ; ça vient tout seul, il suffit de regarder autour de soi les affaires agitées des hommes et de leurs mondanités. Et voilà tout.

Un peu de musique. Il faut écouter et réécouter « Les ombres errantes », de François Couperin, dans l’admirable version pour piano de Iddo Bar-Shaï. Le piano, cet instrument fabuleux n’existait pas quand Couperin composa sa suite légendaire pour le clavecin. Et pourtant, ça sonne admirablement. Classique et moderne, ça scintille comme la neige. Ecouter chaque pièce, l’esprit tourné vers son titre, toujours ciselé comme un poème: “les ombres errantes“, “les barricades mystérieuses“”double du rossignol””l’engageante” etc etc.

Annonces sur les Cahiers d’Alceste. J’ai remarqué que je digressais souvent des annonces que je fais et dont l’objet ne vient pas, car j’en fais autre chose. Donc, modérons en les effets. Juste des ajouts prochains sur mon anthologie personnels des X… livres à lire pour être heureux; pour le reste, aller voir et c’est ainsi que vous verrez…Je prépare aussi quelques chroniques de lecture, sur des africains et des japonais. Il y a un long poème qui arrive, aussi, un  texte de coeur et de miroir.

     

Et pour conclure Aragon, en hommage au Fou Majnoun, cette strophe:

 

Comme à l’homme est propre le rêve
il sait mourir pour que s’achève
Son rêve à lui par d’autres mains
Son  cantique sur d’autres lèvres
Sa course sur d’autres chemins
Dans d’autres bras son amour même
Que d’autres veuillent ce qu’il sème
Seul il vit pour le demain

(in: Le Fou d’Elsa- Zadjal de l’avenir)

Toujours musical, Aragon, et juste ce qu’il faut d’ancienne tournure dans le langage.

Allez, ne faiblissons pas, et croyons fervemment à la littérature amateure. Très beau Noël à tous et toutes, et n’oublions pas ceux qui n’en auront pas.

En attendant, rendez-vous sur les cahiers d’Alceste, c’est toujours par ici et ci-dessous.

Les Cahiers d’Alceste,

Et n’oubliez pas

1. d’aller lire ou relire “Les dormeurs”

2. vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

A bientôt.

 

 

 

 

 

 

 

Les Cahiers d’Alceste.  Le blog de littérature amateure, contemplative, et misanthropique d’Hervé Hulin ;

J’aimerais être capable de suivre du regard le tracé d’un papillon qui virevolte au-dessus d’un buisson de lavande (…), rester immobile, en paix, avec le papillon, est au-dessus de mes forces. Quel est l’usage le plus juste du temps ? Celui qui nous convient, celui qui allume le bonheur en nous. “

                    Yannick Haenel. ” Le tracé du papillon, “In Charlie Hebdo” N° 1619.

A l’ordre du jour de cette douzième lettre ? Le florilège des lectures d’Alceste et des cent cinquante (ou plus) livres à lire pour se sentir moins vide ; les femmes poètes prennent la tête ; et à quoi bon écrire ou inventer le beau dans ce monde pourrissant ? Et aussi, de la vertu des éléphants.

Cent-cinquante livres (au moins) pour vivre un peu mieux etc. On y arrive, bientôt achevé. Que pensez-vous, ami lecteur si occasionnel, de mon panthéon littéraire personnel ? Ceux qui ont la curiosité de consulter le site des « Cahiers » auront vu que le parcours touche à sa fin, puisque j’ai mis en ligne il y a quelques semaines le volet (monumental) du XXe siècle. Quelle époque, comme disait l’autre, que ce fabuleux siècle de littérature !

On n’aura pas toujours saisi à quel point ce siècle en effet a été foisonnant. Ce fut le temps d’une mondialisation sans limite de la littérature, et l’avènement définitif du roman comme axe central de la création, et au delà, comme langage universel. Sélectionner – uniquement dans mes seules lectures – une cinquantaine de livres dans cette forêt aura été une gageure tortueuse. Un cortège de géants. On commence avec Soseki et London. Proust, Aragon, Joyce, Kafka. Et connaissez vous Ashebe, Isegawa et Numa? Allez voir, donc, ne restez pas là…

Ce ne sera pas le dernier volet; je vous promets un florilège pour le XXIe, mais pas avant la rentrée. D’autant plus que je vois déjà pointer de nécessaires mises à jour sur les volets déjà publiés. Eh oui, la lecture, ça ne s’arrête pas…

« Ai-je été un homme ou un crétin ? » s’interrogeait Saül Bellow sur son lit de mort. Si, dans quelques décennies probables, les livres, les bibliothèques, et les écrivains ont disparu, dévorés par les nouvelles morales et les réseaux sociaux, au moins, dans ce silence nouveau, j’aurais écrit cela, quelques-uns l’auront lu, nous aurons partagé.

Poésie vivante et palpitante. Sasha Thomas, dont je vous avais invités à apprécier le recueil « Eaux et carêmes», a organisé une lecture semi-publique – parterre d’auditeurs choisis – le 10 juin dernier au café « L’Écritoire » (Paris 5e). Beau moment de partage, inauguré par un « orage » poétique (traduction : lecture à plusieurs voix d’un texte, en mode non simultané). Et j’y ai même entendu ma voix, sur de jolis mots («…Les langues déforment le rideau liquide/ Le chant convoque l’orage et force la main des tempêtes/ A soulever la noce » – in “Noce” pp 5 et s).

La poésie à voix haute est différente de celle qu’on lit d’une voix intérieure: elle captive et sonne.

Heureux aussi d’avoir retrouvé au Marché de la Poésie le lendemain, Marilyne Chaumont, pour la dédicace de son si beau recueil « Dans l’épaisse forêt des jours » (Ed. L’Arbre). C’est aérien, ocellé de contre-jours comme un sous-bois, toujours écrit dans la grâce. Parfois, un air de Verlaine :

Il y a dans mon cœur
Et depuis si longtemps
Un poème qui meurt
Sous le cri des passants

Il cogne dans mon cœur
Depuis l’éternité
Ce poème qui pleure
Depuis l’éternité

                  (Le mendiant)

J’adore ceci, également :

Les larmes sont gelées pendant que l’or des branches
Agite un carillon grelottant de lumière
Hier il a neigé les figues étaient blanches
Sans savoir tu défais le lange de ta mère

 

                 (Le bâillon)

Et parfois, le recueil s’assombrit d’une douleur résurgente :

L’horloge sonne-t-elle ? Je l’ignore
Je pense à mon enfant qui s’est perdu
Aux joues rouge sang du lavoir

                 (Le lavoir)

Lydie Dattias, enfin. « J’aimerais mieux mourir que de douter des anges » : poésie absolue de ce vers. De Lydie Dattias, j’ignorais jusque-là l’œuvre et l’existence. « Le livre des anges » (Coll. Poésie Gallimard) notamment, rayonne d’une écriture fébrile et cérébrale, nourrie de répétitions et d’enchâssements qui évoque un peu Péguy. Chaque vers est phrase complète, et le texte prend un effet de stances délicat, parfois à la limite de l’hypnotique.

Mon sang est un vitrail illustré par l’azur
Les lys blancs se pressaient autour de ma pensée
Et mon âme trempée dans le sang de l’azur
Plus tendre que la nuit au cœur du lilas blanc
Mon cœur martyrisé par sa propre douceur.
                (Mon sang est un vitrail)

C’est très intérieur, et d’une beauté pudique.

Sasha, Marilyne, Lydie… Comme le clamait un ancien poète décalé du XXe siècle, Jean-Marc Reiser : « Vive les femmes !».

La fin de l’Oeuvre et le silence. Xavier Dolan, à qui beaucoup de connaisseurs et cinéphiles prêtent du génie, a annoncé récemment son souhait de cesser de faire du cinéma. Dolan ne voit plus de sens dans l’acte de créer. “Je ne comprends pas à quoi ça sert de s’efforcer à raconter des histoires pendant que le monde s’écroule autour de nous. L’art est inutile, et se consacrer au cinéma une perte de temps”. Voilà qui est tranché.

C’est LA question, même si toute forme d’art ne “sert” à rien : à quoi bon produire quelque chose de beau, quand l’effondrement du monde rend vain l’idée même d’une humanité ? Est-ce donc le beau qui donne du sens au Monde, ou le Monde au beau ? Je n’en sais rien.

Rimbaud eut tout réglé de cette affaire avant d’avoir vingt ans. Sibelius taira sa musique – sauf quelques murmures- plus de trente ans avant sa mort. Toujours, nous rêvons d’accomplissement, de merveilles et de poèmes, d’inventions de toute sorte qui vont sortir les hommes de leur torpeur facile, et apaiser leur médiocrité.Et puis un jour vient qui pose cette question fatale: pourquoi accomplir cela, encore et encore? Ce n’est pas le talent, réel ou espéré, qui fera la réponse. C’est bien le sens de cette activité étrange. Pourquoi donc, quand l’humain reste incapable de civilisation durable? A quoi bon, à quoi bon donc?

Ah… l’envie d’un vaste désert et son repli loin du monde.Mais plus le monde s’enlaidit de la folie des hommes, plus il faut y injecter de belles choses, comme une infinitésimale pénicilline. Les mots, les notes, les couleurs, si cela est bien choisi, la recherche permanente du lieu et de la formule, suffisent à donner du sens à cette fragile existence. Car “Vivre affligé, tel est notre seul destin” (Homère- Iliade, XXIV) .

N’aspirons jamais au repos sur l’envie de beauté qui nous saisit et nous rend humains.

 

Le mystère du 45 rue de la Folie-Méricourt. Je passe souvent devant cette adresse étrange et ses curieuses enseignes. Les termes en sont ainsi choisis pour étonner. Quel est ce lieu, de quel mystère est-il consacré?

Le passant est interpellé, il va s’interroger, et prendre le mot « poésie » en pleine face. Le but est celui-là, imprimer l’idée de poésie – idée simple, somme toute -dans le pas d’un quotidien qui va.

Les métiers affichés valent le détour. Les noms évoquent une bande dessinée, journal “Spirou” ou du genre… Amusant. Un jour peut-être pousserai-je la porte du 45 rue de la Folie-Méricourt. Mais ne perdra-t-on pas, une fois l’inconnu transgressé, un peu de l’éclat poétique ainsi inventé sur la rue ?

L’Ombre qui vient. Edwy Plenel, a publié récemment un sonore « Appel à la vigilance : face à l’extrême-droite». Que nous est-il arrivé, interroge-t-il ? Les obsessions de l’extrême droite occupent dans le champs médiatique la même place dominante que celles d’extrême gauche dans les années soixante-dix. Elles sont à l’offensive, ont envahi la société en toute facilité, et devenues le centre de gravité du médiatique. Peu de voix s’élèvent pour mettre les justes mots sur la situation. On ne dit plus fasciste, ni raciste, ni xénophobes pour désigner ces gens-là qui n’ont plus de limite ; ce qui était obscène il y a vingt ans est désormais le langage courant de ces gens-là. Il faut dire patriote, identitaire, illibéral etc.

Edwy Plenel a le mérite de replacer le sujet et de remettre à l’équerre le sens des choses. Il dit les mots. Ces gens-là sont des fascistes, sont des racistes. Ce sont des méchants et des mauvais : ces gens-là considèrent que tous les hommes ne se valent pas et n’ont pas les mêmes droits. Lisons, relisons cet excellent petit livre, animé d’une écriture efficace et vive. Citation : Plenel stigmatise « l’installation à demeure dans l’espace public des idéologies xénophobes, racistes, identitaires, rendant acceptables et fréquentables les forces politiques qui promeuvent l’inégalité des droits, la hiérarchie des humanités, la discrimination des altérités. Quand avons-nous baissé la garde ? Quelle est la responsabilité des journalistes et des intellectuels dans cette débâcle ? Comment, au nom de la liberté de dire, de tout dire, y compris le pire et l’abject, la scène médiatique est-elle devenue le terrain de jeu d’idées et d’opinions piétinant les principes démocratiques fondamentaux ? ». Voilà de la grande vérité, dont on perd l’habitude.

Entendez l’Appel. Méditons sur ce qui nous attend. Il est encore temps. Moins nous le lirons, plus vite il sera interdit quand ceux-là qu’il dénonce seront -un jour- au pouvoir.

                               (Edwy Plenel. Appel à la vigilance- Face à l’Extrême Droite. Ed.  La Découverte, 134 pages).

Rencontre avec Ganesh, le dieu éléphant. De retour d’Indonésie, avec cette petite effigie qui donne envie de toujours sourire. Maître de la connaissance et de l’éducation, Ganesh transmet les choses de l’esprit. Il trône dans l’innocence de son corps d’enfant, l’œil malin, tout en exhalant la puissance débonnaire de l’éléphant. C’est sa tête d’éléphant (d’Asie) qui en fait une divinité. Il est l’intelligence des choses, mais regardez comme cette petite statue se prend élégamment la tête, comme inquiète devant l’inanité du genre humain.

Il nous inspire une esthétique parnassienne, et une envie de forme finie

Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche,
Il guide au but certain ses compagnons poudreux ;
Et creusant par derrière un sillon sablonneux,
Les pèlerins massifs suivent leur patriarche.

                          Charles Leconte de Lisle – “Les éléphants” Poèmes barbares (1862)

Bien que dans un style compassé qui l’éloigne aujourd’hui des lecteurs, il saisit bien le calme puissant de l’éléphant, l’impassible Leconte de Lisle.  (“Il guide au but…”C’est bien vu). Curieuse idée que de faire un poème sur ce gros animal. Mais on la comprend mieux en observant un tant soit peu cette statuette.

Annonces: quoi de neuf bientôt sur les Cahiers d’Alceste? Je vous avais promis dans la dernière lettre des chroniques de lecture africaines, mais je me suis plutôt consacré à mon florilège   – qui vous livrera bientôt le XXIe siècle, avec une vingtaine de références -et du coup, vous n’avez rien vu. Donc, je vous envoie bientôt mes commentaires sur l’étonnant Sosa Boy, de Ken Saro-Wiwa, (Nigéria, encore… Quel pays d’écrivains !). De la guerre et de l’enfance. Je vous parlerai aussi bientôt de libellules rouges : un roman japonais d’une femme qui n’est pas écrivain mais puisant dans ses souvenirs, s’en sort magnifiquement.

De la poésie, aussi. Enfin, Les dormeurs, sorte d’Ode au sommeil de mon cru. Un ancien premier ministre de la Ve République affirmait, comme une fierté, lire tous les soirs un poème pour s’endormir. De la poésie comme un comprimé de sommeil… Pauvre homme, qui se pensait cultivé. J’ai un peu pensé à lui en achevant mes « dormeurs », noème long et statique, à lire sans doute un peu ivre de bon vin, que j’enverrai bientôt- sitôt parachevé…

Et sur le Conotron, rubrique appréciée de mes quelques lecteurs, on parlera d’expertise et de moutons.

En attendant, continuons avec les éléphants. Ils ont en eux la force et le rythme lent des poèmes. Et la rondeur de Ganesh, qui fait tant de bien au contemplateur.

    

“Tel l’espace enflammé brûle sous les cieux clairs ;
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes,

Vont au pays natal à travers les déserts.”         

Charles Leconte de Lisle – “Les éléphants” (suite) Poèmes barbares (1862)

Et bien sûr, Adieu à Milan Kundera, qui est sorti du chemin. gardons et regardons cette citation, comme un trait de feu:

“Être : se transformer en fontaine, vasque de pierre dans laquelle l’univers descend comme une pluie tiède. »

C’est très beau, et très juste.

En attendant, les cahiers d’Alceste, c’est toujours par ici et ci-dessous.

Les Cahiers d’Alceste,

Et n’oubliez pas – O timides lecteurs – vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

A bientôt.

©hervehulin

 

 

Les Cahiers d’Alceste.  Lettre d’information N°11.  Mai 2023.

 

Le blog de littérature amateure, contemplative, et misanthropique d’Hervé Hulin.

« La vie n’est jamais qu’un éclair qui ne s’immobilise que pour laisser entrevoir, c’est son vœu peut-être, de grands pays en sommeil étagés de toutes parts autour de nous dans la nuit »

Yves Bonnefoy, « L’écharpe rouge ».

Toujours en lecture de Bonnefoy, que j’évoquais dans la dernière lettre. J’y trouve bien des perfections, qui rendent humble. C’est curieux, Bonnefoy, ombragé et limpide en même temps. Comme un soir de printemps. 

Dans cette onzième lettre (déjà ?!) :  le florilège des livres lus, et les enjeux vraiment amusants de l’exercice, on continue… Du côté de Guermantes au théâtre, et c’est réussi…Un monde vidé de ses oiseaux demain…Et ces écrivains qui meurent et nous laissent seuls, Philippe Sollers…

 

Du choix des livres. Décliner les livres qu’on a aimés produit un effet de magie mineure : les partager avec ceux qu’on n’a pas lus, et qu’on se retrouve soudain avoir envie de lire.

Je vous invite à contempler – c’est le terme qui me convient- ma rubrique « une bonne centaine de livres etc » que je vous délivre par épisode. L’essentiel est de rester heureux, ou le devenir si on ne l’est pas encore, dans la lecture. Au compteur WordPress, le nombre de « vues » est insuffisant, me semble-t-il, pour diffuser du bonheur de lecture à hauteur de la grisaille de notre temps – et des têtes accablées que je vois dans le métro… Je promets de belles rencontres…Qui connaît Nicomaque Flavien, et son amusante imposture ? Apulée, et les frasques sexuelles de son âne ? Je ne suis pas sûr que beaucoup d’entre vous connaissent Hector Savinien, dit Cyrano (from Bergerac…) et ses fabuleux voyages dans la Lune. Et s’il ne faut retenir (autodiscipline exige) qu’une seule pièce de Molière, laquelle, selon vous ? Bon, je l’admets, tout en m’amusant, c’est laborieux ; mon florilège (chronologique) n’a pas encore dépassé l’an 1800.Et le travail de sélection s’annonce difficile pour les siècles (d’or) qui suivent. D’autant plus que j’ai décidé d’inclure le XXIe, car les livres n’ont pas dit leur dernier mot.

Ce qui est captivant, avec ce genre d’exercice, c’est que tout de suite, l’échange décolle : pour tel livre cité, on me dira « et pourquoi pas celui-ci ? As-tu pensé à celui-là ? Je ne vois pas cet autre, et pourquoi donc ? Et comment est-ce possible de ne pas inscrire cet incontournable … etc etc ». Alors, on répond, on discute, car chacun a été marqué (au sens physique) par la mémoire des livres lus. Cet accès au patrimoine de lecture de l’autre est complètement énergisant…Et ainsi, l’esprit passe de livre en livre.

On parlera sans doute d’un souci d’érudition. Eh bien non. L’érudition, ce n’est pas ça. N’y voyez que de la jubilation. C’est revendiqué, notre époque fiévreuse en est si pauvre. Car tout cela ne procède que d’un esprit joueur.

Et puis, il faut bien le dire : quand les sept chapitres de mon florilège auront été mis en ligne, il y aura bien plus qu’une centaine de livres. Heureusement…

« Du côté de Guermantes » à la comédie française ». Ils sont très fort, au Français…Proust sur scène, rien que ça. Réussite complète. La dernière représentation de ce bijou est passée. Le cinéma a toujours échoué face à « La recherche ». Le théâtre ici reprend sa supériorité, avec une étonnante facilité. Il réussit une connexion instantanée entre les caractères, qui nous amuse. Christophe Honoré a su tamiser la densité de l’univers proustien, pour en isoler à la surface, comme d’un nectar le sucre, les traits comiques. Plus quelques trouvailles anachroniques bien insérées, et voici deux heures trente de régal. Qui ne laissent qu’une envie, une fois le rideau tombé : lire ou relire, le sourire aux lèvres, et relire encore.

Un monde sans oiseau, il faut s’y préparer, ça vient vite… Regardons les vaquer, ces cigognes heureuses de l’Algarve ; elles ne se doutent de rien encore…

Les oiseaux disparaissent de nos campagnes à un rythme alarmant. Un tiers au moins de ce peuple immense a disparu depuis quinze ans. Environ vingt millions par an, soit huit cents millions depuis 1980…Une étude associée du CNRS et du Museum National d’Histoire naturelle établit ce triste constat, qui n’affole pas plus que cela. Il faudra bientôt vivre en ville pour pouvoir entendre le chant d’un oiseau. L’oiseau, c’est l’irruption d’un monde ensommeillé ailleurs, dans la vie urbaine soudain vivifiée. Illustration : il y a quelques jours, je suis saisi un matin, boulevard Richard Lenoir, du chant très sonore d’un oiseau, là-haut quelque part dans les arbres. Je m’arrête, j’écoute…Un rouge-gorge ? Mais l’arpège est un peu long. Quoi donc, alors ? Quand une dame âgée, très chenue, très digne, vient vers moi et me dit « une fauvette à tête noire, n’est-ce pas ? On l’entend, mais on la voit rarement…Elle est petite, mais chante fort ».Que deviendront ces passionnés, quand il n’y aura plus rien à écouter, que la rumeur des moteurs ?

Le vivant s’efface avec le temps, comme une fresque antique, peinte à l’eau il y a deux mille ans.

Un peu de poésie, comme d’habitude. 

Poésie ? J’ai bien aimé Rodney Saint-Éloi, poète Haïtien à l’écoute des peuples et des îles et des villes…ça foisonne et on y revient, soudain attaché…Parfois de simples touches, en aquarelle :

Espace d’ambre blessé

La clarté des radeaux

Les serments

Les tombeaux dans la nuit

 

Parfois très narratif :

Je reviens à la mer comme à la terre comme l’amitié des lilas comme qu’importe le hasard calfeutrant la digue des siècles, j’apprivoise en tes bras l’éternité de tous les bleus, et ciel et mer en moi debout semés.

Disparition de Philippe Sollers, que je n’avais jamais lu. C’est attristant, ces écrivains qui meurent, et ça surprend encore quand de nouveau, l’un d’entre eux, tombe. On s’est habitué avec les années, à des présences lointaines mais importantes, comme une forme d’abstraction. Un présent de l’indicatif s’impose quand on parle de ces esprits qui comptent. C’est la leçon des paysages (allez voir mon « Épilogue » sur Les cahiers, rubrique Poèmes, c’est la clé…). Soudain, une faille s’ouvre et c’est l’imparfait qui prend le relai, sans demander aucun avis. Le soudain disparu « était » ceci, « disait, écrivait » cela etc. Et surtout, il ne publiera plus rien…Tragique du vide…Du coup, saisi tout entier de mon retard, et perturbé par cette modification irréversible du paysage, j’entame la lecture des essais de Philippe Sollers. La guerre du goût… La mort pousse au livre, et le livre surmonte la mort… Troublant. J’entends encore Sollers dire, sur un plateau télé, au siècle dernier « la littérature, ce n’est qu’un art de vivre ». Ces chroniques, ces biographies sont pleines d’un d’esprit vivant.

Bientôt, sur les cahiers d’Alceste ? La suite des cent cinquante livres etc pour vivre plus heureux, bien sûr !  Les XIXe, XXE et (déjà) XXIe siècle. Je vous garde quelques poèmes plus courts – quoique mes Dormeurs encore inachevés, ça fait épais. Je vous reparlerai des oiseaux…Et bien sûr, des Caractères : je ne sais pas, vous, mais moi je ne me lasse pas…Je vous dois aussi mes opinions sur bien des écrivains africains.

« L’instant, rien d’autre, la notation pure et simple : une énorme liberté insoupçonnée est là »

                                       Philippe Sollers, in « Passion fixe ».

Ce serait l’idéal, en effet, de l’écrivain. Noter, rien d’autre, sans l’effet du travail à suivre, et l’ouvrage serait là, propice à la lecture. Comme la pluie passée qui dure pourtant, sur l’herbe et la pierre.

Allez, ne faiblissons pas, et croyons fervemment à la littérature amateure. Le 15 mai, 379 visiteurs se sont rués sur « Les cahiers d’Alceste ». Allez savoir pourquoi. Qu’ont-ils trouvé qu’ils ont aimé ? C’est la seule chose qui compte.

En attendant, les cahiers d’Alceste, c’est toujours par ici et ci-dessous.

Les Cahiers d’Alceste,

Et n’oubliez pas vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

A bientôt.

©hervehulin

 

Les Cahiers d’Alceste.  Lettre d’information N°10. Mars 2023. 

Le blog de littérature amateure, contemplative, et misanthropique d’Hervé Hulin ;

« Tandis qu’à leurs œuvres perverses, 
Les hommes courent haletants, 
Mars qui rit malgré les averses, 
Prépare en secret le printemps ». 

                                                              Théophile Gautier

Gautier, de son temps fut la plus influente des plumes. De nos jours, son souvenir a bien pâli. Ne restent dans l’opinion que Fracasse et La momie. Il y a pourtant un grand poète, au verbe habile et ciselé : cette façon de tant dire du printemps en si peu de mots et trente-deux syllabes est sans rivale.

Opinion de lecture. Je vous envoie très vite le premier pan de la fameuse liste des cent livres à lire non pas avant de mourir, mais pour ne pas mourir idiot, ce qui nous guette tous. Dans la précédente « lettre » j’en parlai déjà, et toujours rien me direz-vous. En effet, j’ai tardé car j’ai changé le registre. La matière que je pensais compléter était la fameuse liste sortie sur le site de science Po, « cent-cinq livres à lire avant de mourir », et que j’avais commencé à reconfigurer, avant de me rendre compte de la vanité de ladite liste.

A voir ici : https://www.integrersciencespo.fr/livres-1

Car la liste (science Po) en question :

  •   N’est pas une liste puisqu’elle est assortie de commentaires bavards et standard à chaque titre, et donne une foule de recommandations d’avant lecture qui sont très éloignées du plaisir de la lecture.
  •    Est très moyennement honnête, puisque son but n’est pas de faire partager un grand plaisir de lecture, mais plutôt de briller à minima à l’oral de science Po (la preuve : chaque titre de livre renvoie sur le lien Wikipédia, voire -hélas- amazon).
  •  Elle mélange plein de chose et n’importe quoi au motif du plaisir de lire : le Kama Soutra et Marcel Proust…Le Maha barata (qui lit aujourd’hui les deux mille pages du Maha barata ?) et Harry Potter… Tintin et Platon…
  • Elle raconte n’importe quoi sur la lecture : voir son commentaire sur Homère, « c’est très facile à lire », allons donc… « C’est une liste populaire », nous dit-on…Oui, mais Spinoza et Kant ? Lao Tseu ? « Ce sont tous des livres de grande qualité littéraire » nous assène t-on…Diable ! Le vocabulaire de la Bible – qui n’est pas une oeuvre littéraire- ne dépasse pas quatre cents mots.

Tout cela fait soupçonner que les auteurs de ladite liste sont des tartuffes qui n’ont pas lu ce qu’ils vous recommandent de lire, et ne liront pas ce que vous aimerez lire. Cette somme est programmée pour passer des concours de culture-gé, ou parler dans les dîners en ville, des livres qu’on ne lira jamais, comme si on les avait lus, devant ceux qui ne lisent jamais non plus.

Néanmoins, le jeu est amusant, la plupart des références sont intéressantes, et j’en reconnais plusieurs comme incontournables. Que j’ai donc conservées (et parfois même, les commentaires, mais en les modifiant chaque fois que nécessaire, si pauvres qu’ils sont). J’y ai donc substitué ma propre démarche, qui aura pour objet de vous faire partager les plaisirs de lecture les plus marquants, tout en ménageant un panorama le plus représentatif possible. Je mettrai en ligne par étape. Dans quelques jours, première tranche : les Anciens, d’Homère à Boétius. Préparez-vous…

Opinion de lecture 2.  Un collègue, pourtant érudit, à qui j’évoquai en conversation l’ethnocentrisme de la liste Science Po, me répondit” Ah bon, on veut bien , mais s’il faut trouver des auteurs sénégalais, on n’est pas couchés”… Ignorance de la littérature africaine, foisonnante pourtant tel ce continent. Dans les semaines à venir, donc, mes “opinions de lecture” vous apporteront comme une gerbe printanière, de formidables auteurs: Ken Saro Wiwia (Nigéria), et Maaza Mengiste (Ethiopie) et Taiye Selasi (Ghana) et Namwali Serpell (Zambie) et Nadine Gordimer et Futhi Ntshingila (Afrique du sud). A part Wiwa, des femmes, tiens donc… En effet, des lectures qui ne donnent pas envie de se coucher tôt. Et tant pis pour ceux qui passent à côté.Vive l’Afrique!

Mort de Kenzaburo Oe. L’un des plus grands écrivains de ce siècle vient de nous quitter, dans une -hélas- relative indifférence. « Dites-nous comment survivre à notre folie » fut un des chocs de lecture de ma jeunesse. Le pacifisme chevillé au corps, cet inlassable hibakusha a bâti une œuvre étonnante, et d’une forte individualité, tourmentée du double drame de la bombe atomique et du handicap mental de son fils, bien nommé “Hikari” (Lumière…). Adieu à ce géant, et bon vent à ce bel esprit.

Poésie…  Très bonne nouvelle, qui fera vous ruer chez votre libraire le 13 avril dès avant l’ouverture. A cette date, Gallimard sort -enfin- dans sa légendaire « Pléiade » une édition d’Yves Bonnefoy. Ce volume apparaît assez complet (1800 pages) et a le mérite d’avoir été préparé par ce géant lui-même, qui est allé jusqu’à en arrêter le titre. « Œuvres poétiques » c’est tout et c’est très sobre, au reflet du personnage. On a pu reprocher à Yves Bonnefoy une approche parfois trop cérébrale du verbe poétique – point de vue que je ne partage pas- mais c’est négliger une conception élémentaire de la poésie. Pour Bonnefoy, la poésie, n’est pas un genre, mais un langage. Bonnefoy nous parle en poésie, comme il pourrait, fin traducteur de Shakespeare, nous parler anglais. Pour autant, son texte est capable d’images lointaines, originelles du surréalisme, mais toujours moderne à notre écoute.

Plaisir de la Pléiade. Il ne s’agit pas d’une allitération gratuite, mais puisqu’on parle de « La Pléiade », on sera heureux d’en évoquer le confort de lecture sans pareil. Lire « en » Pléiade, c’est un peu comme écouter la musique de chambre en haute-fidélité. Il y a toujours une sensation physique dans le plaisir de lecture ; sur ce plan, un volume de cette édition est sans égal. Et quelle joie, quand sitôt revenu du libraire, on sort le livre neuf de son coffret, et on l’ouvre, sur n’importe quelle page… L’odeur du cuir, le chuintement délicat des pages tournées, le poids ni lourd ni léger dans la main. Et l’élégance du Garamond qui captive le regard, attise l’attention. On est bien. Le monde peut s’enfuir, et la folie des hommes le ruiner, pour peu qu’il nous laisse ça en main. A voir ou revoir, l’étonnant reportage (France Info Culture) le 2 mars sur la fabrication des Pléiades, à l’occasion de la sortie du Steinbeck. Trois usines, le saviez-vous, sont nécessaires pour répondre au seuil « d’exigence » de la collection. Trois semaines pour fabriquer un volume, et parfois des décennies pour parfaire une réimpression.

Conspirationnisme et vérité (Conotron, toujours…). Près de 80% des français croient à au moins une théorie complotiste, et 9% que la terre est plate. La prolifération des idiots est le mal de ce siècle si peu commencé. Des vaccins à l’Ukraine, les révélations que la bien-pensance-du-système-de-la-pensée-dominante veut étouffer bouillonnent à sous le seuil des QI minimaux. La vérité est malade de notre temps, où chaque imbécile peut inventer sa vérité pour contourner celle qui lui pend au nez, c’est-à-dire celle des autres. La vérité n’est pas une équation, mais une convergence. Sitôt qu’elle cesse d’être centrifuge pour se revendiquer centripète, elle ruine son essence fragile, et disparaît. Atterrés que nous sommes, misanthropes de profession, nous trouvons refuge dans la littérature.

Je pense alors à Léo Ferré, si souvent échevelé :

« Il paraît que la Vérité est aux toilettes
Et qu’elle n’a pas tiré la chasse ?
La Vérité, c’est dégueulassssse »

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                                       “Night and day” (Il n’y a plus rien)

J’alignerai encore et encore des “Caractères” sur ce sujet, facile à croquer, je l’avoue.

Elections…Enfin, quelque nouvelle de valeur ; il est possible que l’académie française ne serve à rien. Mais pour une fois…  Si elle acceptait au printemps la candidature du plus absolu des rimbaldophiles (néologisme ?) elle retrouverait un peu de sens. Académiciens, encore un effort pour être poètes : votez Borer !

“Je te donne ces vers, non parce que ton nom
Pourra jamais fleurir, dans ce sol pauvre,
Mais parce que tenter de se souvenir,
Ce sont des fleurs coupées, ce qui a du sens.”

                                    Yves Bonnefoy – Raturer outre.

Le printemps pour moi sera souriant, quelques ombres récentes s’éloignent, et de l’eau pure sur une couleur vive. Je le souhaite à tous. `

Allez, ne faiblissons pas, et croyons fervemment à la littérature amateure.

En attendant, les cahiers d’Alceste, c’est toujours par ici et ci-dessous.

Les Cahiers d’Alceste,

Et n’oubliez pas vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

A bientôt.

©hervehulin

 

 

Lettre N°6.: La vanité, l’été, les vanités, poésie ancienne et nouvelle, et les prochaines publications…

 

 

Tenir un blog, reflet des vanités?… Déjà la lettre N°6! Je découvre, dans cette sorte de miroir, avoir écrit plus de cent « Caractères ». Et cent-soixante-dix-huit textes divers peuplent ces « Cahiers » avant même deux années d’existence. Mais pourquoi donc? Lecteur, tu restes invisible, c’est la loi du blog…A ce jour, le tableau de bord WordPress m’indique près de trente-trois mille visites depuis la mise en ligne en octobre 2020. Avec un étrange pic le 21 mai dernier, à deux-cent-soixante-neufs, allez savoir pourquoi. Mais à part ça, outre les abonnés que je désigne d’office pour être destinataires de cette lettre (je viens d’en ajouter unilatéralement encore quelques-uns), je doute qu’il y ait foule aux portillons d”Alceste”. C’est peu, et c’est tant mieux. Délicieusement vain…Vivons heureux, vivons discrets. Comme un goût de secret partagé entre initiés, sans rite ni devoir?

 

L’été vient, l’entendez-vous ?

« L’été : un éblouissement comme est la neige, Celle qui vient légère et ne dure pas, Et rien de nous n’en trouble la lumière d’eau qui s’est condensée puis s’évapore.”

Yves Bonnefoy.  (Les planches courbes)

 

Quelle pertinence du mot chez Bonnefoy! L’été est proche et nous voici déjà saisis d’un sentiment léger. Les soirs de plein jour, les fleurs des champs, les foules vêtues léger dans les rues baignées de soleil. On a beau dire et se résigner, un rien suffit pour que les ombres du monde sortent du champ optique- et regardant autour de nous, ces temps-ci, on peut se dire qu’il fait presque noir. Pourtant, l’été et ses feux commencent à chacun de ses retours, de nous inquiéter. Plus de soleil, moins d’eau, et moins de clarté en l’homme. Ce qui nous fait une tranquille transition avec le thème suivant.

Du sentiment de vanité. Attirante exposition au musée des beaux-arts à Lyon, “A la mort, à la vie! Représentation des Vanités d’hier et d’aujourd’hui”. Aucune connivence avec la nouvelle rubrique de nos “Cahiers”. Puisque le principe en est de présenter des œuvres contemporaines sur le même plan que celles antiques, on y contemple tout et rien – tel est l’esprit du sujet – c’est à dire, comme toujours avec la création contemporaine, tout et rien : des splendeurs et des idioties, mais créatives, donc… En conjuguant dans un continuum de scénographie, l’art classique des vanités avec des traductions contemporaines, le musée des beaux-arts prend un risque, et c’est à son mérite : celui qu’une part non négligeable du parcours nous ennuie. Mais l’ennui, même fugitif, n’est-il pas la première traduction de cette vanité ? Et je me plaisais à imaginer que, par l’effet d’une sorte de performance discrète, les quelques frissons d’ennui qu’on peut ressentir devant certaines créations vaines de l’exposition, en était partie et contribution vivante.

Les vanités nous semblent souvent exclusives du siècle baroque ; pourtant, derrière l’immobilité des figures, leurs codes et leur symbolique courent encore, et nous dictent une forme de modernité. Pour une cause très simple, cette mystérieuse continuité : la vie passe, heureuse du seul fait de passer, et la mort reste, impartiale. Sagesse et beauté. Ce différentiel de mouvement, par l’infime effet de distorsion qu’il imprime à la vie, en est le sel. Et pour tout dire, une visite aux Catacombes de Paris, cette semaine (motif professionnel en plus ) a achevé cet étonnement. Savoir que parmi les débris de six millions d’humains mêlés dans l’ossuaire, on a Molière, quelle que part dans la masse et l’entassement, laisse songeur…

Une trouvaille heureuse. Tombé par hasard, chez un bouquiniste des quais sur une petite merveille. L”Anthologie de la poésie française des origines jusqu’au XVIII ème siècle”, d’Anatole France (Ed. Alphonse Lemerre, 1917, s’il vous plaît…) ; un petit bijou entre les mains pour une poignée d’euros. Dans les choix de France, toujours un peu vite renvoyé à son académisme, on y retrouve ceux qu’on connaît bien ou un peu, de Marie de France à La Fontaine, en passant même par le grand Malherbe, et Voltaire -dont les versifications lisses ne sont pas la part la plus scintillante de son œuvre, alors là, le « top » de l’académisme – et ceux qu’on connaît moins ou pas du tout, ce qui est toujours le cadeau des anthologies. Le Houx ? Basselain ? Maucroix? Roucher ? Les poètes des XVIIe et XVIIIe siècles ne font pas l’âge d’or de la poésie française, mais l’écriture en est toujours de goût et de finesse, à défaut d’inspiration.

J’aime bien cela :

Le zéphyr qui des bois agitait la ramure
Tout à coup de son vol assoupit le murmure ;
Il se tait : avec lui les airs semblent dormir ;
Le feuillage du tremble a cessé de frémir.

(« La pluie au printemps » Jean-Antoine Roucher 1745-1794)

Et on entend déjà presque Lamartine dans cette mélancolie :

Au banquet de la vie, infortuné convive, 
J’apparus un jour et je meurs ;
Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j’arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs !

(« Adieux à la vie », Gilbert, 1751-1780)

On notera que ces deux-là n’ont pas vécu vieux…C’est ciselé, élégant, mais pas très allumé : l’essentiel de cette poésie reste connotée ancienne, et nous murmure moins à l’oreille que celle des deux derniers siècles. Mais on y trouve toujours ce que la poésie donne : de la grâce.

 De la “route” à “poésies Gallimard » : Kerouac. Curieuse lecture poétique ces derniers jours, à l’antithèse des principes du précédent paragraphe. Je ne connaissais pas Jack Kerouac poète. Concernant “Sur la route” j’avoue que je n’ai jamais réussi à aller jusqu’au bout; l’ouvrage, un des plus surestimés du siècle dernier, m’est tombé des mains. La collection “Poésies” de Gallimard fait honneur à cet illustre routard d’une édition, donc, pourquoi pas… Poésie nouvelle…C’est très secoué, les mots s’agitent et ça se fige dans un curieux kaléidoscope, souvent amusant. Des références orientales, bouddhiques, des images de l’Amérique profonde…Une invention verbale tout azimut stimule le texte dans tous les sens. On lit donc des tours énigmatiques assez réussis :

De la poussière parfaite dans le temps
Le Temps
Le temps est poussière
Le temps n’est pas poussière
Le temps est déjà arrivé immémorialement
La perle des dieux
Les agoniseurs d’Ouest
La balle dans la bulle 

      Néant

Des fulgurances assez lumineuses :

Si solide notre ignorance
Si vide notre substance
Et notre conscience n’arrête pas de saigner
Et la déchéance est lente – les enfants grandissent

 Mais aussi, (plus que) parfois, du grand n’importe quoi :

Tu veux du café
Avant que je sois trop bien 
Non hennissement
du Mulet céleste
Belle Tasse propre

Mert O Viklu

Nut- unpanu

   Oui Monsieur

        Mert

               OOO Gibson

 On aura une pensée émue pour le pauvre traducteur…Mais dans tous les cas de figure, c’est une écriture jaillissante qui a le mérite d’être rare : c’est à connaître, même si aucun Panthéon n’en sera ébranlé.

Et enfin, qu’est ce qui arrive encore sur les «Cahiers» dans les semaines qui viennent ? Quelques chroniques, à-propos d’un auteur japonais absolument déjanté, mais aussi, en sortant un peu de mes sentiers battus d’auteurs peu connus, pour vous livrer un plaisir de lecture récents : monumentale est Doris Lessing, et je vous parlerai du « Carnet d’or », LE roman féministe du siècle dernier, mais pas que (féministe).

Des contes courts, également. Je dois avouer avoir plutôt négligé les “nouvelles et contes” ces derniers mois. Assez peu à l’aise avec une certaine prose narrative, le format court me convient mieux. J’ajouterai cependant quelques contributions sur cette rubrique, que j’ai dénommée, sans trop pouvoir gloser à cet effet, “légendes urbaines” puisqu’il s’agit de sujets (pour peu qu’un conte ait un “sujet”) très contemporains. Un récent atelier d’écriture m’a permis de produire ces quelques inventions décalées. Je vous livrerai ça.

J’ai aussi encore des « caractères » en arrivance, et on dépassera donc le centième d’ailleurs ; mais de cette quantité, O lecteur, tu n’en as cure… J’ai eu l’occasion de pêcher encore récemment, quelques travers dans les usages de mes contemporains, et cela a titillé le clavier…Il faut dire que les séquences électorales françaises y sont propices. Et la vanité des carrières et des ambitions fleurit toujours la quotidien; ça stimule l’attention du guetteur…

Allez, ne faiblissons pas, et croyons fervemment qu’écrire un peu et lire beaucoup rendent meilleurs. Cadeau d’Alceste: cette citation pour finir notre bulletin, qui boucle notre thème “vanité”:

« Aucune blessure n’est unique. Rien d’humain n’est unique. Tout devient affreusement commun dans le temps. Voilà l’impasse ; Mais c’est dans cette impasse que la littérature a une chance de naître »

Mohammed Mbougar Sarr, in « La plus secrète mémoire des hommes »

En attendant, Les Cahiers d’Alceste, c’est par ici et ci-dessous…

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Et n’oubliez pas vos bienveillants commentaires…

hervehulin@orange.fr

 

 

A bientôt…

 

Lettre N°9. année nouvelle, pertinence des titres, poésie britannique, nature morte et démocratie…

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Et voici, encore une qui arrive, ou qui s’en va, selon l’humeur qu’on en aura. L’idée même du Nouvel an porte une charge poétique : cette manière si sensible de vivre le changement d’année – qui en soi, d’un point de vue physique ou intellectuel n’est rien- trace une constante dans les relations que notre humanité élémentaire entretient avec le cours irréversible de la vie. Au Japon, le nouvel an conserve toute la force émotionnelle de la mort du passé et du commencement d’une vie à venir. Il est à lui seul une des cinq saisons poétiques, la plus fugitive.

Rutilance de l’aube.                                         Il se lève le printemps
La superbe des eaux.                                     Du vieil hiver au nouvel an
Brumes de l’an nouveau.                              Cinq mesures de riz.

                   (Onitsura)                                                            (Bashô)

Souhaitons-nous en 2023 rien qu’un léger, très léger, ralentissement de ce temps qui nous est imparti.

Du titre sur les textes courts. Il est parfois plus facile d’écrire un texte bref (genre… au hasard, ” caractères”) que d’en fixer un titre. Pourquoi titrer chacun des « Caractères ?” Il faut bien admettre que ça n’apporte pas grand-chose à la portée des mots, si ce n’est une sorte de mercatique facile. Cela fait moderne, plus en tout cas qu’un emprunt de chiffre romain. Un titre a vocation à appeler un je ne sais quoi chez le lecteur, dont l’esprit un peu errant va palpiter trois secondes avant de décider si on lit ou pas. Pour parler contemporain, assurer une connexion. L’inspiration de mes titres, à la relecture, ne semble pas toujours pertinente. Donc, je mettrai dorénavant moins de titre, et plus de chiffres romains. Mieux vaut un bon chiffre qu’un terne titre…

Poésie. “L’île rebelle”. Une curiosité amusante chez “Poésie Gallimard” que cette anthologie de poésie britannique contemporaine (“au tournant du XXIè siècle” nous dit la couverture). Notez bien le “britannique “et non “anglaise“. Et surtitre édifiant : “L’île rebelle”…Même si ce peuple a pour travers, au cours des siècles, semble-t-il de notre côté de la manche, d’avoir eu comme ressort de son existence de nuire au nôtre depuis quinze siècles, on peut lui reconnaître des qualités- notamment le fait d’avoir dix fois plus d’ornithologues licenciés que de chasseurs, mais ceci nous éloigne du sujet- et aussi quelques-unes dédiées à la poésie.

Au cœur du froid
S’enfonce la ligne que tu traces
A la surface de l’étang
La nuit est son propre climat
Le silence gante
Glace et roseaux

Patineuse (Fiona Simpson).

Il y a dans la langue anglaise une plasticité qui, facilitant l’invention et l’association des termes, font du trope un jeu d’enfant. C’est une belle langue (l’anthologie en question est bilingue), si elle est bien prononcée, aisée pour la poésie. Autant que l’italien, moins que le français ou le latin. Mais elle a cette particularité, quand bien même on la comprend très peu – c’est mon cas- que sa fluidité induit une partie du sens. Elle se prête au vers libre, qui domine dans cette anthologie. De là à dire qu’elle est par essence rebelle : non. Mais c’est peut-être ce que donne le mieux l’esprit de ces poèmes, pour la plupart de facture assez longue : un conformisme enraciné, mais toujours en agacement contre lui-même. On s’y promène comme dans la campagne anglaise, au gré du discours des cinquante auteurs des vingt premières années de ce siècle. C’est parfois un peu froid, comme nonchalant, mais avec une odeur d’herbe mouillé, rarement expansif, souvent didactique et très descriptif. Britannique. Belle alchimie de poésie blanche. Sacrée Ilion…

Il s’avère que ce que l’on pensait être l’âme
Est principalement un son
Non pas chanson mais souvenir d’oiseaux
Ou eau courante

La Brière
(John Burnside)

Poésie encore : cet opuscule raffiné de Sasha Thomas, “Eaux et Carêmes” aux éditions du Cygne. Trouvailles verbales tout en couleurs pastel, aux tours parfois cruels, serrés dans une écriture aux fulgurances inspirées. A lire : ça vous prendra moins d’une heure, mais vous imprégnera bien longtemps.

Chut !
Écoute l’écho de ton pas danser sur l’onde
Cime éperdue où
 Je m’affaissais
Tandis que révolue déjà
Tu la chantais encore
Serre-moi enfant de la promesse !
Au creux de ta main, au clair de ton sein,
Je verrai-bien-

                                      (Corde patrem)

 

Belle invention ! et autrement, ça aussi, c’est pas mal :

Danse mon amour ! Les étoiles ont coulé, les mains tachées de leur or, je vends ton sel et je négocie ta courbe
Un million le rouge baiser, cent millions l’accroche cœur de (Notre éternité)

(Ordupgaard)

Opinions de lecture. En collaboration avec un ami de très longue date, je vous gratifie dans quelques temps (jours, semaines ? ça prendra le temps qu’il faudra) d’une compilation des livres que je n’oublierais jamais. Soit une Nième liste des “cent (ou deux cents) livres à lire avant de vieillir, de mourir, d’entrer dans les ordres,” ce que vous voulez…C’est assez commun, je le concède, mais toujours stimulant. D’abord, ce genre d’exercice permet de se reconnaître soi-même dans une forêt de lectures à travers les années ; à condition d’avoir atteint une bonne ancienneté de lecteur, évidemment ; on n’imagine pas un freluquet de trente ans édicter aux autres : “voilà les 100 livres à lire avant de mourir, et prenez-en de la graine, bandes de sagouins” etc.). Ensuite, c’est l’occasion de partager cet acquis, et ce que ces lectures ont laissé de sable fin dans le flot qui passe. Je vous produirai donc une liste – longue- des livres qui m’ont imprimé quelque chose et laissé l’envie d’en infuser le souvenir.  Et enfin, cette pratique active toujours chez l’autre le besoin de se positionner, et revoir ou perfectionner sa propre pratique de la lecture (“tiens, moi je n’aurais pas mis ça, mais plutôt ceci. Et pourquoi d’ailleurs etc”)

A l’heure des réseaux si peu sociaux, et des phrases de huit mots maxi qui font la norme, posons-nous un peu, comme dans un jardinet discret, sur le plaisir d’être encore lecteur.

Des choses et toutes sortes d’elles-mêmes. N’oubliez pas d’aller au Louvre vous ravir de la très belle exposition sur “Les choses. une histoire de la nature morte“. La vie intime des objets dans l’aura esthétique que nous leur confions y est bien plus visible que leur nature, qui n’est souvent pas morte du tout. Un trait de lumière, une couleur de rappel, une ligne semi-visible qu’on avait d’abord ignorée, et voilà tout le trésor qui fait de la contemplation des choses un moment d’émotion. C’est jusqu’au 23 janvier, ne traînez donc pas.

Déclin de la démocratie. Pour finir, sur une note assombrie, cette chronique récente (« Le Monde », 21 décembre) de Gille Paris.  « Le nombre de démocraties libérales, estimé à seulement 34, n’a jamais été aussi bas depuis 1995 ».

Il est vrai que dans une part importante de l’opinion, la démocratie devient suspecte : trop conformiste, trop bien-pensante, trop lisse. Trop habituelle, peut-être (?). Ennuyeuse, carrément ? Dites dans un dîner en ville que vous êtes avant tout démocrate, vous passerez pour archaïque. Faites le test, vous verrez. Combien de temps, encore, avant la dictature ?  car ne nous leurrons pas : entre démocratie et dictature, il n’y a rien. Faites attention, jeunes gens…

Mais sourions au temps qui vient. Engageons donc cette nouvelle année le cœur aussi haut que possible, et concluons donc cette neuvième lettre avec un trait d’intelligence claire :

“Je ne prendrai pas de calendrier cette année, car j’ai été très mécontent de celui de l’année dernière”

( Alphonse Allais.)

Imparable, cher Alphonse.

Bonne année à tous les lecteurs d'”Alceste“, présents ou encore à venir. Ne désespérons pas du genre humain (je sais, ça devient dur) et vive la littérature (amateure)

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” Les cahiers d’Alceste”. Lettre d’information N°8. 

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“Le tout est de tout dire, et je manque de mots
Et je manque de temps, et je manque d’audace
Je rêve et je dévide au hasard mes images
J’ai mal vécu, et mal appris à parler clair.»

Paul Éluard, « Pouvoir tout dire » (1951).

Tout dire, c’est donc cela, la tentation du poème? Paul Éluard publie « Pouvoir tout dire » en 1951 ; c’est un de ses derniers recueil (mais il ne le sait pas, évidemment) car il meurt l’année suivante ; sa thématique est préoccupée par l’incapacité du poète à dire ce qui doit l’être : tout ce qui est à dire, tout ce qui est à écrire, tout ce qui est à transmettre, sera toujours dépassé par l’immensité du monde qui submerge la limitation du langage.

Méditons cela, nous autres, amateurs.

 

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Du renoncement : carrières et caractères. On observe partout le goût dévorant de l’ambition. Qu’est-ce qui pousse certains de nos semblables, comme soudain poussé par une énergie prodigieuse, dans cette obsession de ne jamais se contenter de leur position sociale ?

Qu’est-ce qui les pousse à renoncer à la douceur de vivre, pour aller en avant, ou au-dessus, ou plus loin, au détriment de l’autre ? L’autre, l’humble, celui qui ne sait ou ne veut saisir ce qui passe ? Ou reste indifférent à toute exposition, au soleil artificiel de l’ascension ?  On objectera qu’il faut que des gens avancent pour qu’une société ne recule pas. Constat peu contestable. Mais tous ceux qui se seront élevés l’auront fait en acquittant un prix : celui de renoncer aux choses simples et au temps de ne rien faire. Comme la montgolfière qui lâche son lest pour monter par-dessus les toits et les collines, ils auront lâché une part d’intimité, de conviction, de liberté ; renoncé à une part de modestie, aux amitiés anciennes, à des moments de sagesse.

Loin de libérer, cette élévation attise encore la frustration de ne pas être plus haut. Ainsi le naufragé qui se retrouve ravagé de sel pour avoir cru se désaltérer à l’eau de mer. Celui qui obtient enfin la fonction tant désirée ne sera jamais repu de ses honneurs ; sitôt perché, il est saisi du vertige de devoir rester là, et tourmenté de la peur de ne plus avancer. Et celui qui n’a pas obtenu cette même fonction pour l’avoir autant désiré, est tourmenté à son tour par sa déception, puis, malheureux, deviendra malveillant envers ceux qui continue de s’élever sans lui.

La carrière est une maladie étrange, mais qui a le mérite de bien nourrir mes « caractères ». Vivre, en fonction des autres, exige toujours une forme de renoncement. Renoncer à s’élever, pour mieux absorber le temps qui passe et s’accélère.

Vous seront livrées bientôt et encore, dans les prochaines semaines, des moralités au revers des ambitions.

Du chiffre 7 à travers Gustav Mahler. C’est un drôle de chiffre, le 7, qui suscite toutes les fantaisies et attise l’envie de mystère. Certains y voient une magie intérieure, d’autres une malédiction. Le 7 représente la maîtrise de l’esprit sur la matière et du spirituel sur le matériel. Il influence la réflexion, l’analyse et la vie intérieure.

Dans la salle de la Philharmonie (quelle salle !) il y a quelques semaines,  chantait la septième symphonie de Mahler, éclairée par la Philharmonie Tchèque, au son cristallin, qui a créé l’œuvre, sous la direction de Mahler lui-même en 1908. Cette septième n’eut alors aucun succès – malédiction du chiffre ? Elle reste encore, des dix, la moins jouée en concert, trop ardue pour les instruments, une cohésion difficile à trouver, et, pour l’éloigner encore du public, l’absence d’un adagio langoureux qui fait la marque de l’univers mahlérien pour les profanes. Mais avec pourtant plus de 100 références discographiques. Dans cet univers sonore sombre, c’est la seule des dix qui comprend un mouvement, le dernier, authentiquement joyeux de bout en bout.

Le « 7 » est aussi supposé porter bonheur car c’est un chiffre sacré dans de nombreuses religions. Dans la Bible, Dieu a créé le monde en sept jours. Les pèlerins musulmans tournent sept fois autour de la Kaaba, le grand cube noir de La Mecque. Et selon les hindous, le corps a sept sources d’énergie appelées les chakras. Les sept branches de la ménorah (le chandelier sacré) et les sept jours de la Genèse; le sacré, la lumière, l’illumination, la mystique. Il aura sans doute un peu porté bonheur à Mahler, sitôt qu’il fut frappé par ses « trois coups du destin » qui ont fait basculé sa vie. La gloire, certes, après sa mort.

C’est promis, quand les « Cahiers » auront 7 ans, on fera quelque chose de spécial. Mais pour l’instant, ils en ont deux. Les plus attentifs auront remarqué un changement d’apparence pour marquer ce nouvel âge.

 

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D’Homère à nos jours, à travers Artwood. Dans la rubrique des “lectures” vous seront données prochainement des impressions d’un roman de Margaret Atwood autour de la mémoire de Pénélope. Dont j’avais déjà évoqué le rayonnant recueil « Circé » il y a quelques mois. Les mythes homériques ne finissent pas de nous étreindre derrière notre modernité de façade. Qu’y retrouvons-nous donc de si addictif qu’on y revient toujours ? Atwood, mais aussi, lue récemment, Louise Gluck (“Meadowland”) et Valerio Manfredi (“Odysseus”). Ou encore Madeleine Miller (“Circé”). Ou encore David Malouf (“Une rançon”). Ou encore le délirant “Ilium” de Dan Simmons. Je vous renvoie au magnifique « été avec Homère » de Sylvain Tesson. Que ceux qui ne l’ont pas encore lu cessent de perdre du temps et s’y attachent dès maintenant ; ils n’en auront pas regret. Et encore et encore. La raison en est si transparente. Tout nous vient de l’antiquité méditerranéenne, que nous écrivons et réécrivons encore, de ces drôles d’inventions d’où ramifient tant d’histoires des dieux et des hommes, et si peu du christianisme. La plus quotidienne de nos postures s’en nourrit. Une récente – et érudite- visite sur les sites de Pompei et Herculanum m’ont traduit d’u trait cette vérité. Comme le disait si joliment Apollinaire, “près du passé luisant demain est incolore”… Comme si Homère, dont on connaît si peu la personne, avait déjà, à lui seul, le premier, tout reconnu de la littérature. J’étais à Pompéi récemment: tout y est moderne.

Les poèmes. À la suite de mes réflexions précédentes (Cf. lettre n °6), il convient sans doute que je m’essaie à un format plus court, un verbe plus aérien. Je m’aperçois d’ailleurs qu’il m’arrive d’annoncer sur les « lettres » des publications que j’oublie ou néglige de produire. Donc, je vous envoie – c’est une promesse de poète amateur- la suite N°3 des poèmes courts, en forme de tankas ; ça vous changera des « Nuées » et autres statures monumentales. Et sans doute un peu de symbolisme, car la poésie courte s’y prête assez bien.

A propos de poème et de verbe plus aérien, qui connaît Ingeborg Christensen ?  C’est un peu froid (c’est Danois…) mais cristallin et plein de petits éclats. Fin et inspiré sur chaque ligne. J’ai découvert par hasard, sur un étalage de la librairie Gallimard, et l’automne s’en est trouvé plus charmeur.

on peut dans le mot
reconnaître la lumière
Acte incroyable”

(Lumière, I)

Trois vers minuscules, et tout est enfin compris de la poésie, cet”acte incroyable”. On se souviendra aussi de cela:

voir la plus petite parcelle de l’amour
du bonheur, comme par un processus absurde
se confondre avec l’image de l’homme
comme l’herbe, tout comme l’herbe des tombeaux”

(La vallée des papillons, VIII)

Comme si Christensen, elle, avait renoncé à tout dire, pour se contenter de murmurer.

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Un monde prochain sans visage ? Les deux tiers de la faune sauvage ont disparu depuis cinquante ans. Voilà le constat d’une récente étude du WWF. La cause : l’expansion agressive et chaotique de l’espèce humaine. Le sort est joué : ce sera un monde vide et silencieux derrière ses lignes, sans l’envol d’une aigrette, les yeux verts de la panthère, le pas lent des éléphants, le tourbillon de vanneaux sur les champs, la pose lente du cerf en alerte, et le baiser furtif de l’abeille sauvage, et toute ces sortes de prodiges. Préparons nos enfants à vivre ça, et redoutons leur reproche féroce à venir, quand ils auront compris ce que ça signifie de pauvreté.

Il y avait une interrogation, comme un jeu, sur la dernière lettre: de qui la vanité de X.Rugiens en exergue était-elle une imitation? Personne n’a eu envie de répondre. Solution: Lubin Baugin. Un peintre français du XVIIè siècle, son art est tout en épure L’original a un joli titre: “Le dessert de gaufrette”. Le voici. Un peu de paix dans ce monde de brutes…

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Allons donc, ne désespérons pas complètement du genre humain, même si cet automne nous aura rendu cette effort plus difficile encore…Et retournons à la littérature.

En attendant, Les Cahiers d’Alceste, c’est plein de belles choses à lire, c’est par ici, nulle part ailleurs et ci-dessous…

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Et n’oubliez pas vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

Allons, donc, amis amateurs de lettres, clôturons sur un envoi plus heureux.

D’Éluard encore :

« Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d’autre. »

 

Lettre d’information N°4 – Mars 2022.

 

Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons. Dieu merci, le printemps vient parfois remettre du désordre dans tout ça, nous découvrons que nous n’avons jamais rien eu à nous, et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse”.

Christian Bobin, “L’équilibriste -(Le temps qu’il fait)”.

Du blog et de son effet miroir.

Ecrire en mode numérique, c’est comme envoyer une sonde dans l’infini glacé du cosmos, sans avoir l’assurance d’une rencontre. Tout blog procède de la préoccupation d’un reflet – l’auteur- dans son miroir, car on y écrit, avouons-le, d’abord pour soi-même. Pour soi-même, mais un soi-même un peu faux, en espérant que l’autre s’y reconnaisse en quelque détail de lui-même. Une connexion positive peut ainsi se nouer, et voici le genre humain sauvé une fois de plus…

C’est un peu tâtonnant que j’entame cette quatrième lettre d’Alceste. J’avais soigné les précédentes, sans excéder l’appel promotionnel sur mes nouvelles écritures. Mais je dois constater 1. la vanité possible de mon invention. 2. la paresse probable de mes destinataires. Moins de la moitié aura ouvert le dernier lien (Lettre N°3), malgré la circonstance du nouvel an, et la jolie aigrette, saisie sur une rivière du Sri Lanka. Et surtout, aucun retour sur le lien à leur disposition. Oui, WordPress dispose d’une sorte de mouchard qui révèle ceci et cela. J’y ai constaté des pics de consultations étonnants (jusqu’à 246 visites sur le site le 24 janvier, par exemple, allez savoir pourquoi); et le mineur “Conotron”, avec ses grosses blagues, est bien plus fréquenté que les “Poèmes”. Bon. Qu’en dis-tu, O lecteur flottant et anonyme?

Ah, paresse des esprits, saturés de mots et de nouvelles…Je rêve parfois d’un dialogue, qui dépasserait la loi des cent quarante quatre caractères.

Comment imaginez-vous l’avenir de l’Afrique? Voilà une belle question. Vous trouverez en ligne une critique d’un récent roman uchronique, ou dyachronique, quelque chose comme ça, qui vous invente l’Afrique du futur en près de six-cents pages. Ce n’est pas de trop pour projeter ce continent tout entier dans une sphère optimiste de réussite et de prospérité – d’autant plus que le reste du monde y apparaît plus bas que terre. Lecture captivante, qui vaut bien les heures d’attention imparties à ce volume. Le résultat n’est peut-être pas à hauteur du pari tenté, mais une telle invention a le mérite de fixer un nouvel angle du regard sur l’Afrique. Et si le continent de l’avenir, c’était ça?  (Leonora Miano, L’impératrice rouge).

Comme une sorte de symétrie à cet étonnant roman, belle découverte cet été d’un grand poète, nigérian. Christopher Okigbo. Mort pendant la guerre du Biafra – il crut à l’indépendance- il a son univers propre, ancré dans le XXe siècle: on appréciera le sens des images abstraites.

Jusque dans l’âme 
Les moi étendaient leurs branches
Jusqu’aux moments de chaque heure vécue
cherchant une audience à tâtons

                             (Limites de la sirène, II)

Ecriture d’une étonnante modernité, lyrique et ciselé, déroulant un art nuancé du contraste verbal; et dans une belle traduction. Labyrinthe, et c’est chez Gallimard. Admirez.

Et voici le point critique
  moments crépusculaires entre
  somme et réveil
Et la voix qui renaît transpire
  non par les pores de la chair
  mais par l’échine de l’âme

                                (Limites de la sirène, III)

“J’éteins la lumière, où va-t-elle” (Koan zen)

Fragilité de la lumière. Qui s’est déjà demandé ce qu’il y a après la lumière? Les saisons dans leur mouvement nous en suggèrent quelques vues. Le photographe argentique, en son temps, le savait peut-être…Et des soupçons de réponse dans quelques jours, quand ce sera mis en ligne. Mais ce sera un poème –  vous savez, ce genre de curieux textes qui s’exprime d’une si curieuse façon – enfin fini, et lisible.

Ce siècle qui n’en finit pas de commencer, déjà vieux avec un âge de jeune homme, est celui des vanités. Rien ne dure ni ne se pose, voilà qui fait la beauté de ces passages dont l’instant nous éclaire. Ce fut ici promis, comme un bourgeon, Alceste vous en parle dans une nouvelle rubrique qui sera en ligne aux prémices du printemps.

Des caractères…(Et l’avenir de l’Europe, me direz-vous?) En attendant, la spirale sombre qui entoure le monde et la déraison des hommes semblent s’accélérer. Il y a toujours quelque part, comme on la déteste et la repousse, cette inclinaison pour la guerre et sa triste pénombre qui revient, en nous, ou au loin. Deux ou trois nouveaux caractères en retraceront la pulsion (Les somnambules; le dieu de la guerre…). Et puis, probablement, si l’humeur de ces jours me permet de l’achever, un poème qui évoque la lointaine Ukraine, vive et meurtrie en même temps; ça ne sauvera pas le monde, mais quand même.

Voilà, bientôt “Le printemps clair, l’avril léger” dont rêve Apollinaire, le printemps et ses émulsions colorées qui frissonnent déjà dans l’air parisien. Alors, gardons confiance autant que possible dans le genre humain, malgré la laideur qu’il nous montre à nouveau à l’Est ces jours-ci.

La littérature amateure est un viatique; au pire, un efficace placebo…

Les Cahiers d’Alceste, c’est par ici et ci-dessous…

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Et n’oublions pas vos bienveillants commentaires…

 

“Les cahiers d’Alceste”: lettre  d’information  n°2.

 

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Au sommaire de fin d’année des “Cahiers” : mais que va encore nous sortir Alceste?  Disons que le paysage de la société française ces dernières semaines ne va pas inciter à se réconcilier avec le genre humain. Mais ce qui compte, à la fin, c’est de lire des histoires avec goût, fruit et saveur, et de belles figures verbales : n’est-ce pas un peu cela, la littérature (amateure, toujours)? Donc, dans les semaines qui viennent, de nouveaux textes…

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 De nouveaux “caractères” évidemment. La contemplation critique et compulsive des mœurs de notre société française continue. Dépression, Ostentation…C’est étonnant comme bien des gens nourrissent une tendance à se plaindre, à se réduire, pour qu’on les remarque et les rassure; mais à force de tenter qui vous savez… (“l’entonnoir”). L’autre obsession dominante, est celle de se montrer, tel qu’on est, ou tel qu’on se voit, tel qu’on veut être vu. Quelques images et reflets donc sur ce sujet (“l”exocet”, “sentiers de la gloire”,et vous serez initiés à la “méthode de l’affluence”). Et aussi, un peu de compassion pour la finance et ses agentstout à leurs transactions, ces gens-là ne voient rien venir. Quelques animaux, portraits d’inspiration modeste, entre les deux géants Jean, La Bruyère et La Fontaine. Cela en fait, des nouveautés dans les semaines qui viennent !

De nouveaux poèmes, c’est irrépressible. Qu’est-ce qu’on voit, qu’est-ce qu’on imagine, au gré imperceptible des saisons qui passent, qu’est-ce qu’on ressent, Après la lumière ? Comment se retrouve le monde, Après la lumière ? À découvrir aussi : ce drôle de phénomène qu’est le Noème. Mais c’est quoi, ça ? Peu importe, vous verrez bien, et partirez à la Quête du noème : pas garanti que vous le trouviez, mais exercice vraiment gratifiant, c’est promis…D’autres poésies sans doute, dont trois sonnets de Xavier Rugiens; mais à l’heure ou s’envole cette lettre N° 2, bien des choses et des mots bouillonnent encore sans avoir rencontré la juste fréquence. Car la poésie, c’est une affaire d’altitude, non? Alors on lèvera les yeux vers le ciel, et avec ces mêmes yeux, on écoutera la parole des Nuées…

Le Conotron ? Toujours en flux tendu, quelle inspiration ainsi permise, merci le genre humain ! Vous pourrez bientôt lire : les délires et obsessions du wokisme sur l’œuvre de Beethoven (et oui, le plus grand des grands, le pur zénith…), ça vaut le détour. Et toujours la vie des français, pour vous distraire : rien que du vrai, du vu, du vécu.

Bien sûr, de nouvelles opinions de lecture. On a pas mal lu, ces temps-ci. Notamment, un roman très agréable d’un auteur que vous ne connaissez pas (si si, on parie ?) sur la justice élémentaire d’un homme juste. Ce n’est pas un professionnel, et on a apprécié. Et les Feux, très beau roman, (un peu secouant à vrai dire) pour ceux qui, de bon sens primaire comme moi, jugent que la guerre ne laisse toujours que salissure. Rendez-vous aussi aux pionniers de l’âge rock psychédélique, avec un roman d’un auteur italien en errance spéléologique dans la mémoire de Pink Floyd. Et d’ici là, on aura sans doute encore lu des choses, et aura en conséquence sans doute encore des choses à vous en dire.

Les contes ? Suite et fin du « Barde », évidemment ; terminera-t-il son grand œuvre, notre barde ? D’une certaine façon, il finira en effet.

Enfin, et peut être, mais sans assurance, il est possible qu’une nouvelle rubrique s’ajoute à celles déjà plus si jeunes, de nos “Cahiers”. Car cela fait déjà une année que toutes ces petites chroniques palpitent ainsi. Bon anniversaire, Alceste.

Voilà, c’est parti, et bientôt 2022 ! Bien à vous, et gardez confiance dans le genre humain. La littérature amateure est son viatique.

Les Cahiers d’Alceste

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Et n’oubliez pas : vos commentaires (bienveillants) et vos retours (encourageants) c’est ICI : hervehulin@orange.fr

 

 

La lettre d’information des “Cahiers d’Alceste”, le blog littéraire d’Hervé Hulin. (N°1 BIS – Octobre).
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Au sommaire de la “lettre d’Alceste” N° 1.

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« Tous ces défauts humains nous donnent dans la vie – Des moyens d’exercer notre philosophie »

Molière – Le misanthrope, V, 1

Les cahiers d’Alceste” proposent au lecteur qui voudra bien s’y pencher, plusieurs rubriques : les “Caractères” imitation modérée de La Bruyère en voyage dans notre siècle confus, des poèmes et de la poésie, des chroniques de lecture, une chronique (légère) de la connerie humaine, et des contes. Mais ne vous arrêtez pas sur la page d’accueil: allez fouiller dans les rubriques. C’est là que se trouve la matière. Et les paysages.

On ne mettra dans cette lecture, ami lecteur, que le sérieux qu’on voudra bien y mettre.

Les Caractères… sont de retour.

Les “Caractères” nous parlent très simplement des gens, et des travers de ces gens dans les travers de notre temps. Vous reconnaîtrez Demophile et Dorinte (vous les avez assurément déjà croisés…); et puis Gnathon, immanquable qui vous fait rire et vous agace en même temps. Apprenez – ou confirmez-vous – qui sont les Sycophantes… Et aussi Arsinia, terrible et pathétique, Ménippe, Démophile, Hermas et sa (violente) passion des oiseaux, Zélie  face à son équation…Compatirez-vous au sort de Memnon ? C’est selon, mais la réponse indique pour qui vous votez… Et qu’appelle-t-on les “inimitiés subliminales” ? Il y a lieu aussi de livrer quelques moralités. Il faut le dire, les moeurs de notre temps sèment bien de la consternation. Mais pas que…

Tout cela et bien d’autres gens et considérations, dans les “Caractères”...

Bientôt : Dies irae, ou comment s’emmerder à la Messe. “L’ile noire” ou chronique ordinaire de la solitude aigrie ; et un peu de zoologie pour comprendre nos frères humains.

Originalité d’Alceste : Le Conotron.

C’est une chronique de la connerie ordinaire. Ce qu’il y a de bien avec la connerie , c’est  qu’elle est toujours celle des autres. Profitons-en. Et en plus, exclusivité sur les “Cahiers”, un indice conoscopique, instrument de mesure complètement objectif et scientifique, pour mesurer cette subjective substance sur une échelle de 1 à 10.

Bientôt : pas de bientôt particulier: car la matière première est ici à flot continu… Et elle sait nous surprendre toujours.

Et un “coming out poétique” scintillant, un !…

Qu’est-ce qu”un coming out poétique” ? Certains d’entre vous ont bien quelque poésie écrite dormante, cachée dans un tiroir ? Mais à un moment, il faut bien aller voir si le lecteur existe, non ? Eh bien vous découvrirez les penchants – esthétiques- des auteurs. A ne pas manquer malgré tout, si la poésie n’est pas (encore) votre affaire: les “six sonnets” de Xavier Rugiens;  un “nocturne” qui vous captivera. Et cadeau des auteurs: deux traductions (pirates, et pour le non-prix d’une…) de “La colline que nous gravissons,” d’Amanda Gorman.

Bientôt : un complexe édifice: “le Voyage en Orient”. Et la suite N°2 des “poèmes courts“.

Et des nouvelles du conte… Ou conte des nouvelles, c’est selon.

Qu’est ce qui obsède donc le Barde ? La composition de son grand-oeuvre en solitaire ? Ou la mystérieuse inconnue qui chante la nuit ?

Bientôt : la suite du “Barde” (2è partie)

Et des chroniques de livres à lire (ou pas, contentez-vous d’avaler les chroniques, et vous parlerez du roman même dans vos dîners en ville !).  On vous donne ici des impressions sur des romans, et quelques récits de voyage. Des livres peut-être (c’est un point de vue) insuffisamment connus. Mais pas tous. Si ce n’est déjà fait (on l’espère) vous partagerez le sentiment de consternation vécu à la lecture du plus mauvais écrivain de notre temps. Et vous aurez envie (Si…si…) de lire des japonais. Les africains sont étonnants aussi. Qui connaît Nnedi Okorafor ?  Et si vous ne devez lire qu’un seul récit de voyage en toute une vie: “le Voyage en Orient” de Lamartine. Un émerveillement.

Bientôt : les voyages d’Audubon dans l’Amérique sauvage à l’aube du XIX è siècle, et un roman (étonnant) sur les états d’âme des éléphants.

 

D’avance, merci de votre lecture indulgente, bienveillante, et peu ou prou attentionnée.

Ne désespérons pas trop de notre temps! Et si vous avez des congratulations à émettre, ou des améliorations à suggérer:

hervehulin@orange.fr

 

 

 

 

“Les années nous viennent sans bruit.” Ovide. Les Fastes. VI, 771).

Déjà 2022…Et voici encore une année qui s’envole…Mais où vont-elles toutes comme cela?  D’où viennent-elles?

Des souhaits et des vœux. Bien sûr, c’est le nouvel an ! Que souhaiter en cette année balbutiante, qui semble déjà lassée avant que d’avoir commencé ? Après tout, une bonne année, certes, mais pour quoi faire ? Se stresser en comptant les variants qu’égrène malignement notre virus familier ? Non. Contempler les phases savantes que la Terre démontre dans sa riposte climatique désormais quotidienne contre notreespèce ? Non plus. Se rappeler en marchant dans la rue, qu’un français croisé sur trois est désormais d’extrême droite ? Non, encore non. Allons donc… Il y a mieux à vivre que nos peurs.

Souhaitons-nous des choses durables. Souhaitons-nous de belles patiences, de longs silences. D’attendre un peu moins du genre humain dans sa masse (il nous décevra encore, mais nous amusera toujours, vous verrez…) ; et un peu plus de soi-même, de ceux qu’on aime et qui restent tout près. Ce qui sera déjà pas mal.  Savourer la brièveté des belles choses, et l’éternité de leur souvenir,  et contempler les effets de lumière sur nos paysages extérieurs et intérieurs. Allons, profiter des belles choses que nous offre le monde. Le ciel sait qu’il y en a, suffit de les chercher.

Souhaitons-nous des miracles. Souhaitons plus encore.

Alors, de jolies choses pour commencer l’année avec une sensation de bonheur.  Je vous suggèrerai- à propos de lumières – quelques lectures, qui ne figureront pas dans les chroniques de nos « Cahiers ».

Tout d’abord, le magnifique « Vous avez connu Rimbaud ? » de Jean Rouaud, illustré par Rachid Maraï ; on est proche du roman graphique, mais avec Rimbaud, tout est déjà roman, tout est déjà graphique. (Ed. Dunod/Graphic). Vous serez transporté avec magie dans cette étrange lueur que laisse partout le sillage de notre plus grand et mystérieux poète : la famille, les proches, ceux qui affirment en être, ceux dans l’ombre du géant, et qui l’ont vu passer en toute hâte. Vous aurez la sensation d’être un invité de cette communauté lointaine, attablé ou en chemin avec eux, et vous refermerez le livre comme un familier.

Une très belle édition bilingue de Dante dans la Pléiade, la « Comédie » ; je ne parle pas le florentin du XIII è siècle, comme tout le monde d’ailleurs, et pourtant, et pourtant, ça vaut la peine. Quelle langue, quel vertige ! Entamé la(re)lecture du « Purgatoire ». Spectacle désolant des châtiments divins, peu de différence dans le sadisme, avec « l’Enfer » rendu plus célèbre par les romantiques. Comme cette religion est cruelle !  Quel effort exigé dans la lecture, quelle attention aussi! On ne va pas se le cacher, la lecture de Dante n’est pas une bluette. C’est le poète absolu de la densité (pour chaque Chant, l’édition vous produit dix pages de notes en fin de volume, profitons-en pour devenir moins ignares). Très riche commentaire de Borgès traduit dans ce volume, en prime.

On pourra aussi profiter en ce début d’année d’un peu de poésie. Très élégant, très pertinent « Petit éloge de la poésie » de Jean-Pierre Siméon (Ed. Folio Gallimard); c’est léger et aérien, c’est malin. Et sur un mode plus grave, « Je ne peux y croire », fascinant volume d’anthologie de haïkus «atomiques» : laissons-nous éblouir de l’incroyable résilience de l’esprit japonais face au triple drame nucléaire d’Hiroshima, Nagasaki, et Fukushima, et son cortège d’horreur – résilience et ré-émergence de l’humain, par la poésie (Anthologie établie par Dominique Chapot, Ed. Bruno Doucey). Tenez, prenez ça :

Libellules au ciel
Les enfants dans ma tête
Qui ne vieilliront jamais

(Matsuo Asuyuki)

 

Ou encore :

Cosmos en fleurs
Débris de tsunami…
Rien ne change

(Manabe Ikuko)

 

Éblouissement encore. Allez-vous promener du côté de l’Hôtel de la Marine (Place de la Concorde), et, émergente comme d’un temps retrouvé, la collection Al Tani vous ravira des merveilles des civilisations, de tous les continents, et nous rappeler ces beautés que parfois, savent nous donner les hommes.

 

Mais nos « Cahiers d’Alceste » que vont-ils donner encore en 2022 ? Je ne suis pas sûr d’en avoir aujourd’hui LA réponse.

Les « Caractères » vont s’enrichir, et l’effondrement des formes élémentaires de lucidité autour de nous pousse à scruter encore et encore nos contemporains dans leurs travers.  C’est sans fin, cette affaire…On vous parlera de haricots, de tristes parleurs et de somnambules. D’autres facettes, aussi.

Toujours le Conotron, et bien des poèmes en approche…

Dans cette obsession de capter l’air du temps et d’en conserver un souvenir, une simple vibration, un nouveau chapitre sera ouvert. Des évanescences…

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Bien à vous, mettez le bon pied en avant pour entamer 2022 (déjà !) et gardez confiance dans le genre humain. La littérature amateure est son viatique.

Et n’oubliez pas, O lecteurs: vos commentaires (bienveillants) et vos retours (encourageants) c’est ICI : hervehulin@orange.fr

Très belle année, pleine de littérature (amateure ou pas) à vous.

Les Cahiers d’Alceste

Blog de littérature amateure, contemplative, et misanthropique

A la fin, alors que le monde se décompose dans une flaque de sang, que reste-t-il?  La littérature, l’amour. Les deux ne faisant qu’un. La politique est morte, les évènements nous tuent, mais les écrivains sont pris  dans la continuité d’une émotion qui, à un moment ou un autre, vous donnera tout”

Yannick Haenel, “Le lingot et le foulard de Duras” in Charlie Hebdo n° 1551, 19 avril 2022.

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“La nuit m’emportera et ses pièges tragiques…” De l’invention littéraire (et de la nuit) . Ce qui fait qu’un rassemblement fortuit de quelques mots se change en idées littéraires, garde une part forte de hasard. Mais la mémoire est un ressort aussi puissant, et incontrôlable. En ruminant un vague début de poème il y a quelques temps, j’avais «trouvé» cet alexandrin que vous lisez en incipit. Outre la forme en hyperbate, il y avait dans la formule un sens électrique qui me plaisait bien. On se dit alors : et hop, quel trait mon esprit n’a-t-il pas trouvé là! Hélas: la mémoire est moqueuse, et l’esprit rebelle. Je rangeai de vieilles affaires, et tombai sur ce précieux volume du “Gradus ad parnassum” (Dupriez, Ed. 10/18 : pour les innocents, il s’agit d’un dictionnaire des figures de styles) que je recherchais dans mes désordres depuis tant d’années, dix ou quinze, peut-être…Joie, joie me direz-vous, de retrouver ce vieil ami qui me manquait tant. Je l’ouvre au hasard. Et tombe sur quoi? La lettre H, et la figure de l’Hyperbate. Et pour illustrer la définition donnée, un vers d’Alain Grandbois, poète québécois du XXe siècle, qui assène : “La nuit m’emportera et ses pièges tragiques“… Je n’avais rien inventé, c’est ma mémoire qui m’avait fait un bien étrange tour. Ce vers magnifique était resté tapi, secret, sous les années, comme le livre qui le recelait. Voilà, on se croit ainsi, on se voit déjà, on s’envole, et puis, non. Espérons que les quelques cent-vingt textes publiés sur ce site ne sont pas de la même ingénierie…

Bon, tout ceci ne nous dit pas ce que vous apporteront bientôt mes « Cahiers ».  J’aurais pu écrire des choses sorties de l’épaisseur anxiogène de ces semaines-ci, le déclin de la république sous les coups des sycophantes, ou la guerre à l’est, ou l’éternel zigzag du virus, ou la fureur des climats révoltés de notre planète. Et bien bof et non. Pas seulement parce que je laisse à d’autre la politique. Mais pour la bonne raison que je l’ai un peu déjà fait; vous trouverez toutes ces sombres thématiques dans des pages déjà publiées des “Cahiers”, parfois depuis plusieurs mois. Mais voilà, les mots sont vains face à l’aveuglement des hommes. Tout juste savent-ils voler sur les flots, plonger, pêcher parfois et en revenir. Et attendre leur effet, rémiges ouvertes, au grand soleil, tel l’anhinga oriental.

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Quelques caractères inédits viendront illustrer toutes ces folies de la politique: avez-vous remarqué que les responsables politiques, toujours détestés dans leur exercice, gagnent en indulgence et en admiration, sitôt qu’ils tournent vers le passé?  Je vous livre bientôt ce “rétroviseur” (c’est le tire), mais après, on revient sur du comportement et les travers de nos moeurs.

Ah oui, et avant de s’éloigner de la politique, allons (bien) voter, pour cette vieille république, malgré ses ruines et son arthrose. Parce que l’extrême droite, c’est moche quand même. Et très bête, en plus.

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Opinion de lecture. Il vous sera proposé une chronique d’un livre étonnant que je vous restitue avec plaisir. « Le tigre » de John Vaillant. Amélie Nothomb naguère en parla comme d’un « Moby Dick de la taïga ». Pas tombé loin, ça vaut Melville mais le plus extraordinaire est que ce n’est pas un roman. Le tigre est tant force, sagesse, et aussi beauté, que mourir de sa chasse doit être un peu comme un songe, non ? Et après la chasse, je vous enverrai “les pêcheurs”, roman nigérian (encore un!)

Conotron. Les amateurs de cette rubrique pourront apprécier un ouvrage de bande dessinée qui vient d’émerger, de l’illustre Emmanuel Reuzé : « La limite n’a pas de connerie » aux éditions Fluide Glacial. Le même Reuzé qui nous avait gratifié des deux volumes de « Faut pas prendre les gens pour des cons », chroniques diachroniques des bêtises de nos sociétés obsédées par le sens. Amusez-vous. C’est hyperconotronique.

Poésie… J’ajouterai bientôt deux poèmes de facture classique. «Les lilas» dont le sens ne procède que des mots employés et rien d’autre, et «Les eaux furtives»: ce dernier tente de saisir ce lent détachement de soi qu’est la fin de l’enfance. C’est pour cela que la forme en évoluera encore peut-être. Bientôt, une troisième suite de poèmes courts, en train d’être peaufinée.

J’ignorais aussi que Margaret Atwood, très connue pour sa « servante écarlate », était une immense poète(sse).  «Circé» mêle la tristesse de la magicienne abandonnée avec la condition délaissée de la femme dans nos tristes sociétés. D’ailleurs, Atwood est explicite dans son introduction : « Circé, c’est moi ». A la fois intérieur et très élégant, le texte est décliné sur vingt-quatre poèmes. L’ensemble se lit et relit d’une même lancée, comme un petit roman. Belle et maniable édition bilingue Bruno Doucey.

« Voici de la nourriture blanche, comme des racines, rouge
Poussant dans les marais, sur le rivage,
Je prononce également ces noms-là pour toi.

 

Elle est à moi, cette ile, tu peux prendre possession
Des rochers, des plantes,
Qui s’étalent sur un sol pauvre, j’y renonce.
Tu peux prendre cette eau, 
Cette chair, j’abdique. »

Les amis d’Alceste. Qui sont-ils? J’ai ajouté quelques liens sur des blogs qui me sont proches (je me suis aperçu par la suite que l’un est depuis probablement inactif, peu importe). Vous serez toujours les bienvenus chez eux.

Administration, j’écris ton nom. Enfin, j’ajoute que la reconfiguration du site, telle que je vous l’ai déjà évoquée mais sans grand résultat, est suspendue à la déficience technique de son administrateur, qui, en bisbille avec son opérateur, ne dispose plus d’internet ; ce qui est fâcheux, vous en conviendrez, pour un administrateur. Si ce litige ne se solde pas très vite, nous engagerons une vaste pétition mondiale pour que la raison l’emporte.

Allez, ne faiblissons pas, et croyons fervemment à  la littérature amateure.

En attendant, les cahiers d’Alceste, c’est toujours par ici. Mais avant de décrocher, vous relirez la citation de Y. Haenel en tête de ce texte. Belle vérité. Que ceux qui n’y croient pas reprennent la vie depuis le commencement. Merci, Charlie.

Les Cahiers d’Alceste, c’est par ici et ci-dessous…

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A bientôt.

©hervehulin