Ce qu’il peut arriver de pire,  Césonie, vous exclamiez-vous? Et de répondre vous-même à votre question: “ne pas être aimée, comment peut-on vivre sans être aimée?”. Pourtant, on vous répondrait: on s’y habitue sans doute, comme d’être myope ou chauve. Regardez donc ces gens qui peuplent nos villes et nos campagnes de si grandes solitudes, ces légions d’humains qui si soigneusement alignés, regardant chacun devant soi, s’ignorent, se parlent si peu, et restent sourds à ces voix distantes pourtant si semblable à la leur…Vivre avec l’habitude d’avoir quelque chose de moins que beaucoup d’autres, mais vivre quand même. Ne pas être aimé, certes, mais regardez: le soleil se lève quand même et le soleil se couche, les saisons passent et viennent, les galaxies naissent et se consument, les métros arrivent à l’heure, les foules marchent dans les rues et les avenues, les humains crient et voyagent, les esprits chantent- et chacun est toujours vivant. Avec un peu plus de sel et de tendresse, amassés en soi. Voyez-vous, Césonie, c’est la première vertu de l’homme que de s’habituer à se passer des autres.

 

©hervéhulin2022

1.

Les pierres se cachent
Dernier sanglot de la mer
Un secret couvert
Sous le sable qui s’efface
Quand l’ombre approche la mer

2.

Tout autour de nous
L’hiver dévore les fleurs
L’air se fait plus doux
Si le vent tourne sa peur
Étranger dans sa torpeur

3.

Moment de fatigue
Quand tourmentée de questions
La terre navigue
Le ciel prend possession
En chantant de l’horizon

4.

Le nain prend la pose
D’un dieu au regard absent
A l’âme d’argent
Mais de son rire la rose
Tue l’amour de l’indigent

5.

Bulles de savon
Dans l’invisible lumière
D’un vent de saison
Passée l’ombre du sanctuaire
Sait-on où elles s’en vont

6.

Fleurs de cerisier
Éparpillées sous l’averse
L’air vous fait trembler
Et sous la lune disperse
Le blanc de vos secrets

7.

L’orage éclata
Le long du vent en colère
Et les acacias
Très insolents se plièrent
Sous les larmes du tonnerre.

8.

Où sont mes amis
A présent tous égayés
Où sont-ils partis
Ne découvrant que regrets
Semés dessous les pruniers.

9.

Comme un oiseau blanc
Au loin s’en vont les nuages
Un monde flottant
Semble changer de visage
Pour s’inverser dans l’étang.

10.

Dans la jarre un astre
S’abîme et déjà décline
Pourquoi ce désastre
Comme un vœu dans l’eau câline
Tout s’éteint puis se ranime.

11.

Rêve et nuit de fleurs
Du matin l’haleine blanche
Refroidit l’ardeur
Sous la nudité des branches
Le ciel garde sa couleur.

12.

Sous un ciel de flamme
Les blés imitent le sable
Tremblement de l’âme
Comme un germe insaisissable
Que l’été est périssable !

13.

Fatigue des pluies
Vapeur d’eau sur les feuillages
Le ciel se replie
Sous les fougères volages
L’argus fragile s’ennuie.

14.

L’averse soudaine
Les jeunes gens se dispersent
Tant qu’il m’en souvienne
Toujours s’enfuit la jeunesse
Dès que souffle la tristesse.

15.

Odeur d’algue ancienne
Les vagues s’en sont allées
L’étoile oubliée
Dans une flaque obsidienne
S’invente un air de sirène.

16.

Pâleur de décembre
L’automne éblouie se blesse
L’air se fait si tendre
Voici sourdre la vieillesse
Insecte figé sous l’ambre

17.

Nuages épars
Quand le jour s’effile et passe
Drôle d’avatars
Des archipels sans miroirs
Où les rivages s’effacent

18.

Quelque chose change
L’aube irisée dans la mare
Devient toute étrange
Puisque noyé sous l’eau noire
Dérive un lutin orange

19.

Le lutin de flamme
Par amour d’une chandelle
S’épuise et se pâme
Trop près du feu de sa belle
Il se change en étincelle.

20.

On le sait la vie
Ne sert qu’à bien peu de choses
Si trop tôt ravie
S’en est fanée l’énergie
Avant le cycle des roses.

21.

Un flocon s’enivre
Sur l’autre flanc de la vitre
Où vas-tu mon livre
Quand l’hiver d’un souffle invite
Le signet que tu délivres.

22.

Amère saison
Lucioles sous les prunus
Leurs feux se défont
Si pâles que l’horizon
S’estompe dans l’angélus.

23.

L’océan blotti
Sous l’ombre du coquillage
Semble rajeuni
Puis renonce à tout étiage
Désir d’y creuser son nid.

24.

Le trèfle s’étire
Vers le soleil sans retour
Superbe délire
Du bruissement d’un empire
Sous le tremblement du jour.

25.

Consumée dans l’air,
La lumière sous les feuilles
Nous vient de la mer
Goûtons cet écho si cher
Où la terre se recueille

©hervehulin2022

” Les cahiers d’Alceste”. Lettre d’information N°8. 

https://www.lescahiersdalceste.fr

“Le tout est de tout dire, et je manque de mots
Et je manque de temps, et je manque d’audace
Je rêve et je dévide au hasard mes images
J’ai mal vécu, et mal appris à parler clair.»

Paul Éluard, « Pouvoir tout dire » (1951).

Tout dire, c’est donc cela, la tentation du poème? Paul Éluard publie « Pouvoir tout dire » en 1951 ; c’est un de ses derniers recueil (mais il ne le sait pas, évidemment) car il meurt l’année suivante ; sa thématique est préoccupée par l’incapacité du poète à dire ce qui doit l’être : tout ce qui est à dire, tout ce qui est à écrire, tout ce qui est à transmettre, sera toujours dépassé par l’immensité du monde qui submerge la limitation du langage.

Méditons cela, nous autres, amateurs.

 

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Du renoncement : carrières et caractères. On observe partout le goût dévorant de l’ambition. Qu’est-ce qui pousse certains de nos semblables, comme soudain poussé par une énergie prodigieuse, dans cette obsession de ne jamais se contenter de leur position sociale ?

Qu’est-ce qui les pousse à renoncer à la douceur de vivre, pour aller en avant, ou au-dessus, ou plus loin, au détriment de l’autre ? L’autre, l’humble, celui qui ne sait ou ne veut saisir ce qui passe ? Ou reste indifférent à toute exposition, au soleil artificiel de l’ascension ?  On objectera qu’il faut que des gens avancent pour qu’une société ne recule pas. Constat peu contestable. Mais tous ceux qui se seront élevés l’auront fait en acquittant un prix : celui de renoncer aux choses simples et au temps de ne rien faire. Comme la montgolfière qui lâche son lest pour monter par-dessus les toits et les collines, ils auront lâché une part d’intimité, de conviction, de liberté ; renoncé à une part de modestie, aux amitiés anciennes, à des moments de sagesse.

Loin de libérer, cette élévation attise encore la frustration de ne pas être plus haut. Ainsi le naufragé qui se retrouve ravagé de sel pour avoir cru se désaltérer à l’eau de mer. Celui qui obtient enfin la fonction tant désirée ne sera jamais repu de ses honneurs ; sitôt perché, il est saisi du vertige de devoir rester là, et tourmenté de la peur de ne plus avancer. Et celui qui n’a pas obtenu cette même fonction pour l’avoir autant désiré, est tourmenté à son tour par sa déception, puis, malheureux, deviendra malveillant envers ceux qui continue de s’élever sans lui.

La carrière est une maladie étrange, mais qui a le mérite de bien nourrir mes « caractères ». Vivre, en fonction des autres, exige toujours une forme de renoncement. Renoncer à s’élever, pour mieux absorber le temps qui passe et s’accélère.

Vous seront livrées bientôt et encore, dans les prochaines semaines, des moralités au revers des ambitions.

Du chiffre 7 à travers Gustav Mahler. C’est un drôle de chiffre, le 7, qui suscite toutes les fantaisies et attise l’envie de mystère. Certains y voient une magie intérieure, d’autres une malédiction. Le 7 représente la maîtrise de l’esprit sur la matière et du spirituel sur le matériel. Il influence la réflexion, l’analyse et la vie intérieure.

Dans la salle de la Philharmonie (quelle salle !) il y a quelques semaines,  chantait la septième symphonie de Mahler, éclairée par la Philharmonie Tchèque, au son cristallin, qui a créé l’œuvre, sous la direction de Mahler lui-même en 1908. Cette septième n’eut alors aucun succès – malédiction du chiffre ? Elle reste encore, des dix, la moins jouée en concert, trop ardue pour les instruments, une cohésion difficile à trouver, et, pour l’éloigner encore du public, l’absence d’un adagio langoureux qui fait la marque de l’univers mahlérien pour les profanes. Mais avec pourtant plus de 100 références discographiques. Dans cet univers sonore sombre, c’est la seule des dix qui comprend un mouvement, le dernier, authentiquement joyeux de bout en bout.

Le « 7 » est aussi supposé porter bonheur car c’est un chiffre sacré dans de nombreuses religions. Dans la Bible, Dieu a créé le monde en sept jours. Les pèlerins musulmans tournent sept fois autour de la Kaaba, le grand cube noir de La Mecque. Et selon les hindous, le corps a sept sources d’énergie appelées les chakras. Les sept branches de la ménorah (le chandelier sacré) et les sept jours de la Genèse; le sacré, la lumière, l’illumination, la mystique. Il aura sans doute un peu porté bonheur à Mahler, sitôt qu’il fut frappé par ses « trois coups du destin » qui ont fait basculé sa vie. La gloire, certes, après sa mort.

C’est promis, quand les « Cahiers » auront 7 ans, on fera quelque chose de spécial. Mais pour l’instant, ils en ont deux. Les plus attentifs auront remarqué un changement d’apparence pour marquer ce nouvel âge.

 

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D’Homère à nos jours, à travers Artwood. Dans la rubrique des “lectures” vous seront données prochainement des impressions d’un roman de Margaret Atwood autour de la mémoire de Pénélope. Dont j’avais déjà évoqué le rayonnant recueil « Circé » il y a quelques mois. Les mythes homériques ne finissent pas de nous étreindre derrière notre modernité de façade. Qu’y retrouvons-nous donc de si addictif qu’on y revient toujours ? Atwood, mais aussi, lue récemment, Louise Gluck (“Meadowland”) et Valerio Manfredi (“Odysseus”). Ou encore Madeleine Miller (“Circé”). Ou encore David Malouf (“Une rançon”). Ou encore le délirant “Ilium” de Dan Simmons. Je vous renvoie au magnifique « été avec Homère » de Sylvain Tesson. Que ceux qui ne l’ont pas encore lu cessent de perdre du temps et s’y attachent dès maintenant ; ils n’en auront pas regret. Et encore et encore. La raison en est si transparente. Tout nous vient de l’antiquité méditerranéenne, que nous écrivons et réécrivons encore, de ces drôles d’inventions d’où ramifient tant d’histoires des dieux et des hommes, et si peu du christianisme. La plus quotidienne de nos postures s’en nourrit. Une récente – et érudite- visite sur les sites de Pompei et Herculanum m’ont traduit d’u trait cette vérité. Comme le disait si joliment Apollinaire, “près du passé luisant demain est incolore”… Comme si Homère, dont on connaît si peu la personne, avait déjà, à lui seul, le premier, tout reconnu de la littérature. J’étais à Pompéi récemment: tout y est moderne.

Les poèmes. À la suite de mes réflexions précédentes (Cf. lettre n °6), il convient sans doute que je m’essaie à un format plus court, un verbe plus aérien. Je m’aperçois d’ailleurs qu’il m’arrive d’annoncer sur les « lettres » des publications que j’oublie ou néglige de produire. Donc, je vous envoie – c’est une promesse de poète amateur- la suite N°3 des poèmes courts, en forme de tankas ; ça vous changera des « Nuées » et autres statures monumentales. Et sans doute un peu de symbolisme, car la poésie courte s’y prête assez bien.

A propos de poème et de verbe plus aérien, qui connaît Ingeborg Christensen ?  C’est un peu froid (c’est Danois…) mais cristallin et plein de petits éclats. Fin et inspiré sur chaque ligne. J’ai découvert par hasard, sur un étalage de la librairie Gallimard, et l’automne s’en est trouvé plus charmeur.

on peut dans le mot
reconnaître la lumière
Acte incroyable”

(Lumière, I)

Trois vers minuscules, et tout est enfin compris de la poésie, cet”acte incroyable”. On se souviendra aussi de cela:

voir la plus petite parcelle de l’amour
du bonheur, comme par un processus absurde
se confondre avec l’image de l’homme
comme l’herbe, tout comme l’herbe des tombeaux”

(La vallée des papillons, VIII)

Comme si Christensen, elle, avait renoncé à tout dire, pour se contenter de murmurer.

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Un monde prochain sans visage ? Les deux tiers de la faune sauvage ont disparu depuis cinquante ans. Voilà le constat d’une récente étude du WWF. La cause : l’expansion agressive et chaotique de l’espèce humaine. Le sort est joué : ce sera un monde vide et silencieux derrière ses lignes, sans l’envol d’une aigrette, les yeux verts de la panthère, le pas lent des éléphants, le tourbillon de vanneaux sur les champs, la pose lente du cerf en alerte, et le baiser furtif de l’abeille sauvage, et toute ces sortes de prodiges. Préparons nos enfants à vivre ça, et redoutons leur reproche féroce à venir, quand ils auront compris ce que ça signifie de pauvreté.

Il y avait une interrogation, comme un jeu, sur la dernière lettre: de qui la vanité de X.Rugiens en exergue était-elle une imitation? Personne n’a eu envie de répondre. Solution: Lubin Baugin. Un peintre français du XVIIè siècle, son art est tout en épure L’original a un joli titre: “Le dessert de gaufrette”. Le voici. Un peu de paix dans ce monde de brutes…

Une image contenant intérieur Description générée automatiquement

Allons donc, ne désespérons pas complètement du genre humain, même si cet automne nous aura rendu cette effort plus difficile encore…Et retournons à la littérature.

En attendant, Les Cahiers d’Alceste, c’est plein de belles choses à lire, c’est par ici, nulle part ailleurs et ci-dessous…

www.lescahiersdalceste.fr 

Et n’oubliez pas vos bienveillants commentaires…

hervehulin6@gmail.com

Allons, donc, amis amateurs de lettres, clôturons sur un envoi plus heureux.

D’Éluard encore :

« Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d’autre. »

 

 

Soleil et mer durcis
Hantés par le silence
La nuit veille et danse
Sur la peau du rivage
Où file l’infini
Tel un enfant sans âge

Comme la voile s’entrouvre
De l’époux quasi-défunt
L’instinct rêve et se retrouve
Dans le sable qui s’éteint

Détissant le désir et ses ors
Elle attend Fidèle et captive à la fois
Et contemple la main en visière
– Plutôt qu’une vie solitaire
Descendre sur les flots pourpres
Le rouge cyclope du soir

 

 

 

 

 

 

©hervéhulin2022

 

Il peut sembler acquis, telle une loi du bon sens, qu’on ne puisse rire que des choses comiques. Il ne serait pas besoin de disserter sur ce qui est drôle ou non. La matière du drôle est une évidence, comme un signal propre de notre espèce qui traverse les continents et rassemble dans ses effets toutes sortes d’hommes et de sociétés. Mais peut-être pas. On voit bien des gens, sans doute d’une autre espèce, qui rient des choses drôles- parfois-, mais aussi de celles qui ne le sont pas – souvent. Dites quelque chose d’amusant, ou de stupide : ils riront, peut-être plus de vous que de l’amusement en question. Dites quelque chose de grave sans même être austère, et vous les verrez qui pouffent, avec des regards appuyés. Ils riront de vous encore, ils riront de tout. N’énoncez que des choses vraies, belles, ou sages, ils riront encore.  Ils tourneront en ridicule ce qui fait du monde sa beauté ou sa gravité. Comprenons qu’ils ne rient pas des choses, mais des gens. La moquerie leur tient lieu d’espace et la raillerie de respiration. Ils railleront encore et toujours entre eux, comme saisis de l’obsession d’un chemin tracé, comme une façon pour des moineaux soudain apeurés de s’envoler. Mais de quoi donc ont-ils peur ?  D’une vérité – il faut l’avouer – malmenée au commencement de ce paragraphe : le genre humain n’a pas le monopole du rire. Il le partage avec les plus évolués des singes.

 

 

©hervehulin

Elamire est bien souvent critiquée par ses proches, ses commensaux et ses collègues. Car Elamire est jugée comme une ambitieuse; c’est un fait qu’elle aimerait bien réussir dans ses entreprises, et monter dans la société. Elle le dit, ose l’exprimer, et n’hésite pas à répondre et développer si elle en voit l’intérêt. Elle croit dans sa trajectoire. Mais c’est une ambitieuse, dit-on d’elle, et voilà tout.

On rit de la confiance qu’elle montre en elle, des qualités qu’elle s’attribue. Lorsqu’elle exposera ses idées, ses projets pour elle-même et sa carrière, on l’écoutera avec une attention fermée ; mais sitôt qu’elle aura quitté la pièce, tout ce qu’elle aura dit sera passé sous le tamis de la pire dérision. C’est une ambitieuse, répète-t-on.

C’est ainsi ; personne n’estime Elamire, car nul ne juge sa personne à hauteur de ses ambition. Ce n’est qu’une ambitieuse, dit-on toujours.

Mais voici que par une faille étrange et soudaine dans la configuration des choses, le sort bascule. Voici soudain qu’Elamire s’élève par dessus les rangs de la société telle une montgolfière par dessus l’horizon. Tout lui rit, la fortune la gratifie en toutes ses initiatives. Elle réussit, elle monte encore, les puissants la repèrent, l’embrassent, l’acceptent dans leurs rangs; ses talents, désormais justement valorisés, résonnent dans tous les espaces que le monde intelligent autorise. Le prince la reconnaît, l’appelle, la nomme et la récompense. On la presse pour des faveurs. Ses conseils sont espérés, ses interventions tellement priées.

Elamire est à présent sans cesse complimentée par ses proches, ses commensaux et ses collègues. La pertinence de ses  justes ambitions sans cesse est louée. Tous estiment Elamire à présent, et attendent sa bienveillance. Car s’ils ont changé leur avis, ils n’auront changé ni d’esprit ni de posture.

 

 

© hervéhulin

Listes de moments désagréables et pourtant familiers:

Quand la neige sur les trottoirs n’en finit pas de se changer en boue marron, en boue glissante sous la bruine qui dure.

Quand on entend  à nouveau- sans que l’on sache pourquoi – la voix des voisins dans une rumeur sourde, et qu’on ne peut s’empêcher de prêter l’oreille à leurs propos en espérant percevoir quelque chose d’indiscret qui le rendrait plus humains.

Quand il faut à nouveau se séparer et se résoudre en même temps à se retrouver d’ici peu.

Quand apparaît discrètement la petite absence dans le champ de vision, qui annonce sans faillir la migraine ophtalmique.

Quand la pluie surprend à verse et rien pour se couvrir.

Quand il faut par métier rendre compte sur un sujet qu’on ne peut trouver pertinent.

Quand, pressé par la foule dans un long trajet de métro, une foule plus dense encore rentre et vous fait plus compressé encore.

Quand on s’éveille la nuit, alors que le sommeil était doux, et la sensation soudaine d’être meurtri par l’effet d’un membre complètement ankylosé sous le poids du corps, au point qu’on ne parvient même pas avant de longues minutes, à remuer la main pour animer la circulation.

Quand l’ennui vient, alors que tout est là pour qu’il ne vienne pas.

 

©hervéhulin2022

Qui sommes-nous ?

L’adresse de notre site Web est : https://www.lescahiersdalceste.fr.

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La poésie, c’est un mystère ; elle occupe rarement les devantures des librairies, et moins encore les émissions littéraires survivantes. Et pourtant, elle est partout, comme infusée dans le vacarme des mots et des images qui polluent notre espace. Des syllabes monophoniques de sociétés primitives, au concours de haïkus dans les entreprises japonaises, et n’oublions pas les expérimentations sémantiques d’avant-garde que plus personne ne comprend, elle est toujours là ; portée sans doute par un réseau de gnomes souterrains, qui entretiennent la flamme, on ne peut s’en passer, alors qu’elle est si peu lue. Une chose est sûre, il n’y en aura jamais trop, et du jour que le dernier poème écrit aura été oublié, distancé dans les âges, ou perdu sous le flot des téléphones portables, il nous manquera sévèrement et on aura du mal à respirer. Donc, en voici encore, de cette matière brumeuse et ininflammable. Une tentative de saisir des choses rares et d’y mettre des mots, sans plus.

HH.

La critique littéraire est un métier, et même, quelque fois, une institution. Ici, il ne s’agit pas d’imiter ce métier et d’en prendre les détours. On se contentera de partager quelque opinion qu’il est possible de retirer d’une lecture qu’on a appréciée – ou pas, d’ailleurs. Car si on est frappé de la multiplication des blogs consacrés aux commentaires et critiques de livres – dont certains d’une rare qualité – force est de constater que s’y joue toujours le même rôle. On aime un livre, on en parle et on écrit pourquoi on l’aime et recommande sa lecture. Puis des internautes pseudoisés réagissent, et expliquent à leur tour pourquoi ils ont aussi adoré, et voilà. Bon, il faut vraiment que ça existe, cela fait vivre l’univers des livres, et cela montre que malgré toutes les complaintes, on lit encore beaucoup, suffisamment en tout cas pour qu’il y ait plein d’écrivains qui vivent de ce qu’ils écrivent.

Ceci étant dit, on trouvera ici des commentaires, sans formalisme, de simples opinions tout à fait personnelles et non universitaires ni référencées, sur des livres peut-être peu connus et pas assez lus – qu’on a jugés tels, en tout cas, peut-être à tort, ou oubliés, ou trop reconnus aussi. Des œuvres qui ont imprimé un moment agréable de lecture, ou marquant, et qu’il est plaisant de retracer. On y verra aussi, quelquefois, des retours sur des livres qu’il est possible de juger moins intéressants que ce que la vox populi a établi.

J’ajoute que le but de cette chronique étant de donner simplement une opinion, et non de faire vendre un livre ou même d’accroître son lectorat, on n’hésitera pas, chaque fois que nécessaire, à spolier ce qui doit l’être, surtout si l’œuvre est dispensable. C’est le sens d’une opinion, et sa différence avec une critique.

HH.

“Si on ne goûte point ces Caractères, je m’en étonne; et si on les goûte, je m’en étonne de même”.
Jean de la Bruyère, Caractères, (50, I).

Lorsqu’on parle des caractères dans l’univers littéraire, la figure qui s’impose naturellement est celle de Jean de La Bruyère. Il a marqué définitivement ce registre, pour peu qu’il s’agisse d’un genre littéraire. Sur ce dernier terme, si on veut bien le retenir pour caractériser les caractères, on s’étonnera que personne n’en a assuré la continuité. Pourtant, si on retient la cause et l’effet, on pourra penser que notre temps s’y prête bien plus encore que le compassé XVII è siècle. La Bruyère s’en serait bien régalé. Ou il se serait suicidé devant ce siècle malade de la pensée défaite, saturé de complotisme, de trumpisme, de gilet-jaunisme, de libéralisme, d’individualisme, et gavé d’internet et d’iPhone et de réseaux antisociaux, devant cette faible idée que chacun produit sa propre morale, contre celle des autres. Et c’est alors toute une époque qui chavire.

La Bruyère fut toute sa vie un honnête homme. Écrivain exigeant avec lui-même et son style, aristocrate mais pauvre, chrétien mais pieux, pourfendeur de l’esprit dévot, à l’affût des travers des autres, mais en toute circonstance humble avec lui-même, respectueux des institutions de son temps, mais sans concession pour le goût du pouvoir, il fut avant l’heure un moraliste photographe. Il aura saisi plus que nul autre, sauf Molière, ces faiblesses du cœur des hommes qui les rendent si insupportables en société. Ces personnages, qui s’agitent devant nous comme au cinéma, ses aphorismes qui dénudent n’importe quelle vérité cachée, nous parlent d’un siècle classique révolu, et pourtant, et pourtant, on les retrouve bien, c’est notre voisin, notre collègue, notre copain, c’est tout ce monde qui parle et vibre et qu’on reconnaît sans connaître, qui nous entoure, et nous emmène, c’est eux et c’est nous, ils sont là, Ménalque, Alcippe, Zélie, Gnathon et Ergaste, devant notre palier, à la télé, à la machine à café, en réunion, dans le métro, en voyage. Ils sont toujours là et ont si peu changé après trois siècles et demi. Qu’ont-ils appris ? Et nous, qu’avons-nous appris ?

La leçon des caractères, est qu’un regard acéré mais juste sur l’autre, nourrit en modeste proportion, notre propre humanité, et nous permet de tailler et tailler encore, modestement, affectueusement, cette pierre rebelle qui reste si rugueuse en nous.

HH.

Alceste est un personnage convergent pour toute sorte d’opinions et de considérations. Molière en a fait, ainsi que les siècles qui ont suivi, le modèle de la misanthropie. Ce blog en récupère comme un reflet; point de dévastation du genre humain dans son ensemble, qui ne mérite quand même pas cela. Mais une forme de défiance, accentuée par les comportements (on ne parle plus de moeurs, de nos jours) de nos contemporains. Et une tendance à la dérision ou, plus rarement, à la compassion mais seulement lorsqu’elle est méritée.

Pauvre Alceste! lui, le sectaire, l’intransigeant, mais aussi le rebelle, que fustigerait-il dans l’écheveau abrutissant des ambitions et carriérismes, des jalousies modernes et des archaïsmes réinventés, des obsessions de complots et des réseaux sociaux, de ces médiocrités détonantes contre tant de promesses et de progrès qui éclairaient l’orée de ce siècle!  Alceste se retire dans son désert, c’est sa marque de fabrique. .Et que va-t-il y faire d’ailleurs, sinon ressasser tout ce qui ne lui convient pas de ce monde raté?  Mais de nos jours, il ne reste plus de désert,  dans le fatras des fessebouc et des millions de sites de para-information qui nous saturent chaque jour.

Il faut en prendre son parti. On ne peut faire confiance au genre humain pour  réformer l’humanité, et voilà tout. Et pourtant, et pourtant…Il reste dans l’homme, malgré tout, une belle dimension d’indulgence.

Hervé Hulin est né dans le matin des années soixante. Il est parisien de naissance, de cœur, et de profession. Haut fonctionnaire dans une célèbre collectivité locale, il est par nature absolument contemplatif, et maîtrise la félicité du zen aux confins des codir. Il ne fait pas trop confiance au genre humain ni aux choses qui vont trop vite. Il n’a pas le permis de conduire mais a franchi des parsecs de littérature par le simple travail de la patience. Il n’aime pas la haine et la violence, il apprécie d’écouter les autres, même lorsqu’ils n’en valent pas la peine dans un siècle ou tout le monde parle en même temps avant même d’être sûr d’avoir un mot, un seul, à vraiment dire. Ne serait-ce que pour en écrire quelques mots à son tour, et en garder les travers. Il sait que l’avenir est le propre de ceux qui savent palper le temps qui vient. Son horizon personnel est plutôt peuplé de silhouettes d’éléphants arpentant les rivages, de souvenirs papillonnants, discrètement éclairés de nostalgie, et de symphonies lancinantes. Ce sont les mots, et leurs connivences, qui viennent le chercher, et non l’inverse. Et il n’a jamais rien publié, à cause de son obsession du dernier mot juste. Mais il est marié, et il a un fils, et voilà tout. Aucune autre certitude établie à son actif.

Xavier Rugiens est d’essence tourangeote, mais a vécu dans le marais poitevin où il a longtemps observé les oiseaux de tous poils. Il pratique régulièrement zazen, et observe le monde et ses gens d’un oeil acidulé. Pour les besoins de son roman, il a disséqué certaines personnes de son entourage. Ami des abeilles, il aime cultiver son jardin et faire lui-même ses confitures. En littérature, il fut adepte occasionnel de la secte de l’Oulipo. Il a été lauréat de plusieurs concours de nouvelles noires (Lamballe, Noires de Pau, Noeux les Mines). Tout en  appréciant les textes à la trivialité décalée, il défend l’idée que l’écriture doit être jubilatoire, pour que la lecture soit joyeuse. Parfois, aux moment de spleen, il sait se transformer en un philatéliste attentif. Mais il lui arrive plus souvent de rire tout seul devant son écran.

Lettre d’information N°4 – Mars 2022.

 

Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons. Dieu merci, le printemps vient parfois remettre du désordre dans tout ça, nous découvrons que nous n’avons jamais rien eu à nous, et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse”.

Christian Bobin, “L’équilibriste -(Le temps qu’il fait)”.

Du blog et de son effet miroir.

Ecrire en mode numérique, c’est comme envoyer une sonde dans l’infini glacé du cosmos, sans avoir l’assurance d’une rencontre. Tout blog procède de la préoccupation d’un reflet – l’auteur- dans son miroir, car on y écrit, avouons-le, d’abord pour soi-même. Pour soi-même, mais un soi-même un peu faux, en espérant que l’autre s’y reconnaisse en quelque détail de lui-même. Une connexion positive peut ainsi se nouer, et voici le genre humain sauvé une fois de plus…

C’est un peu tâtonnant que j’entame cette quatrième lettre d’Alceste. J’avais soigné les précédentes, sans excéder l’appel promotionnel sur mes nouvelles écritures. Mais je dois constater 1. la vanité possible de mon invention. 2. la paresse probable de mes destinataires. Moins de la moitié aura ouvert le dernier lien (Lettre N°3), malgré la circonstance du nouvel an, et la jolie aigrette, saisie sur une rivière du Sri Lanka. Et surtout, aucun retour sur le lien à leur disposition. Oui, WordPress dispose d’une sorte de mouchard qui révèle ceci et cela. J’y ai constaté des pics de consultations étonnants (jusqu’à 246 visites sur le site le 24 janvier, par exemple, allez savoir pourquoi); et le mineur “Conotron”, avec ses grosses blagues, est bien plus fréquenté que les “Poèmes”. Bon. Qu’en dis-tu, O lecteur flottant et anonyme?

Ah, paresse des esprits, saturés de mots et de nouvelles…Je rêve parfois d’un dialogue, qui dépasserait la loi des cent quarante quatre caractères.

Comment imaginez-vous l’avenir de l’Afrique? Voilà une belle question. Vous trouverez en ligne une critique d’un récent roman uchronique, ou dyachronique, quelque chose comme ça, qui vous invente l’Afrique du futur en près de six-cents pages. Ce n’est pas de trop pour projeter ce continent tout entier dans une sphère optimiste de réussite et de prospérité – d’autant plus que le reste du monde y apparaît plus bas que terre. Lecture captivante, qui vaut bien les heures d’attention imparties à ce volume. Le résultat n’est peut-être pas à hauteur du pari tenté, mais une telle invention a le mérite de fixer un nouvel angle du regard sur l’Afrique. Et si le continent de l’avenir, c’était ça?  (Leonora Miano, L’impératrice rouge).

Comme une sorte de symétrie à cet étonnant roman, belle découverte cet été d’un grand poète, nigérian. Christopher Okigbo. Mort pendant la guerre du Biafra – il crut à l’indépendance- il a son univers propre, ancré dans le XXe siècle: on appréciera le sens des images abstraites.

Jusque dans l’âme 
Les moi étendaient leurs branches
Jusqu’aux moments de chaque heure vécue
cherchant une audience à tâtons

                             (Limites de la sirène, II)

Ecriture d’une étonnante modernité, lyrique et ciselé, déroulant un art nuancé du contraste verbal; et dans une belle traduction. Labyrinthe, et c’est chez Gallimard. Admirez.

Et voici le point critique
  moments crépusculaires entre
  somme et réveil
Et la voix qui renaît transpire
  non par les pores de la chair
  mais par l’échine de l’âme

                                (Limites de la sirène, III)

“J’éteins la lumière, où va-t-elle” (Koan zen)

Fragilité de la lumière. Qui s’est déjà demandé ce qu’il y a après la lumière? Les saisons dans leur mouvement nous en suggèrent quelques vues. Le photographe argentique, en son temps, le savait peut-être…Et des soupçons de réponse dans quelques jours, quand ce sera mis en ligne. Mais ce sera un poème –  vous savez, ce genre de curieux textes qui s’exprime d’une si curieuse façon – enfin fini, et lisible.

Ce siècle qui n’en finit pas de commencer, déjà vieux avec un âge de jeune homme, est celui des vanités. Rien ne dure ni ne se pose, voilà qui fait la beauté de ces passages dont l’instant nous éclaire. Ce fut ici promis, comme un bourgeon, Alceste vous en parle dans une nouvelle rubrique qui sera en ligne aux prémices du printemps.

Des caractères…(Et l’avenir de l’Europe, me direz-vous?) En attendant, la spirale sombre qui entoure le monde et la déraison des hommes semblent s’accélérer. Il y a toujours quelque part, comme on la déteste et la repousse, cette inclinaison pour la guerre et sa triste pénombre qui revient, en nous, ou au loin. Deux ou trois nouveaux caractères en retraceront la pulsion (Les somnambules; le dieu de la guerre…). Et puis, probablement, si l’humeur de ces jours me permet de l’achever, un poème qui évoque la lointaine Ukraine, vive et meurtrie en même temps; ça ne sauvera pas le monde, mais quand même.

Voilà, bientôt “Le printemps clair, l’avril léger” dont rêve Apollinaire, le printemps et ses émulsions colorées qui frissonnent déjà dans l’air parisien. Alors, gardons confiance autant que possible dans le genre humain, malgré la laideur qu’il nous montre à nouveau à l’Est ces jours-ci.

La littérature amateure est un viatique; au pire, un efficace placebo…

Les Cahiers d’Alceste, c’est par ici et ci-dessous…

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Et n’oublions pas vos bienveillants commentaires…

 

“Les cahiers d’Alceste”: lettre  d’information  n°2.

 

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Au sommaire de fin d’année des “Cahiers” : mais que va encore nous sortir Alceste?  Disons que le paysage de la société française ces dernières semaines ne va pas inciter à se réconcilier avec le genre humain. Mais ce qui compte, à la fin, c’est de lire des histoires avec goût, fruit et saveur, et de belles figures verbales : n’est-ce pas un peu cela, la littérature (amateure, toujours)? Donc, dans les semaines qui viennent, de nouveaux textes…

Les Cahiers d’Alceste, c’est par ici et ci-dessous…

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 De nouveaux “caractères” évidemment. La contemplation critique et compulsive des mœurs de notre société française continue. Dépression, Ostentation…C’est étonnant comme bien des gens nourrissent une tendance à se plaindre, à se réduire, pour qu’on les remarque et les rassure; mais à force de tenter qui vous savez… (“l’entonnoir”). L’autre obsession dominante, est celle de se montrer, tel qu’on est, ou tel qu’on se voit, tel qu’on veut être vu. Quelques images et reflets donc sur ce sujet (“l”exocet”, “sentiers de la gloire”,et vous serez initiés à la “méthode de l’affluence”). Et aussi, un peu de compassion pour la finance et ses agentstout à leurs transactions, ces gens-là ne voient rien venir. Quelques animaux, portraits d’inspiration modeste, entre les deux géants Jean, La Bruyère et La Fontaine. Cela en fait, des nouveautés dans les semaines qui viennent !

De nouveaux poèmes, c’est irrépressible. Qu’est-ce qu’on voit, qu’est-ce qu’on imagine, au gré imperceptible des saisons qui passent, qu’est-ce qu’on ressent, Après la lumière ? Comment se retrouve le monde, Après la lumière ? À découvrir aussi : ce drôle de phénomène qu’est le Noème. Mais c’est quoi, ça ? Peu importe, vous verrez bien, et partirez à la Quête du noème : pas garanti que vous le trouviez, mais exercice vraiment gratifiant, c’est promis…D’autres poésies sans doute, dont trois sonnets de Xavier Rugiens; mais à l’heure ou s’envole cette lettre N° 2, bien des choses et des mots bouillonnent encore sans avoir rencontré la juste fréquence. Car la poésie, c’est une affaire d’altitude, non? Alors on lèvera les yeux vers le ciel, et avec ces mêmes yeux, on écoutera la parole des Nuées…

Le Conotron ? Toujours en flux tendu, quelle inspiration ainsi permise, merci le genre humain ! Vous pourrez bientôt lire : les délires et obsessions du wokisme sur l’œuvre de Beethoven (et oui, le plus grand des grands, le pur zénith…), ça vaut le détour. Et toujours la vie des français, pour vous distraire : rien que du vrai, du vu, du vécu.

Bien sûr, de nouvelles opinions de lecture. On a pas mal lu, ces temps-ci. Notamment, un roman très agréable d’un auteur que vous ne connaissez pas (si si, on parie ?) sur la justice élémentaire d’un homme juste. Ce n’est pas un professionnel, et on a apprécié. Et les Feux, très beau roman, (un peu secouant à vrai dire) pour ceux qui, de bon sens primaire comme moi, jugent que la guerre ne laisse toujours que salissure. Rendez-vous aussi aux pionniers de l’âge rock psychédélique, avec un roman d’un auteur italien en errance spéléologique dans la mémoire de Pink Floyd. Et d’ici là, on aura sans doute encore lu des choses, et aura en conséquence sans doute encore des choses à vous en dire.

Les contes ? Suite et fin du « Barde », évidemment ; terminera-t-il son grand œuvre, notre barde ? D’une certaine façon, il finira en effet.

Enfin, et peut être, mais sans assurance, il est possible qu’une nouvelle rubrique s’ajoute à celles déjà plus si jeunes, de nos “Cahiers”. Car cela fait déjà une année que toutes ces petites chroniques palpitent ainsi. Bon anniversaire, Alceste.

Voilà, c’est parti, et bientôt 2022 ! Bien à vous, et gardez confiance dans le genre humain. La littérature amateure est son viatique.

Les Cahiers d’Alceste

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Et n’oubliez pas : vos commentaires (bienveillants) et vos retours (encourageants) c’est ICI : hervehulin@orange.fr

 

 

La lettre d’information des “Cahiers d’Alceste”, le blog littéraire d’Hervé Hulin. (N°1 BIS – Octobre).
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Au sommaire de la “lettre d’Alceste” N° 1.

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« Tous ces défauts humains nous donnent dans la vie – Des moyens d’exercer notre philosophie »

Molière – Le misanthrope, V, 1

Les cahiers d’Alceste” proposent au lecteur qui voudra bien s’y pencher, plusieurs rubriques : les “Caractères” imitation modérée de La Bruyère en voyage dans notre siècle confus, des poèmes et de la poésie, des chroniques de lecture, une chronique (légère) de la connerie humaine, et des contes. Mais ne vous arrêtez pas sur la page d’accueil: allez fouiller dans les rubriques. C’est là que se trouve la matière. Et les paysages.

On ne mettra dans cette lecture, ami lecteur, que le sérieux qu’on voudra bien y mettre.

Les Caractères… sont de retour.

Les “Caractères” nous parlent très simplement des gens, et des travers de ces gens dans les travers de notre temps. Vous reconnaîtrez Demophile et Dorinte (vous les avez assurément déjà croisés…); et puis Gnathon, immanquable qui vous fait rire et vous agace en même temps. Apprenez – ou confirmez-vous – qui sont les Sycophantes… Et aussi Arsinia, terrible et pathétique, Ménippe, Démophile, Hermas et sa (violente) passion des oiseaux, Zélie  face à son équation…Compatirez-vous au sort de Memnon ? C’est selon, mais la réponse indique pour qui vous votez… Et qu’appelle-t-on les “inimitiés subliminales” ? Il y a lieu aussi de livrer quelques moralités. Il faut le dire, les moeurs de notre temps sèment bien de la consternation. Mais pas que…

Tout cela et bien d’autres gens et considérations, dans les “Caractères”...

Bientôt : Dies irae, ou comment s’emmerder à la Messe. “L’ile noire” ou chronique ordinaire de la solitude aigrie ; et un peu de zoologie pour comprendre nos frères humains.

Originalité d’Alceste : Le Conotron.

C’est une chronique de la connerie ordinaire. Ce qu’il y a de bien avec la connerie , c’est  qu’elle est toujours celle des autres. Profitons-en. Et en plus, exclusivité sur les “Cahiers”, un indice conoscopique, instrument de mesure complètement objectif et scientifique, pour mesurer cette subjective substance sur une échelle de 1 à 10.

Bientôt : pas de bientôt particulier: car la matière première est ici à flot continu… Et elle sait nous surprendre toujours.

Et un “coming out poétique” scintillant, un !…

Qu’est-ce qu”un coming out poétique” ? Certains d’entre vous ont bien quelque poésie écrite dormante, cachée dans un tiroir ? Mais à un moment, il faut bien aller voir si le lecteur existe, non ? Eh bien vous découvrirez les penchants – esthétiques- des auteurs. A ne pas manquer malgré tout, si la poésie n’est pas (encore) votre affaire: les “six sonnets” de Xavier Rugiens;  un “nocturne” qui vous captivera. Et cadeau des auteurs: deux traductions (pirates, et pour le non-prix d’une…) de “La colline que nous gravissons,” d’Amanda Gorman.

Bientôt : un complexe édifice: “le Voyage en Orient”. Et la suite N°2 des “poèmes courts“.

Et des nouvelles du conte… Ou conte des nouvelles, c’est selon.

Qu’est ce qui obsède donc le Barde ? La composition de son grand-oeuvre en solitaire ? Ou la mystérieuse inconnue qui chante la nuit ?

Bientôt : la suite du “Barde” (2è partie)

Et des chroniques de livres à lire (ou pas, contentez-vous d’avaler les chroniques, et vous parlerez du roman même dans vos dîners en ville !).  On vous donne ici des impressions sur des romans, et quelques récits de voyage. Des livres peut-être (c’est un point de vue) insuffisamment connus. Mais pas tous. Si ce n’est déjà fait (on l’espère) vous partagerez le sentiment de consternation vécu à la lecture du plus mauvais écrivain de notre temps. Et vous aurez envie (Si…si…) de lire des japonais. Les africains sont étonnants aussi. Qui connaît Nnedi Okorafor ?  Et si vous ne devez lire qu’un seul récit de voyage en toute une vie: “le Voyage en Orient” de Lamartine. Un émerveillement.

Bientôt : les voyages d’Audubon dans l’Amérique sauvage à l’aube du XIX è siècle, et un roman (étonnant) sur les états d’âme des éléphants.

 

D’avance, merci de votre lecture indulgente, bienveillante, et peu ou prou attentionnée.

Ne désespérons pas trop de notre temps! Et si vous avez des congratulations à émettre, ou des améliorations à suggérer:

hervehulin@orange.fr

 

 

 

 

“Les années nous viennent sans bruit.” Ovide. Les Fastes. VI, 771).

Déjà 2022…Et voici encore une année qui s’envole…Mais où vont-elles toutes comme cela?  D’où viennent-elles?

Des souhaits et des vœux. Bien sûr, c’est le nouvel an ! Que souhaiter en cette année balbutiante, qui semble déjà lassée avant que d’avoir commencé ? Après tout, une bonne année, certes, mais pour quoi faire ? Se stresser en comptant les variants qu’égrène malignement notre virus familier ? Non. Contempler les phases savantes que la Terre démontre dans sa riposte climatique désormais quotidienne contre notreespèce ? Non plus. Se rappeler en marchant dans la rue, qu’un français croisé sur trois est désormais d’extrême droite ? Non, encore non. Allons donc… Il y a mieux à vivre que nos peurs.

Souhaitons-nous des choses durables. Souhaitons-nous de belles patiences, de longs silences. D’attendre un peu moins du genre humain dans sa masse (il nous décevra encore, mais nous amusera toujours, vous verrez…) ; et un peu plus de soi-même, de ceux qu’on aime et qui restent tout près. Ce qui sera déjà pas mal.  Savourer la brièveté des belles choses, et l’éternité de leur souvenir,  et contempler les effets de lumière sur nos paysages extérieurs et intérieurs. Allons, profiter des belles choses que nous offre le monde. Le ciel sait qu’il y en a, suffit de les chercher.

Souhaitons-nous des miracles. Souhaitons plus encore.

Alors, de jolies choses pour commencer l’année avec une sensation de bonheur.  Je vous suggèrerai- à propos de lumières – quelques lectures, qui ne figureront pas dans les chroniques de nos « Cahiers ».

Tout d’abord, le magnifique « Vous avez connu Rimbaud ? » de Jean Rouaud, illustré par Rachid Maraï ; on est proche du roman graphique, mais avec Rimbaud, tout est déjà roman, tout est déjà graphique. (Ed. Dunod/Graphic). Vous serez transporté avec magie dans cette étrange lueur que laisse partout le sillage de notre plus grand et mystérieux poète : la famille, les proches, ceux qui affirment en être, ceux dans l’ombre du géant, et qui l’ont vu passer en toute hâte. Vous aurez la sensation d’être un invité de cette communauté lointaine, attablé ou en chemin avec eux, et vous refermerez le livre comme un familier.

Une très belle édition bilingue de Dante dans la Pléiade, la « Comédie » ; je ne parle pas le florentin du XIII è siècle, comme tout le monde d’ailleurs, et pourtant, et pourtant, ça vaut la peine. Quelle langue, quel vertige ! Entamé la(re)lecture du « Purgatoire ». Spectacle désolant des châtiments divins, peu de différence dans le sadisme, avec « l’Enfer » rendu plus célèbre par les romantiques. Comme cette religion est cruelle !  Quel effort exigé dans la lecture, quelle attention aussi! On ne va pas se le cacher, la lecture de Dante n’est pas une bluette. C’est le poète absolu de la densité (pour chaque Chant, l’édition vous produit dix pages de notes en fin de volume, profitons-en pour devenir moins ignares). Très riche commentaire de Borgès traduit dans ce volume, en prime.

On pourra aussi profiter en ce début d’année d’un peu de poésie. Très élégant, très pertinent « Petit éloge de la poésie » de Jean-Pierre Siméon (Ed. Folio Gallimard); c’est léger et aérien, c’est malin. Et sur un mode plus grave, « Je ne peux y croire », fascinant volume d’anthologie de haïkus «atomiques» : laissons-nous éblouir de l’incroyable résilience de l’esprit japonais face au triple drame nucléaire d’Hiroshima, Nagasaki, et Fukushima, et son cortège d’horreur – résilience et ré-émergence de l’humain, par la poésie (Anthologie établie par Dominique Chapot, Ed. Bruno Doucey). Tenez, prenez ça :

Libellules au ciel
Les enfants dans ma tête
Qui ne vieilliront jamais

(Matsuo Asuyuki)

 

Ou encore :

Cosmos en fleurs
Débris de tsunami…
Rien ne change

(Manabe Ikuko)

 

Éblouissement encore. Allez-vous promener du côté de l’Hôtel de la Marine (Place de la Concorde), et, émergente comme d’un temps retrouvé, la collection Al Tani vous ravira des merveilles des civilisations, de tous les continents, et nous rappeler ces beautés que parfois, savent nous donner les hommes.

 

Mais nos « Cahiers d’Alceste » que vont-ils donner encore en 2022 ? Je ne suis pas sûr d’en avoir aujourd’hui LA réponse.

Les « Caractères » vont s’enrichir, et l’effondrement des formes élémentaires de lucidité autour de nous pousse à scruter encore et encore nos contemporains dans leurs travers.  C’est sans fin, cette affaire…On vous parlera de haricots, de tristes parleurs et de somnambules. D’autres facettes, aussi.

Toujours le Conotron, et bien des poèmes en approche…

Dans cette obsession de capter l’air du temps et d’en conserver un souvenir, une simple vibration, un nouveau chapitre sera ouvert. Des évanescences…

Les Cahiers d’Alceste, c’est par ici et ci-dessous…

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Bien à vous, mettez le bon pied en avant pour entamer 2022 (déjà !) et gardez confiance dans le genre humain. La littérature amateure est son viatique.

Et n’oubliez pas, O lecteurs: vos commentaires (bienveillants) et vos retours (encourageants) c’est ICI : hervehulin@orange.fr

Très belle année, pleine de littérature (amateure ou pas) à vous.

Tout le monde ici adore Cydias. En dix années de service dans l’entreprise, il aura recueilli,sur sa personne, le meilleur assentiment. De lui, que dit Thaïs ? Qu’elle admire et qu’elle reconnaît toutes les vertus qu’il a déployées chaque jour depuis ce temps qu’elle l’a vue arriver, sans doute la première à lui faire sa place qu’il ne parvenait à creuser, tant le malheureux était alors submergé sous sa propre timidité. (suite…)

Entre les éblouissements des sens, la mort danse éternellement autour de nous, à chacun de nos pas, comme une mystérieuse luciole trop familière pour nous captiver encore, sans que notre coeur, tout occupé qu’il est par les choses de la vie enchaînées à leur étrange cortège, la fixe un seul instant; protégée par une invisible défense immunitaire, qui seule donne goût à l’existence, notre conscience se consacre à nous faire vivre comme si ce train était sans fin.
Pourtant, une infinitésimale déchirure dans ce système suffit à nous plonger tout à coup dans un gouffre et voici quelqu’un, proche ou lointain, qui jusqu’à cet instant, marquait notre vie, soudainement à qui plus personne ne dira “tu”, happé à jamais par l’imparfait, déjà rongé par le souvenir comme sous un affreux lichen. Qui sait regarder cette mort  en face sans blêmir, sans mourir un peu, qui sait le faire sans trop souffrir ni trop faiblir, sait forcément affronter tout de la vie, et s’en trouve ainsi plus vivant.

 

©hervéhulin2022

C’est un étrange déclin de la liberté que de penser avoir raison en inventant chaque jour ce qui doit être, contre l’évidence de ce qui est. La recherche de la vérité aura alimenté l’humanité et l’effort de ses plus beaux esprits depuis que notre piètre cerveau, allié à notre pauvre cœur, ont entrepris de fonctionner de concert. Les sages qui nous ont précédé ont construit toute sorte de progrès pour réduire l’ignorance et permettre aux hommes d’être moins seuls dans leur nuit. (suite…)

Atys montre peu de sentiments quant aux évènements et aux bouleversements du monde. Et des affaires humaines, qu’elles lui soient proches ou lointaines, aucune ne semble l’effleurer. De la carrière et du métier, de ceux qui s’activent dans le travail, il ne retient qu’un bourdonnement indistinct ; ces machineries-là le touchent bien peu, elles lui semblent trop grises. (suite…)

La vie est une œuvre d’art. Elle seule choisit les talents qui l’honoreront. Certains parmi les hommes, mais hélas assez rares, sont doués pour la façonner ; ils en feront de grandes choses, qui marqueront et élèveront bien des esprits. D’autres, qui sont la multitude, n’auront que le seul don de la contempler. Ils peuvent bien l’admirer, et avec force et sagesse parfois, ils peuvent aussi l’apprécier et la commenter pour en souligner les insuffisances, jusqu’à y consacrer la dernière énergie de leur âme, ils n’en saisiront jamais le mystère, mais rien que la fragilité.

 

 

©hervéhulin2022

 

Indice conoscopique: 9/10

Ne soyons pas triste devant les pauvretés du genre humain, il y a aura toujours de ses représentants pour rechercher l’altitude.

Bob Salem, un habitant ordinaire du Colorado, a accompli quelque chose d’extraordinaire. Une cuillère attachée à son nez dans une sorte de masque de médecin de peste inversé, il a poussé une cacahuète jusqu’au sommet du Pikes Peak, en cheminant presqu’à quatre pattes sur toute la distance ; le sommet local culminant quand même à 4302 mètres. (suite…)

Tout disparaîtra, des années et leurs bruissements. De tout ce qui a été aimé, construit, donné, de tout ce qui fut révolté, fidèle, conciliant, l’essence s’évaporera, et l’univers aussi perdra dans ce mouvement les déclinaisons de son écho.
Le rire de la petite fille, le chant de la mésange. Le bois qui craque sous la flamme, le tambour de l’averse au-delà du toit. La voix de ceux qui sont morts et qu’on avait tant aimés, des enfants toujours vivants mais à peine vieillissants, et qu’on n’a pas vus depuis longtemps ; le bruit du saphir sur le vinyle, le son du premier vélo, la tonalité exacte des pompiers. Des bruits tourbillonnants, de foules et de familles, de fêtes et d’écoles. Les années qui emportent les années disparaîtront aussi. Tout s’effacera, mais dans un empan de durée si différent. Ne restera rien, sauf pour leur malheur, la mémoire des hommes. Et pour leur rare bonheur, le silence qui suit le bruit.

 

©hervehulin2022

Voyez comme Valère est salué pour sa nomination, comme on va vers lui, et comme on se réjouit pour lui, qui porte si bien son succès. Seul son mérite lui a attiré cette récompense. Sa persévérance désintéressée dans le travail, menée à travers tant d’années, l’a mené à ce port. On sait combien Valère est travailleur, persévérant, et toujours droit dans la tâche. Par un juste décret, le voici promu à la légion d’honneur. (suite…)

Oronte a la passion du pouvoir, c’est un homme de forte ambition. Il a toujours su se faire un chemin sans détour dans les aléas des gouvernements. Il a fondé et dirigé sans faiblir bien des partis et des mouvements, construit des alliances et défait des rivalités. Maire, député, ministre, président un jour, Oronte avance. (suite…)

Le japon, sa culture et sa littérature, sont souvent perçus comme figés dans un tissu de présupposés, combinant l’exotisme, l’esthétisme, et une forme de hiératisme mental, tout ça pour faire des japonais des gens très différents de nous. De ce point de vue, cet étrange roman d’Ishikawa est à la fois dans cette fenêtre, qui nous ouvre l’attention sur un univers lointain; mais aussi très proche de nous, de nos formats littéraires, et de nos amusements. Les étonnements qu’il provoque sont assez significatifs d’un écrivain japonais, mais on ne s’en lassera pas. (suite…)

 

 

Entre eux, les puissants, les grands, les décideurs aiment à se contempler tels ; des chanceux, ou encore des méritants, qui se renvoient les aspects de leur position. Sitôt réunis, sitôt connectés les uns aux autres, ils savourent sans fard cet entre-soi mérité. Mais ces gens-là, pourtant tout éclairés de leur hauteur, redoutent qu’on les voie comme tels. (suite…)

Sans doute toujours considérer, à l’instant de chaque matin qui lève, sa propre vie comme achevée. Aussi dément que ce propos paraisse dans notre siècle seulement soucieux d’embaumer chacun de ses jours. Notre vie n’est ni longue ni brève : elle est toujours rattrapée par cette ombre familière qui guette et avance ; qu’attendre d’autre, raisonnablement, que ces reliefs translucides qu’elle nous a imprimés ? De fortes images qui nous font vivre. (suite…)

 

Allons, Théodas, vous vous questionnez, comme ce point vous tourmente, de savoir comment se comporter justement en société ? … Sachez donc que naviguer dans ce joli monde et ses manifestations n’est rien que très simple : dans toutes les situations qui rapprochent l’individualité des cœurs des hommes et de toutes les formes de leurs intimités, (suite…)

Pourquoi désobéit-on, quand on est enfant ? Pour exister, pour occuper l’espace que l’enfance nous laisse avant de devenir responsable de ses actes ? Pour être autre chose qu’un esprit qu’on commande ? Parce que désobéir, c’est être libre dans son esprit d’enfant ? Pour ne pas ressembler aux adultes ? Difficile d’isoler une seule réponse. Mais franchir les lignes, c’est aussi, un peu, la vocation de la littérature. (suite…)

A mesure que l’âge avance, que les bienfaits de la fortune et les faveurs de la vie se retirent d’un homme dont la grande élévation le disputait à la haute notoriété, apparaissent sur la surface de l’étiage qui peu à peu, dans le fil des années, se découvre, les traces des actes passés et toute sorte de matière ancienne, triste et pâle, déformée par les scrupules et les regrets, consumée par les joies enfuies, et qui s’offre au regard une dernière fois, juste le temps  que le sable les absorbe, à tout jamais.

 

Il est aisé de remarquer qu’en contemplant des nuages dans l’étain d’un rétroviseur, le contour en apparaît plus lumineux, et d’un ciselé plus joli. Sur Xanthippe, vous en souvient-il, ce fameux prince qui nous gouverna jadis, tous les avis furent unanimes du temps que ces lois et ces décrets nous pesaient. Il fut mauvais gouvernant en tout : et son sens corrompu et ses décisions mauvaises, et ses arbitrages injustes. (suite…)

Un homme marche dans la forêt sibérienne, en pleine nuit, il marche dans la neige jusqu’aux genoux. Il fait si froid que la sueur et la salive gèlent dans l’air. Son chien lui ouvre le chemin devant lui : sa seule compagnie dans cette immensité glacée ou il faut bien vivre. Vivre d’expédients, d’un peu de braconnage et de bois volé, de coups de mains avec les rares voisins très lointains, qui vivent pareillement. Cet homme regagne donc sa cabane, après un long parcours dans cette nature farouche. Il allonge son pas en imaginant déjà le feu dans la cheminée, la bouilloire, une cigarette et sans doute, un peu de vodka. De la viande grillée…Un bon sommeil, enfin, dans la baraque réchauffée. Soudain, encore à distance de ce réconfort, le chien, hors de vue, loin devant, s’agite, et jappe, puis se tait. Quelque chose est là, hostile. La nuit absolue résonne alors d’un grondement sourd. L’homme comprend, et reconnait sa terreur.

John Vaillant est un écrivain et journaliste américain. Il vit aujourd’hui à Vancouver et collabore à divers journaux et revues, comme The New Yorker, ou le National Geographic.  Il convie le lecteur à observer le monde au travers des yeux d’un aventurier resté indemne : s’intéressant dans ses ouvrages aux frictions entre l’homme et son milieu naturel, il a voyagé à travers les cinq continents.

Dans les confins de la Sibérie, au début de 1997, un homme, Markov est tué par un tigre dans des circonstances troublantes. On le sait, le tigre de Sibérie (parfois nommé, tigre de l’Amour, ce qui en dit long sur notre regard) est le plus grand félin vivant. Sa rareté, comme les menaces qui pèsent sur son espèce, en font un joyau fascinant- absolument. Sa solitude, son déplacement permanent, sa puissance rarement déchaînée et l’incroyable vulnérabilité de notre condition qu’elle met en miroir, lui donnent une aura sans égale dans le monde vivant. Aucune autre créature de la taïga– ni ours, loup, léopard, sanglier- ne peut avec lui rivaliser.

Un autre homme, Iouri Trouch, avec son équipe de la « mission Tigre », en charge de la protection de l’espèce contre vents et marées, va enquêter pour élucider ce qui s’est passé. Et, surtout, abattre le redoutable prédateur devenu criminel, avant qu’il ne récidive. Or, ce qui rend magnétique la lecture de ce récit, c’est le comportement troublant du fauve : le tigre ne s’est pas contenté de charger et frapper, comme soudain en fureur. Il a suivi, pisté, attendu. L’analyse des traces, des indices, le recueil des témoignages et surtout, la vie de la victime, montrent que l’animal a agi avec détermination, en préparant son assaut depuis des semaines, voire – eh oui – des années. Du pauvre Markov, les enquêteurs retrouvent dans la forêt la dépouille taillée en pièces, et dispersée méthodiquement. Il est clair qu’il y a eu préméditation et que le tigre avait ses raisons. On découvrira que quelques années avant, le même tigre avait anéanti la cabane de Markov en son absence, s’acharnant même sur les latrines. Pourquoi donc ? Plusieurs fois, le fauve aura pisté Markov à son insu.

Vaillant suit pas à pas le travail de Iouri Trouch et son équipe. C’est un monde inconnu, vierge et contemporain, qui ouvre ses latitudes blanches à nos regards. Les investigations dévoilent toute une galerie de personnages, des bûcherons, des braconniers, des commerçants. Des gens pauvres et droits, qui vivent dans cette contrée peu généreuse, mais qui ne sauraient exister autrement que là. Ils sont adaptés à ce monde, ils ne se contentent de rien, ou presque, de ce que leur concède la taïga et rien d’autre.

Ce n’est pas une simple chasse, mais une affaire criminelle. On saura, après quatre-cents pages, pourquoi ce tigre a tué Markov. Dans toute forme de crime, il y a un acte, mais surtout un motif. Ce motif, on l’aura à la fin, seulement quand le corps du félin, enfin vaincu, sera examiné et autopsié. Markov avait bien commis une erreur, il y a longtemps, contre l’identité de ce seigneur qui, soumis aux lois de l’adrénaline et de l’instinct, comme tous les grands prédateurs, ne pardonne pas ses blessures. Une grave erreur, de celles qu’on ne concède pas face au tigre. Un dessein tueur s’était bien tracé année après année ; une vengeance, en quelque sorte. Pauvre Markov, condamné qu’il était, depuis tant de temps, et ignorant – lui, le braconnier- qu’il était la proie.

Trouch ne va rien lâcher dans cette enquête qui décline tous les codes du roman policier ; pourtant, ce n’est pas un roman. C’est un récit. Amélie Nothomb se trompait, en livrant il y a quelques années un très beau commentaire de ce livre, mais qu’elle qualifiait de roman (une méprise ?). Or, c’est bien un récit. Pas un roman, mais un récit de faits et d’actions vrais qui se comporte, il est vrai, comme un roman. Elle a eu raison cependant, quand elle parlait d’un « Moby Dick » forestier. La formule est juste. Car cette traque d’un mangeur d’homme, dans cet univers si lointain et sauvage, est l’occasion pour nous, citadins lecteurs configurés dans nos vies urbaines, de partir à la découverte de ce monde immergé dans une nature peu conciliante. Très loin de toute forme de tourisme, de voyage, de safari ou de trekking. Même meurtrie, cette forêt reste impériale et sans partage. Les hommes qui y vivent y sont pauvres, éloignés, rares, et tout entier consacrés à ne pas se laisser dévorer par ces climats et ses immensités dominatrices. Comme dans son royaume, l’incroyable félin est si difficile à repérer… Mais LE tigre (toujours dénommé au singulier) est présent, avec eux. Il est ici dévoilé comme jamais, familier aux habitants de ces contrées, lui que si peu ont vu, que tous respectent et  prient pour ne jamais le rencontrer lors de leurs errances dans ces forêts.  Dans ce territoire inimaginable d’espace et d’hostilité, la relation sacrée entre ces humains durcis et cet animal mythique prend une autre dimension.« Depuis des millénaires, l’homme de la taïga vit en bonne intelligence avec le tigre, moyennant certaines règles de politesse, dont le respect du gibier de l’autre. Quand un homme est dévoré par un tigre, on estime qu’il l’a cherché ». Dans ces contrées farouches, le tigre, est le vengeur d’un cosmos d’équilibre qui impartit sa zone mineure au genre humain.

La vision de l’animal de Vaillant n’est pas écologique, mais ontologique. Elle se différencie ainsi, par l’effet de cette trame policière, de celui de Peter Mathiessen, qui publia il y a quelques années, « Tigres dans la neige » très beau récit de nature, qui retraçait une expédition scientifique dans ces mêmes régions – à peu près. Mais l’objet en était différent, consacré à l’écologie du tigre et son extinction en marche ; les hommes y étaient moins présents, d’une certaine façon, et l’angle de prise de vue plus large.  Le tigre y figurait plus objet, et moins sujet.

Dans cette « histoire de survie dans la Taïga », on retrouve cet univers enneigé. Mais toutes les situations que relève Vaillant dans cette longue enquête mettent en perspective un sillon de la condition humaine quand elle est ainsi, par la force des choses, resituée à sa juste proportion naturelle. Quasi-divin par sa puissance, son charisme, mais aussi son invisibilité, à la fois esprit de la Taïga sauvage et force immanente de tout un éco système à lui seul, tel est le tigre de Sibérie. John Vaillant en fait ainsi un personnage de littérature à part entière. Pas un objet de documentaire animalier, ni une sorte de graal incertain au bout d’une quête mystique dont l’atteinte enfin vous rend meilleur (« La panthère des neiges » S. Tesson ou encore, « Le léopard des neiges », P. Mathiessen, à nouveau). Le propos du roman est métaphysique. Nous sommes désespérément fragiles face au monde sauvage et les créatures qu’il envoie pour nous rappeler à notre mortalité.  Décrivant le rugissement du tigre, Vaillant traduit excellemment cette relation cosmique : “En plus d’être aussi puissant que le bruit d’un réacteur, ce son a la capacité terrifiante de se disperser dans l’espace et de sembler venir de partout à la fois. C’est une expérience sidérante. Celui qui la vit a l’impression que son esprit se dissocie de son corps et que l’appareil neurologique censé l’aider dans un moment pareil est totalement paralysé. Les scientifiques et les chasseurs qui connaissent bien ces animaux, quand ils parlent de ce rugissement, décrivent moins un bruit qu’une sensation qui envahit tout le corps. (…) Bref, au plan acoustique le feulement du tigre produit le même effet qu’une catastrophe naturelle. Il fait ressurgir en l’homme la crainte de Dieu.”Lequel, du prédateur ou du fauve, est le reflet de l’autre ? A la différence de Mathiessen, qui invoquait avec ravissement le tigre comme une sorte d’épiphanie permanente, Vaillant nous parle finalement surtout des hommes, et ne montre le tigre qu’à travers le prisme de la condition des hommes, des hommes pauvres et oubliés de cette partie du monde. Nous visualisons l’animal par la fenêtre du regard des hommes. Fascination épique pour la force animale, son récit est aussi une belle ode à la persévérance et au courage.

On sortira rêveur de cette lecture, imprégné du contraste de cette vie qui veut toujours que l’homme défie la nature et la subit depuis la nuit des temps. Toute notre relation originelle à la nature sauvage, celle que nous honorons, nous redoutons, celle d’où nous croyons avoir échappé une fois pour toute, si peu enfouie, remonte ainsi dans la traversée de la conscience pour nous rappeler encore une fois, qui nous sommes. Devant un rugissement dans la nuit, un virus, une avalanche ou un tsunami, qui nous sommes et ce que nous ne serons jamais. Le divin, définitivement, ce n’est pas nous.

 

 

 

 

Le tigre. Une histoire de survie dans la taïga (The tiger : a true story of vengeance and survivalde John Vaillant. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Dariot. Ed. Libretto, 423 p.

 

 

Bathylle fréquente beaucoup…  Il sait lier très vite, et noue des connaissances dans toutes les couches de la société. Autour de lui, toute une foule de relations se presse. Comme il est plaisant, il est accepté partout.

Bathylle reçoit donc énormément ; il anime alors une conversation diluvienne. Il s’invite en toute facilité dix fois la semaine chez des gens qu’il ne connaissait pas il y a un instant, mais qui lui ouvre les bras et l’accueillent avec bienveillance. Ceux-là lui rendent bien sa convivialité. Il entre souvent chez eux, sans attendre une invitation, le soir, en journée, parfois même la nuit. Eux, en réciprocité, arrivent souvent chez lui, à l’impromptu.

Il communique aisément sur toutes sortes de sujets avec des inconnus qui sont ses amis, et leur tient toute sorte de propos, sur tout et sur rien, mais surtout sur ce qu’il n’aime pas et en reçoit autant en retour.  Il leur dit des choses plaisantes, et ceux-ci lui renvoient des réponses comparables. Ils s’apprécient beaucoup dans cette catégorie d’amis, sans consacrer de temps à des introductions, des courtoisies ou des présentations. Ils s’encerclent dans un entre-soi d’intimité, et sont heureux du seul et simple bonheur d’échanger des mots, des signes et des émotions. Ils apprécient cette chaîne invisible qui les attachent. Ils sont rassemblés. Ils sont connectés.

Ils sont d’accord, ou pas d’accord, sur les propos qu’ils échangent. Parfois, il y a des ruptures, entre amis, comme cela arrive parfois ; mais ils se retrouvent, souvent même sans le savoir. Car le fourmillement de ces amitiés est incessant. Les conversations de soirée entre ces gens-là ne prennent jamais beaucoup de temps.

De tous ces amis invisibles, Bathylle ne connait ni les noms ni les familles ni les vies, et ne reconnaîtrait rien de ces gens-là s’ils les avaient en face de lui. Sans situer le visage d’un seul d’entre eux, il soutient leur fréquentation sans savoir que ce sont les mêmes…  Il ne sait pas s’ils sont hommes ou femmes, jeunes ou vieux. Ils existent et n’existent pas. Ils ne se voient pas, et ne se sont jamais vus. Les noms par lesquels ils se nomment sont des chimères, leurs consonances sont souvent stupides. Ils se gardent bien de livrer leurs vrais visages. Ils vivent ainsi ensemble qu’ailleurs, dans une humanité qui n’existe pas, sur des réseaux qui chaque jour, rendent à tous leurs caractères moins sociaux que la veille. A chaque message lancé dans l’espace de leur impalpable communauté, ils éloignent un peu plus le genre humain de sa destination, et l’amitié de son orbite. Tous ces signaux désordonnés nous laissent le portrait transparent de la condition de l’homme, qui dans sa grande terreur du silence parle toujours pour exister sans savoir de quoi ni à a qui.

 

©hervehulin.

 

 

 

 

Nos sens imparfaits, notre entendement étroit et les limites de notre raison se font vite jour sitôt qu’il s’agit de considérer le genre humain dans tous ses visages. Nous disons « les gens » les « hommes » « le peuple ». Nous n’entrevoyons qu’un modèle au profil générique car cette simplification s’ajuste plutôt aisément à nos esprits. Alors que ce sont tant d’individualités qui composent ce prodige. Regardez donc Antiphile: (suite…)

Comme une ombre qui vient sur les blés et la plaine
Une tache de sang sur la neige a brûlé
Le fragile sarment d’une paix bien ancienne
Le temps que prend l’écho d’un sanglot écoulé

Sous l’éclair, solitude, et frayeur sous l’orage ;
Cet hiver écarlate a lâché ses périls,
Et dans le ciel enfui, les neiges en exil,
Avec l’or du matin, en tremblant, s’encouragent.

Toujours la blessure l’emporte sur l’accord,
Le vide sur l’astre, quand même la nuit pleure.
Et rien des peuples morts ne justifie le sort
Car l’homme est ainsi fait qu’il tue ce qu’il effleure.

L’Hoverla soudain gris, le Borysthène est triste.
Tout ce que la brume, tout ce que l’horizon,
Et tout ce que le songe ont permis de raison
Se relèvent à l’Est où chaque mot résiste.

Et tandis que saigne sous un mauvais destin
Ce corps blanc qui se noie dans sa plainte et sa peine,
Le vent tourmente et sème un cauchemar d’airain.
Car le monde est soudain noir et rouge en Ukraine.

3 mars 2022

©Hervé Hulin, tous droits réservés.

Quand bien même nous n’en connaissons pas la souffrance, nous redoutons la guerre. Cette juste terreur est le fruit de l’entendement humain, et d’un cœur qui bat avec sagesse. Il y a bien une histoire à retrouver, derrière celle des batailles et le bruit des armées. Mais rien à sauver, rien à admirer dans la douleur et les larmes, le feu et la ruine, aucun prestige dans la tiédeur des cendres. (suite…)

 

Citias est un garçon bien aimable. Il est fils unique. Il aura été naguère un enfant charmeur et tendre.  Il a donc grandi très aimé, et très protégé. Le voici presqu’adulte à présent. Il est prévenant avec les aînés, respectueux du sexe féminin. Il est généreux au point de consacrer bien du temps aux démunis. C’est un bénévole dans tous ses pores. (suite…)

Indice conotronique : 10/10.

On ne présente que très peu Jacques Attali ; ce ne sera donc pas ici notre propos. Pas lieu de rappeler la véritable clairvoyance dont fait preuve depuis des décennies ce bel esprit.

Jacques Attali tient une chronique hebdomadaire sur son site, (attali.com). On se reportera à celle du 25 novembre dernier, intitulé “l’engrenage infernal « (“https://www.attali.com/societe/lengrenage-infernal/;). Ce n’est pas lui qui emporte la palme du Conotron, dont il est un remède. Mais ses détracteurs. Et ils sont incroyables. (suite…)

Astée, vous voici jeune et tout intimidée que vous êtes face au monde des influents, rêvez- vous donc à ce point d’en être ? Vous arrive-t-il dans vos insomnies, de fixer votre esprit sur l’idée d’être admirée, d’être sollicitée, et pressée pour vos influences et vos conseils ? Ceci gâte votre sommeil, semble-t-il, et pourtant, il n’est pas difficile de soulager votre désir. (suite…)

« Je reçus une gifle ». Première phrase du roman, comme la pulsion d’une violence mineure, qui ne cessera d’en aligner, des violences humaines, jusqu’à l’enfer absolu.  Si le soldat Tamura prend une gifle de son officier, c’est parce que, blessé et malade, se présentant à l’hôpital, il n’a su apporter sa propre ration de nourriture. Il y a donc un prix pour sauver sa vie, comme il y a un prix pour préserver son humanité ; et si on n’en a pas les moyens, on passera son chemin. (suite…)

Le barde ne retourna jamais sur les terres de Morven. Bien des saisons passèrent. Peu à peu, son exil se dégagea de toute blessure. Il vivait dans sa tour près des falaises. Mais il errait souvent dans la contrée alentour, arpentant les landes, les collines, les plages et les forêts à la recherche de clés vitales pour son inspiration -chantonnant ses ossianiques, le cœur absent où léger. (suite…)

Vous êtes, Dorus, dit-on, un formidable financier, et surtout, un jeune homme qui mérite sa fortune. De l’art des transactions, vous êtes expert. Vous avez beaucoup d’argent, vous en achetez en quantité plus qu’il n’en faut, pour ensuite en revendre encore plus et ainsi en gagner toujours encore. (suite…)

 

Indice conoscopique : 9/10.

Beethoven s’est récemment retrouvé lui-aussi au tribunal de la culture annulante (pas trouvé de meilleure traduction). En effet, un musicologue et un journaliste (américains…) ont pu soutenir sans trembler que « les personnes au pouvoir, en particulier les hommes blancs et riches » auraient érigé la Symphonie N° 5 en symbole, plus encore, en levier, du modèle de leur supériorité culturelle. (suite…)

Clitiphon dans ses discours ne doute jamais de lui. Il vous dira être toujours satisfait de ce qu’il a fait. Tout ce qu’il entreprend est un succès, tout ce qu’il accomplit devient référence. Il aime à vous rapporter ses exploits. Il n’attend pas qu’on lui demande.Dans sa profession, nous dit-il, il est ce qui est de plus compétent. Non seulement peu savent rivaliser avec son expérience, mais tous ces gens viennent lui demander son avis, son éclairage, et comment faire. (suite…)

Les « cahiers d’André A » est un roman agréable qui nous déroule un destin d’honnête homme. Mais de cette catégorie particulière d’un honnête homme criminel. Le personnage éponyme est un ouvrier qui, condamné pour des meurtres qu’il a assurément commis, retrace toute sa vie et son parcours sur des cahiers d’écoliers, qu’il fait transmettre à titre posthume à son avocat. Le récit est doublement homodiégètique, le premier narrateur est l’avocat, qui introduit et conclut le roman ; puis, le texte passe à la narration du personnage principal, qui alimente l’essentiel des quelques deux-cents pages. (suite…)

Polyclès arrive à son travail. Comme tous les matins, depuis des années, il file droit à son bureau, dépose sa mallette, en sort son portable, le met sur le bureau, allume son ordinateur, saisit son mot de passe, puis sort à côté vers la machine à café, en tire son capuccino, revient à son bureau, boit le cappuccino d’une traite, se brûle la langue, ensuite prend un dossier, reprend son portable, sort du bureau, prend le couloir, et enfin, entre dans la salle de réunion. (suite…)

Dites-moi, Antagoras, avez-vous du discernement, de l’humanité, de l’esprit et le souci de connaître ceux qui vous entourent ? Dites- moi donc si vous connaissez bien Chrysale ? Si vous le connaissez comme il est, ce qu’il est, fait ou devient. On le dit votre ami. Car voyez-vous, nous-même aimerions savoir l’apprécier dans chacun de ses traits. C’est un homme qui compte, un personnage en vue, et le connaître parfaitement est un atout. On vous a vu parfois le fréquenter, lui parler, on a rapporté même que vous auriez pu rire avec lui, et chuchoter de connivence. Connaissez-vous tous ses traits et l’essentiel de son caractère, et votre regard sur sa personne est-il bien ajusté ? Qu’est-ce donc qui le fait rire, qui peut le distraire ? Ce qui l’inquiète, ce qui le rassure, le sauriez-vous ? (suite…)

Zénobie aimerait bien faire du sport ; mais voilà, elle est fatiguée… Elle aimerait maigrir aussi ; mais, il y a tant de bonnes choses à déguster, et elle-même adore faire la cuisine. Et puis, maigrir fatigue. Elle aimerait se consacrer plus à la lecture, car elle a des fois l’impression de stagner intellectuellement ; mais elle a peu de temps, et le soir, elle préfère la télévision. Elle voudrait voyager plus, et plus loin, car elle a très peu bougé dans sa vie. (suite…)

On a pris l’habitude dans ces chroniques, d’évoquer des livres plutôt d’une notoriété moyenne. Picoult joue un peu dans la classe des best-sellers : nous ferons donc une exception à la ligne de conduite d’Alceste. Jodi Lynn Picoult est une romancière américaine, qui est déjà relativement célèbre et traduite en France. C’est une personnalité intéressante, qui n’a rien de lisse et de conformiste dans l’univers de l’édition. (suite…)

Indice conoscopique: 9/10.

Ça se passe dans le métro, ligne 9, un samedi matin, fin d’été. A Saint Augustin, un homme monte dans la rame. Il ne porte pas de masque. Par les temps qui courent (fin d’été 2021) cela se remarque. Il est plongé sur l’écran de son portable, l’air très concentré. Puis, il lève la tête, regarde les passagers taiseux, et dit à la cantonade, d’une voix modérée : (suite…)

Adraste est peu enclin à s’associer aux autres. Son tempérament tout en angle le mène à ne consacrer qu’une attention moyenne à la communauté. Il lui arrive bien sûr de parler à des gens et de répondre à des questions. Et tout autant de participer à des conversations pour peu qu’elles ne soient ni trop longues ni trop animées, car l’opposition à ses propos le blesse facilement. (suite…)

Les anciens bardes racontent ainsi la dernière aventure d’Ossian. : un jour que celui-ci était à la chasse, perdu dans la forêt, il rencontra une cavalière d’une beauté surnaturelle qui le séduisit d’un regard – comme les fées savent si bien le faire- le désigna élu de son cœur, et l’invita à monter en croupe pour l’emmener vers la terre d’éternelle jeunesse. (suite…)

Indice conoscopique : 10/10

Michel Onf…fut naguère une conscience édifiante, avant de sombrer on ne sait trop où, mais vers le pas très beau. De l’ex-penseur, cette récente saillie :

« Je ne suis pas pour qu’on aille accabler des islamistes qui ont envie de détruire l’Occident dont ils pensent, avec raison, qu’il est décadent » (Europe 1, 30/09).

On savourera l’imbécilité offensante (entre autres, pour les victimes des cinq continents) du propos. (suite…)

John James Audubon explora au début du XIX è siècle une grande partie du continent nord-américain, pour en recenser et étudier les oiseaux. Il fut, comme l’indique le titre de la collection, un pionnier. Sa démarche, à la fois aventureuse et scientifique, a fondé pour les siècles à venir sa notoriété. Aux États-Unis, sa mémoire reste célébrée comme celle d’un héros (plus de six cent mille membres à la Audubon National Society, cent musées et parcs naturels portent son nom, des rues, des avenues, des sites par centaines etc.). (suite…)

Timante est constamment habité par la religion. Il a grandi dans cette forme de passion, et en vit toujours à l’âge adulte les commandements. En toute circonstance, il les transmettra et en reproduira les effets. Ses cinq enfants sont baptisés. Il fait un point vital que leur éducation soit rigoureusement façonnée comme l’a été naguère la sienne. Il en a acquis le goût de la discipline, et retenu l’esprit de privation. (suite…)

Aricie est vertueuse. Elle montre de la persévérance dans les bonnes actions. Elle ne médira jamais des gens qui croisent son existence, et reste inattentive avec constance à ce qu’ils peuvent dire des défauts qu’ils se prêtent entre eux. Elle est économe de ses opinions, et en retient toujours l’expression. Le mensonge est étranger à son univers. (suite…)

Damis, Phédon, et Ergaste sont jeunes et de grands talents. Ils ont suivi des études similaires, le même parcours supérieur avec un même succès  qui les a projetés au même premier plan. Ils réussissent bien dans leur profession et en partagent sur leurs faces le  ravissement. Leur métier peut paraître étrange quand ils en parlent à certains, car on n’y entend rien. (suite…)

A quoi ressemble un roman japonais ? Écrit au début du siècle précédent, « Le mineur » est une sorte d’hybride entre un roman à vocation sociale, et un roman initiatique. Soseki est un des tout premiers romanciers à importer au japon cette nouvelle forme littéraire, arrivant d’occident, par différence avec les grands romans classiques fleuves du japon (les fameux « dits » du Heiké, du Genji etc.). C’est un roman introspectif, mystérieux, esthétique, lent et symbolique, bref, absolument japonais. (suite…)

Chrysippe est un jeune homme de son temps : il s’ennuie. Sous ses yeux la terre est plate et le ciel vide. Il regarde le monde qui va et ceci ne peut exciter d’intérêt. Il aimerait goûter aux voyages et aux joies de pays lointains, mais la distance l’ennuie. (suite…)

Echelle conoscopique : 9/10.

Jean-Pax Méfret est un chanteur, auteur, compositeur. Ce n’est pas Brassens. Son inspiration est plutôt du côté de la couleur kaki, des torses bombés, des chants paras, de la droite catho, du drapeau qui claque et la marche au pas, et de l’honneur de la patrie, et du travail, et de la famille. Il a beaucoup de succès chez les fachos (appelons par leur nom ces gens-là, il n’y a pas de mal à ça.). Son répertoire est de noble facture. (suite…)

Echelle conoscopique: 9/10.

Ce titre est celui -à peine ici déguisé- d’un machin d’information numérique comme il en prolifère des dizaines de nos jours, grâce à cette régression intellectuelle utile qu’est internet.  Sans être journaliste, ni économiste, ni scientifique, ni politique, ni spécialiste, ni professionnel de rien, n’importe qui se proclame légitime à informer les autres. On balance des news, des chroniques, des analyses, des « quotidiennes ». C’est une forme de maladie compulsive. J’informe, donc je suis. Et j’appelle « information » ce qui n’est qu’opinion. (suite…)

Dites de celui-ci qu’il montre peu de qualités, ou qu’il n’est pas estimable, ou qu’il est peu instruit, vous vous distinguerez aussitôt en mal, et on vous répondra que c’est parce que sa peau est brune ou noire que vous dites cela plutôt qu’autre chose, que c’est vous qui êtes blâmable et vous en serez sévèrement condamné; (suite…)

Angélique est d’un tempérament très avenant. Cette constance est la clé de sa réussite. L’on voit souvent des gens sévères, ou suffisants, souvent contents d’eux-mêmes et toujours mécontents des autres, qui avancent dans la notoriété et le pouvoir. Angélique est très loin de ceux-là. Toujours souriante, toujours accueillante, dans ses propos et sa posture. Elle écoute, elle n’est jamais en désaccord avec la dernière voix qui parle. Elle est obéissante avec ardeur. (suite…)